En 2018, je me suis résolue à lire davantage d’œuvres littéraires non occidentales, car il me semblait que mes lectures étaient très enracinées en Amérique du Nord et en Europe occidentale, et surtout réalisées par des personnes blanches. Diversifier mes lectures me permettrait de mieux connaître les expériences de vie et les terrains de luttes de celles et de ceux dont la réalité quotidienne est tout autre que la mienne, en raison de leur appartenance ethnoculturelle et de leur parcours migratoire. J’ai voulu partir à la rencontre de ces personnes qui disposent d’assez peu d’espace dans la société pour diffuser des représentations justes et positives d’elles-mêmes et de leur communauté.
Avec l’arrivée du mois de mars et à l’approche de la Journée internationale des femmes, visant à souligner les contributions des femmes à travers le monde et à mettre en évidence les obstacles et les violences qui demeurent encore à enrayer pour parvenir à une réelle égalité entre les genres, j’ai jugé qu’il était plus que temps d’accorder une plus grande place aux femmes de diverses origines dans ma bibliothèque. L’inclusion de leurs voix dans mon répertoire, voix plus souvent qu’autrement invisibilisées du milieu littéraire, mais pas moins puissantes, vise à me sensibiliser à leur vécu, de manière à mieux me solidariser de leur lutte contre l’oppression et l’exclusion.
Lire pour mieux s’allier
Dans cette perspective, je souhaite tendre l’oreille et écouter véritablement la voix de ces femmes qui, au quotidien, doivent composer avec un cumul d’oppression qui n’est pas familier avec mon expérience privilégiée du monde. Si la littérature est une manière de communiquer les unes avec les autres, il me semble que le fait de s’intéresser aux œuvres qui portent la voix des personnes minorisées représente un premier geste d’accueil, de reconnaissance et d’alliance significatif. Ce geste est essentiel pour promouvoir un féminisme véritablement intersectionnel, c’est-à-dire conscient du croisement simultané et de l’influence mutuelle des formes de domination et désireux de ne pas les reproduire au cœur même de nos discours, de nos actions et de nos luttes. Ainsi, au-delà de la journée symbolique du 8 mars, je souhaite me confronter plus souvent aux paroles des femmes de diverses origines, afin de réajuster ma vision du monde pour la rendre plus accueillante, respectueuse et inclusive, et pour tenter d’être une alliée qui soutient.
Je pars donc en quête d’œuvres littéraires qui offrent des représentations de personnes de diverses origines ancrées dans leurs expériences et leur parcours de vie. Quelques titres ont attiré mon attention jusqu’à maintenant et je suis impatiente de m’y plonger. Je vous les présente brièvement, afin de vous donner envie, vous aussi, de diversifier vos lectures.
Quelques suggestions de lectures
L’ombre de l’olivier de Yara El-Ghadban
Dans ce premier roman, l’autrice d’origine palestinienne convoque sa mémoire et ses souvenirs d’enfance pour raconter ce qui se passe dans l’intime et dans le quotidien des vies en marge du conflit israélo-palestinien et des violences et de la souffrance qu’on y associe majoritairement lorsqu’on le considère d’un regard extérieur. Elle partage la beauté, l’art et la tendresse qui émanent de ses souvenirs d’enfance. Le livre est publié chez Mémoire d’encrier, une maison d’édition qui fait d’ailleurs la part belle aux autrices et aux auteurs de diverses origines.
Femmes des terres brûlées de Marie-Célie Agnant
Marie-Célie Agnant est une écrivaine d’origine haïtienne, installée à Montréal, qui connait une carrière internationale. Son œuvre, composée de poésie, de romans et d’albums jeunesse, aborde les thématiques du racisme, des conditions de vie des femmes et du rapport au passé. Dans ce recueil de poésie, elle s’intéresse aux femmes qui habitent les terres consumées par le colonialisme et la guerre et qui maintiennent vivants la mémoire autant que l’espoir, comme des tisons parmi les cendres.
Yozakura, la fille du cerisier de Muriel Diallo
Ce magnifique album jeunesse, réalisé par une écrivaine, artiste-peintre et illustratrice d’origine ivoirienne installée à Paris, se construit autour du thème de la peur de l’autre et de sa différence, qui menace toujours de se manifester par la méchanceté et la brutalité, mais aussi de celui de l’apprivoisement de l’altérité. Les illustrations mélangent différents matériaux, textures, couleurs et techniques, ce qui rend hommage au récit.
Policing Black Lives de Robyn Maynard
Écrit par une chercheuse indépendante et militante féministe noire montréalaise, cet essai se penche sur le racisme systémique dont sont victimes les personnes noires depuis la période esclavagiste jusqu’à aujourd’hui au Canada. L’auteure y démontre que, malgré les prétentions bien canadiennes au multiculturalisme, la violence institutionnelle, et plus particulièrement la brutalité policière qui est notamment à l’origine de la naissance du mouvement Black Lives Matter aux États-Unis, est tout aussi présente de ce côté-ci de la frontière.
Pour vous inspirer davantage, je vous invite à aller fouiller la catégorie «Littérature étrangère» du blogue.
Aussi, un détour par la Librairie Racines, ouverte depuis le mois d’août 2017 à Montréal-Nord, vous permettra assurément de découvrir de nombreux bouquins écrits par des personnes de diverses origines.
En espérant vous avoir donné envie de réfléchir, comme je l’ai fait, à l’homogénéité qui caractérise trop souvent, et parfois sans qu’on s’en rende tout à fait compte, les œuvres que nous côtoyons.
D’ailleurs, quels livres écrits par des femmes de diverses origines souhaitez-vous lire prochainement?