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L’éloge des casanières

Avant toute chose, je dois avouer que je suis une pure et vraie casanière. Rien ne m’enchante plus que de cuisiner un plat réconfortant un après-midi, de lire en soirée et de me lover dans une couverture le soir. C’est simple, oui, mais j’adore pourtant ça. Casanière parce que j’aime rester à la maison, j’aime prendre le temps de ne rien faire et de fixer le plafond. Je n’ai pas besoin continuellement de distraction et même si cela provoque parfois de la culpabilité chez moi, ce sentiment de ne rien faire de concret, j’ai rapidement compris dans les dernières années que cela faisait partie de ma personnalité et même plus profondément d’un besoin. Comme de la fondation ultime de mon bien-être ; me retrouver devant du temps, chez soi, tout simplement.

Cette idée du chez soi est complexe et toute simple à la fois. C’est pourtant un sujet qui me préoccupe et me touche. Lorsque j’ai vu que Mona Chollet, une auteure que j’ai découverte grâce à son excellent essai Beauté fatale, qui aborde les standards inatteignables de beauté, venait de publier un essai sur l’espace domestique, je me suis dis enfin!

« Or, dans une époque aussi dure et désorientée, il me semble au contraire qu’il peut y avoir sens à repartir de nos conditions d’existence ; à repartir de ces actions – à peine des actions, en réalité – et de ces plaisirs élémentaires qui nous maintiennent en contact avec notre énergie vitale : trainer, dormir, rêvasser, lire, réfléchir, créer, jouer, jouir de sa solitude ou de la compagnie de ses proches, jouir tout court, préparer et manger des plats que l’on aime »

Enfin, je vais me sentir comprise et essayer d’éliminer cette angoisse et cette culpabilité qui se pointent le bout du nez souvent quand je passe une matinée voire une journée à simplement faire ce qui me plait, sans sortir dehors (bon, depuis que j’ai un chien, les choses changent, mais rien de m’empêche de sortir en pyjama et de revenir me blottit au chaud : ni vue ni connue!)

Chez soi est un essai alternant entre l’intime et l’histoire. Chollet part de sa propre prise de conscience de son casanisme (j’ai inventé un mot!) pour parler de ce que l’espace domestique représente dans notre société. Il y a donc clairement un point de vue sociologique à cet essai et cela m’a énormément plu. Elle traite à la base de la notion d’espace pour soi. Peu rares sont ceux qui n’en ont simplement pas et les causes sont nombreuses ; pauvreté, population grandissante et même le marché de l’immobilier en hausse. Ces réflexions sont nettement nécessaires, simplement pour comprendre que ce n’est pas si acquis que d’avoir la chance de pouvoir se blottir dans un lit chaque soir. J’avoue avoir pris conscience de ma chance et de celle de mon entourage d’avoir un endroit à soi, une chambre à soi qui nous permet de vivre entièrement sans continuellement craindre la nuit, le froid, la faim, etc.

« Le temps est le trésor vital des casaniers. »

De plus, l’espace domestique a longtemps été associé à la femme. Et encore aujourd’hui, les femmes sont celles qui passent le plus de temps à entretenir la maison, les repas, etc. L’aspect féministe du bouquin m’a touchée, parce qu’on le sait, le privé est politique. Le rôle traditionnel des femmes en tant que ménagère modifiait totalement le rapport avec le Chez soi. Il n’y avait pas de notion de choix dans cette obligation féminine de créer un logis parfait pour le mari et les enfants.

Finalement, je pense que Mona Chollet et moi on serait de très bonnes amies. Non seulement elle est fascinée par les rapports d’aliénation reliés à la beauté féminine, mais elle ressent aussi, tout comme moi, cette lourdeur du 21e siècle à la performance et il existe en elle cette envie de simplicité, de calme.  Le phénomène de plus en plus grandissant du #Slowlife m’attire énormément et aussi me comble de stupéfaction, comment se fait-il qu’on se doit de planifier de prendre le temps?

«  Que l’on considère le temps comme une chose inerte, ayant vocation à être « occupée », « remplie » ou « utilisée », contribue à expliquer l’incompréhension à laquelle se heurtent les casaniers. Leur entourage présume qu’ils ne peuvent que s’ennuyer mortellement, alors que, en s’extrayant de la course folle du monde, ils font l’expérience de la nature et de la texture vivantes du temps. Ils sont parmi les derniers (avec les enfants, probablement) à s’y lover en toute confiance. »

Cet ouvrage deviendra un peu ma bible, j’en suis certaine. Je vais m’y plonger les jours où je me comparerai à ces gens qui n’ont pas besoin de se retrouver quelques heures sous la couette pour faire le bilan ou les soirs où je culpabiliserai des journées passées à créer, écrire, lire sans avoir passé le balai. Chez soi, cet éloge des casaniers m’a confirmé qu’on a toujours le choix de créer son mode de vie et que l’important, c’est simplement de créer un style de vie adapté à ses envies et à ses besoins.

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Lectrice invétérée, Martine est bachelière en études littéraires et la cofondatrice du Fil rouge. Créative et inspirée, elle a l’ambition de faire du Fil rouge un lieu de rassemblement qui incite les lectrices à prendre du temps pour elles par le biais de la lecture. Féministe, elle s’intéresse aux paradoxes entourant les mythes de beauté et la place des femmes en littérature. Elle tentera, avec ses projets pour Le fil rouge, de décomplexer et de dédramatiser le fait d’être une jeune adulte dans une société où tout le monde se doit de paraitre et non d’être. Vivre sa vie simplement et entourée de bouquins, c’est un peu son but. L’authenticité et l’imperfection, voilà ce qui lui plait.

Un commentaire

  1. Denise Thibault says

    Ma chère Martine,
    Je me suis tellement reconnue par ton récit en employant le mot (casanière) tout à fait moi, entourée de bons livres, on ne sent jamais seule, vivre chez soi devient des moments merveilleux et quand on regarde autour de nous et qu’ on aime y vivre. Savoir qu’on concoctera un plat savoureux pour ajouter à ces bons moments de quiétude, un bon bain chaud et ses bons livres près à devenir le meilleur compagnon de sa soirée….quel bonheur à savourer!
    Bravo Martine!
    Ta grand’ maman qui t’ aime fort,
    Denise

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  2. Nicole Simoneau says

    Merci Martine! Votre arcticle m’a beaucoup rejoint… Et, effectivement, dans un monde axé sur la performance, ce besoin, ce choix volontaire de rester à la maison par plaisir et en retirer beaucoup de satisfaction n’est pas toujours facile à comprendre par les autres… 🙂

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