Art et créativité
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Journal d’une femme artiste à Percé – Partie I

Après un hiver plutôt tranquille et un printemps un tantinet plus dynamique, me voilà projetée dans une toute nouvelle vie (nouveau job & nouveau lieu de vie). Ça roule. Ça file. C’est fou. Mais je me sens vivante. Comme tout renard qui se respecte, j’ai besoin d’apprivoiser et d’être apprivoisée. Me voilà donc perchée sur le Mont Sainte-Anne à Percé, avec vue sur une carte postale sans cadre, illustrant le Rocher-Percé et l’Île-Bonaventure. D’ici la fin de la belle saison (qui tarde à s’installer) je connaîtrai les moindres états d’âme de ces deux imposantes sculptures naturelles.

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Sous ses allures de ville touristique, de ville boutique, de ville porte-clés du rocher fabriqué en chine, de ville-crustacé, de ville-croisière aux baleines, de ville-fou de Bassan, Percé est une ville artistique. Reste imprégnée à l’asphalte, à l’air, au brouillard, à l’eau, aux sons, l’âme créative de quelques fantômes, dont celui de Suzanne Guité. La grande.

Depuis toujours, je visite Percé plusieurs fois par été, avec mon regard de touriste. Photos du rocher à partir du quai, promenade sur la passerelle en bordure de mer, visite des multiples boutiques où sont vendus les mêmes objets à l’effigie de la grosse pierre. Et chaque été, je noue à mon poignet quelques bracelets pour la chance, auxquels j’associe des vœux. L’amour, la vie, la santé et tout ce que tu voudras encore. Aujourd’hui, j’apprends que Percé c’est autre chose, que c’est bien plus que ça.

Quand je suis arrivée, j’ai demandé à visiter Percé dans le regard de ceux qui y vivent été-touristique comme hiver-fantomatique. J’apprends à connaître les dessous de la ville.

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Avec le brouhaha de ma nouvelle vie, j’ai l’être artistique qui cogne aux frontières de mon corps, de ma tête et de mon cœur. Il crie fort. Il ne tient pas à être oublié ou mis de côté. Peureux va. Égoïste aussi. Il avait l’habitude d’avoir toute la place juste pour lui, de prendre le temps de rêvasser, de plonger dans une émotion, dans l’éternelle contemplation, de chercher les mots, les images et de se laisser porter par le rythme de son inspiration. Aujourd’hui, il perd de sa liberté, il se déchaîne, se bat avec ses chaînes.

C’est drôle parce que tout l’hiver, on se morfondait mon être artiste et moi. On voulait que ça bouge. On était assoiffé de culture, de mouvement, de nouveauté, de vie et de rencontres avec des gens fous, vifs et colorés. Aujourd’hui on a tout ça, mais on manque de temps. On absorbe. On avale. On est dans le présent des pieds à la tête.

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Percé c’est le rocher.

Mais ce n’est pas que le rocher.

J’essaie de voir, de sentir, de goûter tout ce que c’est aussi.

Je ne veux pas qu’on m’ait déjà expliqué cette lumière. Qu’on ait déjà décrit cette ombre. Qu’on ait représenté le rocher de toutes les manières. Je veux tout m’approprier moi aussi. Tout prendre dans ma tête, dans mes bras, dans mes yeux, à ma manière.

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Tous les matins quand je me lève, le rocher est là, l’île aussi. On se regarde, on se découvre encore. J’aimerais pouvoir dire, montrer, capter l’essence, celle qui ne se voit pas nécessairement, celle qui me reflète dans ce paysage-là. Paysage maintes et maintes fois représenté. Tellement qu’une image du rocher, peu importe de quelle nature elle est, m’agresse. Le regard de l’inconnu, je le comprends captivé, affamé de se l’approprier aussi. Je ne peux pas lui en vouloir. Mais moi, fausse inconnue, j’ai mon histoire avec le rocher et nous voilà si proches maintenant. Je veux lui écrire un poème, l’illustrer sans qu’on le reconnaisse au premier coup d’œil, l’aimer sans demi-mesure comme si on se rencontrait pour la toute première fois.

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Pour moi, il y a encore à creuser à Percé. Suzanne Guité, je t’ai parlé de Suzanne Guité ? Je pense à ce qu’a été Percé à son époque et je frissonne, je chigne, je rêve. Percé a déjà été grande. Et je la sens encore respirer. Son pouls est faible, mais il continue de souffler et de foisonner dans le corps de tous les artistes qui y vivent et y revivent.

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Je vais te parler de Suzanne Guité dans un prochain article. Je n’ai pas fini avec Percé. L’histoire ne fait que commencer. En attendant, tu peux toujours taper son nom sur Google ou attendre que je revienne avec ma version personnelle des faits.

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Louba-Christina Michel est une passionnée. Elle écrit depuis qu’elle sait comment faire et même avant, dans une sorte d’hiéroglyphes inventés. Et dessine depuis plus longtemps encore, elle a dû naître avec un crayon dans la main. Elle est transportée par tout ce qui touche à la culture et dépense tout son argent pour des livres et des disques (hey oui!). Elle prend beaucoup trop de photos de son quotidien, depuis longtemps. Des centaines de films utilisés attendent d’être développés dans des petites boîtes fleuries. Sa vie tourne autour de ses grandes émotions, de ses bouquins, de l’écriture, de l’art, du café et maintenant de sa chatonne princesse Sofia. Après une dizaine d’années d’errance scolaire et de crises existentielles, entre plusieurs villes du Québec, elle est retournée dans son coin de pays pour reprendre son souffle. Elle travaille présentement à un roman et à une série de tableaux.

Un commentaire

  1. On a jamais fini de s’approprier cette ville. J’aime ton écriture vive, fébrile et sentie. Et toi Louba, tu t’ajoutes à ce que devient Percé . Tu le façonneras toi aussi dans le regard et le senti des autres . Je ne te lâcherai pas…..

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  2. Dominique Madgin says

    J aime tes mots…ton recit éveille en moi le souvenir de ma premiere histoire d amour avec Percé. Belle folie qu est cette vie entourés de tout ce beau monde et son histoire. Bravo pour ce texte et je suis impatiente de te lire à nouveau

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