Autour des livres
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Autour des livres : rencontre avec Vanessa Bell

Responsable aux communications pour le buffet de l’antiquaire, chroniqueuse poésie à l’émission Les bouquins d’abord de CKRL et chroniqueuse danse pour Québec, Réveille! de CKIA, Vanessa Bell est une fille pas mal occupée, mais surtout très impliquée dans le milieu culturel québécois. Elle a récemment piloté le (super!) numéro spécial poésie de la revue féministe Françoise Stéréo dans lequel elle propose ses propres textes aussi. Elle a présenté des créations au Musée national des beaux-arts de Québec, dans le cadre du festival littéraire Québec en toutes lettres, à la Maison de la littérature de Québec, et dans le cadre du Off-festival de poésie de Trois-Rivières, entre autres. Vous pouvez écouter ses superbes chroniques radio ici! Et si un besoin de contemplation vous prend soudainement, allez faire un p’tit tour sur son instagram tout en douceur, dépouillé. Elle a publié IMPERMANCE en décembre dernier en collaboration avec le photographe Renaud Philippe. Vanessa Bell vit entre Trois-Rivières et Québec. Heureusement, nous avons eu la chance de l’attraper entre deux envolées pour lui poser quelques questions.

  1. Quel est ton premier souvenir en lien avec la lecture?

Mon père dans mon lit qui, à la fin de l’histoire, me demande d’inventer une autre fin ou de lui en raconter une nouvelle, une qui « dort dans ma tête ».

Plus tard, au contact direct avec le livre, ce sont les romans de La courte échelle qui ont pris toute la place. Je me souviens très bien des aventures de Notdog et la découverte des orchidées.

  1. Avais-tu un rituel de lecture enfant ou un livre marquant? Et maintenant, as-tu un rituel de lecture?

Enfant : Enfant je lisais partout, alors aucun rituel ne tenait. Déjà, l’écriture prenait la plupart de mes temps libres. J’écrivais tout le temps des histoires, que ce soit à l’écrit, dans ma tête ou en chanson, mais principalement des pièces pour la radio.

Quand j’en étais satisfaite, j’insérais une cassette dans ma radio, pesais sur « record » — le français existait peu sur les produits électroniques à l’époque — et enregistrais par dessus des classiques (honte à moi), mes pièces en faisant tous les personnages, la narration et le bruitage à l’aide de différents jouets et objets collectionnés. La littérature occupait une grande partie de mon temps, aux côtés de la musique, de la gymnastique et jouer dans la ruelle.

Un livre marquant serait pour moi Anna Karénine de Tolstoï. Le premier livre que j’ai acheté avec mes sous à douze ans alors que je m’étais rendue seule à la grande fête annuelle des Bouquinistes de Québec qui se tenait chaque année pendant la saison estivale sur la terrasse Dufferin. Ce livre marque le tournant dans mon parcours de lectrice d’une littérature jeunesse et québécoise uniquement vers une littérature classique internationale. D’ailleurs, j’espère que Parcs Canada a honte d’avoir tué de cette manière une tradition littéraire superbe sur un de nos meilleurs sites touristiques. Quelle célébration du livre en expression française c’était!

Maintenant : Je ne peux dire que j’ai un rituel, mais assurément affirmer que certaines choses ne changent pas! Par exemple, j’ai toujours 2 à 5 livres dans mon sac, prête à toutes éventualités pour mes journées. Je lis principalement à mes maisons, mais aussi en camping, dans les bars, à la Maison de la littérature de Québec que j’aime appeler mon bureau, chez mes amis, en marchant, avant le coucher de mon fils. Bref, je lis tout le temps, entre 1 et 3 livres (dépendant de la forme) par jour.

  1. As-tu une routine d’écriture, des rituels? Dans quel état d’esprit dois-tu être pour écrire?

Non, je n’ai pas de routine ou de rituels d’écriture.

