Littérature étrangère
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Frida Kahlo sous la loupe

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Frida Kahlo est probablement la femme qui m’inspire le plus. J’admire le courage de ses convictions, le déploiement de son intimité à travers son art, sa résilience inépuisable et son engagement politique. Dès que j’ai la chance d’en apprendre un peu plus sur elle, je plonge sans hésitation. Évidemment, j’ai vu le film relatant sa vie et j’ai lu quelques-unes de ses biographies. Il y a quelques années, j’ai même eu la chance de voir certaines de ses toiles au Museum of Modern Art à New York. D’ailleurs, nous pourrons profiter d’une exposition mettant en vedette le couple Kahlo-Rivera au Musée national des beaux-arts du Québec, du 13 février au 18 mai 2020.

Je ne m’attendais pas à ce que l’automne 2019 me ramène à nouveau à cette artiste avec la parution de deux livres portant sur elle, à savoir le roman Rien n’est noir, de Claire Berest, et l’album jeunesse Petite Frida, d’Anthony Browne. J’ai donc profité de mes premières semaines de maternité pour me retrouver au lit avec ces deux œuvres, afin de vous laisser entrevoir les trésors que nous pouvons y déceler.

Petite Frida

Je me disais qu’en tant qu’admiratrice incontestée de Frida Kahlo, il était de mon devoir de partager ma passion pour cette femme avec mon enfant à naître, d’où mon fort désir de me procurer Petite Frida. J’étais bien curieuse de découvrir comment l’album jeunesse allait aborder le sujet puisque, pour les plus férus, vous savez que les écrits portant sur l’artiste mexicaine sont quasiment toujours empreints d’une grande douleur, d’un chagrin constant. D’une certaine façon, Browne ne passe pas à côté de ces émotions dans son récit entièrement ancré dans l’enfance de Frida, notamment en soulignant la solitude dont elle souffrait par moments. En fait, il s’agit principalement des prémices de son livre.

En effet, c’est parce qu’elle se sent seule que Frida décide de s’inventer une amie imaginaire, un double d’elle-même. Une « alter » qui pourrait faire ce qu’elle-même ne peut accomplir, plus spécifiquement, danser. Atteinte de polio à l’âge de six ans, Frida devient fragile et se met à boiter. À travers le voyage dans l’imaginaire et les images symboliques, Browne parvient à traiter de thèmes profonds qu’il rend accessibles pour les plus petits. Et tout cela en s’inspirant de faits réels, comme nous l’apprendra Rien n’est noir, mais aussi du fameux tableau Les deux Fridas.

Rien n’est noir

Je ne savais pas du tout à quoi j’allais faire face en ouvrant le roman de Claire Berest. Serait-ce une autre biographie sur Frida? Serait-ce une histoire complètement romancée la mettant en scène? Il faut croire que nous sommes à la frontière entre les deux. Il est clair que Berest s’appuie sur certains écrits de Kahlo et de Rivera pour relater les événements marquants de leur existence sur Terre, citant même quelques passages en italique ici et là, mais elle se permet aussi de se glisser dans la peau de l’artiste en lui prêtant des comportements et des émotions desquels il serait bien difficile de prouver l’entière véracité. Or cela a très peu d’importance, puisqu’avec Frida, nous sommes toujours positionnés entre deux chaises, entre deux Frida.

« Deux Frida, un seul cœur.

Fabriquer son propre double, quand Frida ne peut plus être le double de Diego.

Las dos Fridas sont assises, aussi raides et hiératiques que si elles étaient figées sur des trônes. Elles regardent dans la même direction, qui semble pour le spectateur être exactement le point convergent de son propre regard, insinuant un vague malaise comme si ces jumelles inquiétantes appelaient à l’aide, muettes, avec l’intensité troublante de leurs yeux tristes. Dans leur dos, nul horizon, mais un ciel d’orage bleu nuit repose sur leurs épaules comme un étouffant manteau. » (p. 257-258)

Il y a la Frida très féminine avec ses robes indiennes et la Frida masculine, aux cheveux courts et aux complets d’homme. Il y a l’artiste et l’amoureuse, les deux étant aussi importantes l’une que l’autre dans Rien n’est noir, qui met en perspective la relation unifiant Kahlo et Rivera. Après tout, le couple est devenu une sorte de mythe à travers le temps et les mondes.

