Réflexions littéraires
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La nostalgie de mes années de primaire passées à lire

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Quand j’étais jeune, ma mère nous amenait, ma sœur et moi, à la bibliothèque une fois aux deux ou trois semaines. Après le souper, on décrochait les listes du babillard de la cuisine, on vérifiait qu’on n’avait oublié aucun livre caché sous notre oreiller ou perdu dans notre bordel de chambre, on remplissait de grands sacs nos acquisitions rendues à échéance, puis on embarquait toutes dans la voiture. C’était un immense bonheur pour moi de m’y rendre. Il y avait quelque chose d’extraordinaire dans le potentiel offert par la soirée, par tout ce que je savais que j’allais rapporter à la maison de beau et de nouveau. Ma passion pour la lecture n’était pas jeune : je dévorais les livres depuis ma petite enfance. Mais pendant les années de mon primaire, une sortie à la bibliothèque signifiait pour moi le plaisir, l’excitation, le savoir, la liberté. Et arrivée là-bas, j’accrochais mon manteau dans le mini vestiaire à l’entrée et je m’élançais – littéralement– dans la bibliothèque.

Le sentiment qui m’habitait, et dont je me souviens encore, c’était l’impression de faire le plein… de livres, oui, mais surtout de plaisir pour les semaines qui allaient suivre. J’étais fébrile et excitée. Je parcourais les rangées et je prenais avec moi tout ce qui m’attirait, tout ce qui me donnait envie de découvrir ce qu’il y avait à l’intérieur, les couvertures attirantes, les auteurs connus… et je prenais de tout, sans discrimination. Des « Roman Jeunesse » et des « Roman Plus » de la Courte échelle, des plaquettes de Québec Amérique, des bandes dessinées de la série Tom-Tom et Nana, des magazines Je Bouquine, de livres de la série des Baby Sitters, un des nombreux Agatha Christie. Je pouvais emprunter jusqu’à 15 livres sur ma carte et immanquablement, je la remplissais toujours.

Les livres étaient quand même faciles à lire; plusieurs me prenaient à peine quelques heures. Alors ce qui me reste en souvenir de cette époque, c’est cette rage gloutonne de lecture qui faisait que je passais à travers des tonnes et des tonnes de livres, et cela très rapidement. Près de mon lit, je m’étais installé une sorte de présentoir, qui se résumait à trois ou quatre porte-livres que je remplissais de mes trouvailles de la bibliothèque du moment. À portée de main, je fouillais dedans pour trouver une envie, une inspiration pour mes lectures. Le soir, je me souviens que je pouvais facilement lire deux livres, ou passer à travers toutes mes bandes dessinées d’un coup, les unes après les autres. C’était l’époque de la diversité, de ma faim incommensurable pour les livres et de ce besoin presque viscéral de « devoir » lire. Tout, et le plus vite possible. Et j’y arrivais! Jamais je n’ai lu autant de livres que durant cette période de ma vie.

En ce moment, alors que j’en suis presque à fêter mes 27 ans, cette période d’abondance mais aussi d’insouciance de ma vie me revient en tête, et j’en ressens une grande nostalgie. S’il m’arrive d’aller à la bibliothèque et d’emprunter une grande quantité de livres, rares sont les moments où j’arrive à vraiment tous les lire. Je dois me restreindre, être réaliste. Y aller une lecture à la fois. Même si je suis toujours aussi enthousiaste de prendre six ou sept livres en même temps pour les engloutir en une semaine, ça n’arrive plus.

Bien sûr, plusieurs choses ont changé. Tout d’abord, je passe beaucoup plus de temps avec les gens vivants et un peu moins avec ceux de papiers : mes amis, ma famille, mon entourage, mes colocs, etc. Ça semble drôle, mais c’est vrai. Plusieurs personnes comme moi se rappelleront peut-être comment elles étaient peu sociables lorsqu’elles étaient jeunes. C’était un peu mon cas. J’avais de très bonnes amies et je passais beaucoup de temps à jouer, mais il se trouve que je passais aussi un temps immense à lire.

C’était aussi probablement plus facile à l’époque! Ayant moins de devoirs scolaires ou d’obligations sociales de tous genres, je pouvais lire de mon arrivée de l’école jusqu’au souper sans m’arrêter… puis aller me coucher plus tôt, ce que je faisais souvent, pour avoir plus de temps pour lire. La télévision ne m’intéressait pas et je n’avais pas encore des millions de tâches de vie à faire.