Souvent, je lis compulsivement avant d’écrire. Je me sature et ne lis rien pendant quelques jours, je laisse reposer. Ma tête doit avoir le luxe d’aller là où elle a envie, même la joie de se surprendre elle-même. Par ailleurs, j’écris beaucoup sans mettre sur papier; je formule, j’oublie souvent, puis je suis prête à écrire. J’écris aussi quand j’ai de trop grandes émotions et un peu chaque jour, je dois dire. Écrire est pour moi un mélange de passion et de discipline.

Mais ce que j’écris de meilleur, à mon très humble avis, c’est quand je sens monter le besoin, l’urgence des mots. Alors j’écris en fleuve ou note pour plus tard quand il m’est impossible de le faire tout de suite.

Bien sûr, la douche demeure le meilleur endroit pour commencer l’écriture.

  1. Quels sont les livres qui t’ont donné envie d’écrire?

Pour vrai, j’y ai bien pensé, sûrement trop longtemps d’ailleurs, et je ne vois pas de livre qui m’ait donné envie d’écrire. Plusieurs m’ont donné envie de lire, de rencontrer, de partager, mais aucun ne me vient en tête pour l’écriture. Ce que je trouve dans la lecture est un écho qui ne me donne pourtant pas l’élan vers l’écriture. Ce sont, pour moi, deux mondes distincts.

  1. Quel est le livre qui t’a le plus fait cheminer personnellement et pourquoi?

J’ai envie de répondre Le grand cahier d’Agota Kristof. J’avais accepté de lire et d’écrire par la suite la dissertation de mon chum de l’époque (oui, je sais). Stupéfaite, envoûtée, j’avais dévoré le livre en moins d’une heure, j’en étais insatiable. J’étais aussi bonasse qu’amoureuse, mais ça a donné ça de bon : la rencontre avec un univers qui faisait écho à mon monde intérieur. Humour noir, écriture du réel où un chien pouvait donner du plaisir à une adolescente, où le sexe voulait dire autre chose que l’amour, où je sentais qu’on s’adressait à l’intelligence du lecteur.

Ce livre ne m’a pas fait cheminer personnellement de la manière où l’on entend une révolution spirituelle ou la révélation à soi. Il m’a montré un visage de la littérature que je n’avais jamais jusque-là fréquenté, et il m’apparaissait qu’il y avait là beaucoup pour la lectrice et l’humain que j’étais.

  1. Si tu pouvais vivre dans un monde littéraire, ce serait lequel?

Franchement, je ne sais pas. Chose certaine, je suis baroque.

Je prends les suggestions!

  1. Quel livre relis-tu constamment sans même te tanner?

La ronde des jours de Lucie Papineau et Hélène Tran-Duc chez Caractère. D’une part parce que mon fils me demande de le lire tous les soirs ou presque depuis deux ans, d’autre part parce que je le trouve drôle, touchant, stimulant et qu’il permet des tonnes de discussions entre mon enfant et moi. Un livre intelligent qui ouvre les possibles en s’asseyant dans le quotidien de la vie familiale.

  1. Quel est ton mot de la langue française préféré?

Patate.

J’aime le passage de l’air dans les joues et le relâchement nécessaire de la mâchoire pour le P bien senti, la répétitivité de l’alternance entre consonnes et voyelles et sa chute. Quelle chute!

Pas très intellectuel, je sais. J’aimerais sincèrement dire mieux, mais ce serait mentir.

  1. Quel livre aurais-tu aimé avoir écrit?

Juste un? Vous êtes cruelles!

Dans le désordre : Bec-de-lièvre d’Annie Lafleur au Quartanier, Il fait un temps de bête bridée de Mathieu Simoneau au Noroît, Nous sommes beaucoup qui avons peur de Geneviève Amyot au même éditeur. Si j’avais un talent quelconque pour le théâtre, j’aurais aimé avoir écrit l’adaptation de TRAGÉDIES ROMAINES telle que présentée en 2010 au Carrefour international de théâtre de Québec par la fabuleuse équipe d’Ivo van Hove du Toneelgroep Amsterdam. Quel génie cette relecture!

Bien sûr, la liste change au fil des lectures, mais pour le moment, ce sont ceux qui m’accompagnent.

  1. Si tu écrivais ta propre biographie, quel serait le titre?

 [keepsake]

Crédits photo : Llamaryon

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