Month: août 2016

L’ambiguïté de Nelly

Lire Nelly Arcan, ça fait mal. Je ne peux fermer l’une de ses œuvres sans ressentir une crampe douloureuse au niveau de l’endroit qui produit pourtant si souvent des papillons frémissants. C’est que l’auteure pointe tout le monde du doigt. Elle frappe dans la mêlée, et ce sans épargner qui que ce soit. Elle atteint le père. Elle blesse profondément la mère. Elle traîne le masculin dans la boue. Or, c’est le féminin qu’elle tue. La question de la femme traverse l’œuvre d’Arcan. La lecture de son travail d’écriture implique une exploration de fond en comble du sexe mystérieux. C’est un voyage initiatique sur les terres inconnues du doute, de l’ambiguïté et de la dualité. Dans sa quête de réponse, la recherche d’un idéal physique est centrale et c’est la raison pour laquelle le regard occupe une place si importante dans la création de l’écrivaine. D’ailleurs, les ouvrages de l’auteure se prêtent tout naturellement à l’étude de la psychanalyse. Or, je souhaite me tenir le plus loin possible de mon domaine de prédilection dans le …

« Assommez-moi quelqu’un » ou la chronique d’une fille (un peu trop) occupée

« Assommez-moi quelqu’un », c’est ce que je me disais hier soir, alors que je me suis retrouvée couchée à 8 h 30 dans mon lit à cause d’un mal de tête d’enfer, et qu’à ce moment-là, mon cerveau n’arrivait même pas à se relaxer trois secondes parce que je pensais à trop d’affaires. Pendant trois heures, je me suis tournée et retournée dans mon lit sans pouvoir avoir la paix. Et s’il n’y avait eu que ça! Le problème, c’est que ce n’était pas la première fois que ça m’arrivait dans un temps rapproché, et surtout, le problème, c’est qu’il y avait un méchant problème quelque part, dans ma vie, et que c’est hier, la tête dans mon oreiller à me lamenter de douleur pendant des heures, que je me suis avouée vaincue. Après une gigantesque semaine à travailler tous les jours et à faire des millions d’affaires tous les soirs, je venais de passer une journée de samedi de congé à faire la dernière correction pour un texte dont je m’occupais de la …

Le facteur de l’espace : petit bonheur estival

En juin dernier, je m’apprêtais à passer tout l’été à la campagne, dans la maison de mon enfance, entourée de champs, de forêts et d’animaux. Avant de m’y rendre, j’avais décidé de me procurer des ouvrages littéraires diversifiés. Je remplissais presque compulsivement mes bras de bouquins, chaque fois que je me retrouvais à arpenter les allées des librairies qui croisaient ma route. Puis je suis tombée face à face avec la bande dessinée Le facteur de l’espace, de Guillaume Perrault. Alors que je faisais habituellement un tri après avoir happé le plus de livres possible, j’ai choisi cette bande dessinée en y réfléchissant à peine. Les couleurs vives, les dessins ludiques et le titre accrocheur ne me laissaient aucun doute. Bob est un facteur de l’espace qui mène une vie bien rangée et équilibrée. Chaque jour, sa routine est semblable à celle de la veille. Et c’est ce qui lui plait. Aucun rebondissement à l’horizon, ce facteur spatial (pas spécial, comme le souligne l’auteur!) mène sa vie avec simplicité. De son réveil à sa douche, …

La garçonnière : amour, ambiguïté et (ben) des shots de vodka glacée

Lors du lancement des coffrets littéraires du Fil rouge, il y avait une petite bibliothèque éphémère où les gens pouvaient y déposer un livre, pour ensuite en prendre un. Ce fantastique petit espace d’échange m’a permis de mettre la main sur le livre La garçonnière, de Mylène Bouchard. Je ne connaissais pas du tout l’auteure, mais la couverture m’avait tapée dans l’œil. Je l’ai pris. Et voici ce que j’en pense. Ce dense récit est celui de Mara et de Hubert; celui de la longue route entre Péribonka et Noranda; celui des correspondances sans réponses et d’un amour voué à l’échec, et ce, dès le début. Il faut être tenace pour continuer le livre après en avoir lu quelques pages : c’est long avant d’embarquer dans l’histoire, avant de s’y attacher. Les descriptions des lieux sont longues et redondantes, beaucoup de name-dropping d’endroits et de traditions qui me sont complètement étrangers, etc. Par contre, cette incertitude de tenir un bon livre entre les mains s’envole dès qu’entrent en scène les personnages de Mara et Hubert. Ils …

Avez-vous déjà souhaité être quelqu’un d’autre ?

Qui n’a pas un jour souhaité être quelqu’un d’autre? Je ne parle pas ici d’une grande star Hollywoodienne, un athlète olympique ou le PDG d’une grande boîte… uniquement le souhait d’être soi-même, mais version améliorée? Intriguant, non? Encore une fois, je ne parle d’un soi-même version améliorée avec des supers pouvoirs, mais bien uniquement de celui ou celle que vous avez toujours désiré être mais que vous avez toujours repoussé du revers de la main ou mis au fin fond de votre esprit. C’est exactement ce que propose ma dernière lecture, avec le roman Quelqu’un d’autre de Tonino Benacquista. J’ai toujours adoré cet auteur dont j’avais parlé ici, et encore une fois j’ai dévoré ce roman dans le temps de le dire. On retrouve dans ce roman 2 antihéros à l’aube de leur quarantaine, en pleine crise identitaire, Nicolas et Thierry, qui l’espace d’un match de Tennis suivi d’une bonne cuite d’après-match décideront de changer leur vie à jamais. C’est sous l’effet de l’alcool bien avancé, qu’ils se feront des aveux sur leur vie respective qui …