J’aurais beau le vouloir, jamais je ne pourrais retrouver ce rythme effréné de lecture, celui que j’ai tenu pendant une grande partie de mes années de primaire. Et de toute façon, je n’en ai plus  réellement envie. Aujourd’hui, la vie m’apparaît comme se devant d’être avant tout vécue, ressentie, partagée. Je ne veux plus passer absolument tous mes temps libres le nez dans un livre. Je le fais encore beaucoup, bien sûr. Mais moins. Ensuite, je ne peux pas. Mon rythme de vie, mes études universitaires et mes désirs d’accomplissements sous toutes leurs formes me demandent du temps et de l’investissement. Je ne changerais ma vie pour rien au monde, mais parfois, je voudrais arrêter le temps et retourner, une fois par deux ou trois semaines, à la bibliothèque pour emprunter une quinzaine de livres, dans lesquels je pourrais me plonger intensément, sans rien faire d’autre.

Je suis aussi nostalgique du manque de disponibilité que j’ai parfois pour la lecture alors que plein d’autres choses m’occupent l’esprit. Je suis nostalgique du temps libre que je dédiais à la lecture. Aujourd’hui, je me rends compte que bien trop souvent, mes lectures s’étirent sur de trop nombreuses semaines, et je dois écarter les nombreux livres que je n’aurai malheureusement pas le temps, ni la disponibilité d’esprit, de lire.

Il faut dire aussi que, et cela arrive quand même souvent et je m’en mords les doigts, je ne finis pas tous les livres que je commence. Ne lisant pas assez vite pour contenter mon goût de nouveauté et pour lire les parutions au moment de leur sortie, il m’arrive souvent de ne pas terminer les livres, aussi bons soient-ils. Dans ma bibliothèque, plusieurs romans ou essais demeurent arrêtés, les signets abandonnés faisant foi du moment où j’ai décidé de passer à une nouvelle envie. « J’y reviendrai », me dis-je à chaque fois… Seulement, je n’ai pas besoin de vous dire que cela arrive peu.

À cette période de ma vie, alors que je suis sur le point de fêter mes 27 ans, j’aimerais être moins nostalgique. J’aimerais retrouver le plaisir de lire beaucoup, retrouver ma curiosité et mon insatiabilité. J’aimerais travailler à creuser davantage de trous de lecture dans mon quotidien, à plonger plus souvent dans des livres que je ne parviens pas à lâcher et à lire d’une traite les romans qui me tiennent en haleine. J’aimerais me permettre une plus grande folie, une plus grande diversité et une plus grande ingouvernabilité en matière de lecture. Je veux continuer de voir des piles de livres s’amonceler dans ma bibliothèque, mais sans qu’elles prennent nécessairement la poussière avant que je m’y plonge enfin.

Et surtout, j’aimerais retrouver cette habitude que j’avais, d’aller me coucher plus tôt pour avoir plus de temps pour lire. Et de dépasser l’heure permise. Sauf qu’aujourd’hui, je n’aurais plus à avoir peur que ma mère me surprenne.

Et vous, qu’est-ce qui a changé dans vos habitudes de lecture?

 

Un commentaire

  1. Nadine Gingras says

    Je me souviens moi aussi avec plaisir de ces virées et aussi des frais occasionnels pour des livres oubliés ou en retard (de 3 enfants avec 15 livres chacun!). C’est vrai que ces moments de lecture sont moins fréquents mais quoi de mieux que les vacances pour les revivre pleinement? Et justement, il y a des vacances en vue. Au menu: pyjama toute la journée, bouffe minute et lecture. Le bonheur!

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    • Marion Gingras-Gagné says

      On devrait se refaire des virées à la bibliothèque, comme autrefois. 😀 Entre mère et filles.!
      Les moments de détente s’en viennent! Je m’en délecte d’avance! D’ici là, on lâche pas!! Bisous!

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  2. Evelyne Bisaillon says

    Merveilleux article, chère! J’apprécie ta fin positive. C’est si facile de choisir de terminer une réflexion comme celle-là par un ton mélancolique. Merci!

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  3. Vero Dupuis says

    Ma vie de lectrice a changé depuis que j’ai ajouté les livres audios à ma routine. J’ai toujours un livre imprimé pour la maison, et un livre audio pour la voiture et les tâches ménagères. Depuis, je termine presque deux fois plus de livres par année! Jusqu’à récemment il y avait peu de livres québécois en version audio, mais maintenant Radio-Canada en produit (voir leur site web). Il y a aussi le site litteratureaudio.com, où on peut télécharger des enregistrements de textes dans le domaine public (pensez à tous ces classiques que vous vous étiez promise de lire ‘un jour’…).

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