« Tu le sais, toi aussi, que tout ce que voient mes yeux et que mon moi touche, quelle que soit la distance qui nous sépare, c’est Diego. La caresse des toiles, la couleur de la couleur, les fils de fer, les nerfs, les crayons, les feuilles, la poussière, les cellules, la guerre et le soleil, tout ce qui se vit dans les minutes hors cadrans hors calendriers et hors regards vides, c’est lui. » (p. 263, passage d’une lettre que Frida écrit à Jacqueline Lamba)

La fin de cette lettre, Frida l’a cousue dans un de ses corsages, comme une deuxième peau. Dans le même ordre d’idées, elle écrira à son éléphant de mari : « Je t’aime plus que ma propre peau. » Il est vrai de dire que l’artiste vivait pour et par Diego Rivera, mais c’est l’art qui lui permettait de s’affirmer pleinement, et ce, même si les pinceaux et les couleurs la ramenaient constamment à son Diego. Ce dernier était d’ailleurs un grand admirateur du travail de sa femme, « de son talent inouï à dire en images le déchirement de l’intime » (p. 151). Cette femme, il la considérait comme son égale en ce qui a trait à l’art, ce qui n’est pas banal venant d’un homme faisant preuve d’autant d’orgueil.

Malgré que je n’en aie pas appris beaucoup plus sur l’existence de Frida à travers l’œuvre de Berest, l’autrice rend le récit de sa vie très poétique. Je me suis arrêtée à maintes reprises sur plusieurs phrases dans le but de mieux les assimiler, de mieux les vivre, de prendre le temps de bien les ressentir; preuve d’une lecture poignante et saisissante, dans mon cas. Elle a une manière bien à elle de s’approprier la vision de l’artiste et de rendre le tout grâce aux mots, autres outils qui donnent à voir l’art :

« Elle observe sa peinture comme on cherche chez son enfant à démêler la part de soi de celle qui nous échappe, sans savoir laquelle des deux effraie le plus. » (p. 91)

crédit photo : Michaël Corbeil

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Mais qu’importe l’éternité de la damnation à qui a trouvé dans une seconde l’infini de la jouissance?» (Charles Baudelaire, Le Spleen de Paris) Les vers de Baudelaire auront été la source de son épanouissement en tant que bizarroïde de ce monde. La poésie, Marika la vit au quotidien à travers tous les petits plaisirs qui s’offrent à elle. Une grimace partagée avec une fillette dans le métro, la fabrication d’un cerf-volant dans un atelier strictement réservé aux enfants, un musicien de rue interprétant une chanson qui l’avait particulièrement émue par le passé, lui suffisent pour barbouiller le papier des ses pensées les plus intimes. Chaque jour est une nouvelle épopée pour la jeune padawan qu’elle est. Entre deux lectures au parc du coin, un concert au Métropolis et une soirée au Cinéma du Parc pour voir le dernier Wes Anderson, elle est une petite chose pleines d’idées et de tatouages, qui se déplace rapidement en longboard à travers les ruelles de Montréal. Malgré ses airs de gamine, elle se passionne pour la laideur humaine. Elle est à la recherche de la beauté dans tout ce qu’il y a de plus hideux. Elle se joint au Fil Rouge afin de vous plonger dans son univers qui passe des leçons de Star Wars aux crayons de Miron en faisant un détour par la voix rauque de Tom Waits et le petit dernier des Coen. Derrière son écran, elle vous prépare son prochain jet, accompagnée de son grand félin roux, d’une dizaine de romans sur les genoux et d’un trop plein de culture à répandre

Un commentaire

  1. très intéressant merci pour cette belle découverte
    il est sur ma liste a lire 🙂 je suis justement entrain de peindre cette grande dame 🙂

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