La rentrée littéraire québécoise en quelques titres

N’étant plus à l’université, la rentrée littéraire devient en quelque sorte notre rentrée officielle. Lorsqu’on commence, en juillet, à recevoir les communiqués de presse, c’est un peu comme la liste de livres qu’on avait bien hâte d’acheter au bac, mais en mieux.  Cette année, la rentrée s’annonce particulièrement intéressante avec les nouveaux romans de  certains de nos auteurs et auteurEs favoris en plus des nouvelles parutions prometteuses. voici quelques-uns des titres qui se retrouveront dans une librairie près de chez vous dans les prochains mois. Zoothérapie de  Catherine Lepage,  le 22 août 2016. Éditions Somme toute. « Parce qu’il faut s’apprivoiser pour devenir maître de soi. » Après Fines tranches d’angoisses et 12 mois sans intérêt, Catherine Lepage poursuit son étude imagée de la psyché humaine. Elle s’intéresse cette fois à la pression reliée à la performance, à notre monde qui va toujours plus vite et offre des pistes pour survivre dans cette jungle. Comme dans ses livres précédents, elle y mélange son expérience personnelle et s’amuse en jouant avec les codes des livres de psycho …

Chaque automne j’ai envie de mourir et autres secrets

En m’immisçant dans Chaque automne j’ai envie de mourir de Véronique Côté et Steve Gagnon, je ne m’attendais pas à être aussi chamboulée, touchée et marquée par les secrets, par cette universalité humaine qui en émane et par les mots des auteurs. En fait, ce roman est, à la base, un projet théâtral. Un « spectacle déambulatoire extérieur», « une promenade libre et ludique dans les rues de la ville (Québec), ponctuée par six tableaux théâtraux ». C’est suite à la collecte de « secrets » anonymes, dans le but d’avoir des textes pour cette prestation théâtrale, qu’est né Chaque automne j’ai envie de mourir. Après avoir recueilli une multitude de confessions, qu’elles soient vraies ou non, les deux auteurs ont procédé à un travail d’écriture et de réécriture pour chacun des textes. Non seulement l’idée et le travail de Côté et Gagnon sont géniaux et originaux, mais le produit final est touchant, universel et tellement singulier à la fois. J’ai trouvé des parcelles de moi dans presque chacun des textes. Un roman de constellations comme celui-ci démontre tellement bien …

Murmures dans un mégaphone

Rachel Elliott nous offre une lecture qui fait réfléchir sur la société. Sur le comment nous vivons les uns avec les autres, sur les technologies. Dans son roman nous retrouvons trois personnages principaux qui sont à la recherche de leur identité. Nous avons la trentenaire se croyant folle, l’homme qui n’a aucune personnalité et sa femme accro aux réseaux sociaux. Miriam a appris à vivre dans le silence des murmures. Ralph fuit les responsabilités que la société lui impose en quittant le jour de son anniversaire sa femme et ses enfants. Tandis que sa femme, Sadie qui se cache derrière un univers superficiel, est déboussolée par ce revirement de situation. Elle qui croit pouvoir tout contrôler n’a alors plus rien sous son contrôle. Alors que Miriam décide enfin de sortir de sa maison après y avoir vécu trois ans cloîtrée, elle fait la rencontre de Ralph dans les bois, alors que celui-ci se sauve de sa réalité. En fait, il tente de se mettre en danger. Et c’est ensemble qu’ils découvriront qui ils sont réellement. …

Mordre à nouveau dans la vie. La Chronique d’un cancer ordinaire de Dominique Demers

– Tu es vraiment si écoeurée? demande l’une à l’autre. – Écoeurite aiguë, totale et absolue. […] – O.K. T’as le droit de plier bagage. Mais avant, accorde-moi une faveur. Aide-moi à faire la liste des trucs chouettes qu’on aura jamais faits. J’étais sur le bord d’une piscine publique à Montréal, à la recherche d’un peu de fraîcheur, mais surtout, d’un endroit où me détendre et lire sans voir passer les heures. J’avais amené un petit livre avec moi et je l’ai entamé dès ma première « saucette » terminée. Le temps défile et je m’arrête enfin, presque à la fin, à ce passage. La « liste des expériences trippantes qu’elle aurait voulu faire avant de quitter cette planète », qui comprends entre-autres « foncer vers l’aéroport et prendre le premier vol qui décolle », « prendre le thé au Sahara » et « revoir Cyrano de Bergerac pour la millionième fois », est peut-être ce qui convainc une Dominique Demers très écoeurée de garder le cap et de poursuivre ses traitements contre son cancer du …

Une théorie en amour, celle du drap contour

« Comment guérit-on de ne pas être la femme de la vie de l’homme de sa vie? » La théorie du drap de contour de Valérie Chevalier relate l’histoire d’une jeune fille, Florence, et de ses passions amoureuses ou plutôt dirais-je de ses malchances amoureuses. C’est le reflet d’une véritable mosaïque amoureuse qui se forme tout au long du roman, parfois teintée de moments tristes et à d’autres moments d’une légère gaieté. D’une affliction amoureuse qui restera un amer souvenir tout au long de l’histoire de Florence, on revient rapidement à des moments plus doux, plus chaleureux pour l’esprit et qui nous permettent d’apprécier que cette jeune protagoniste reprenne espoir, reprenne son souffle à travers un flot de tristesse. « Tu sais que tu as vraiment trouvé l’amour quand même plier un drap contour devient une activité agréable. Les contrariétés sont divisées par deux, et le plaisir, lui, est multiplié. » De Thomas qui lui cicatrise le cœur pour longtemps à Émile et ses pains quotidiens, l’amour d’un été qui refroidi comme les saisons, Ernest …