Month: avril 2017

La mort de la lecture pour le plaisir

Quand nous faisons le choix de nous inscrire dans un programme collégial ou universitaire en littérature, nous choisissons délibérément de consacrer la majorité de notre temps libre à la lecture. Il était plus qu’évident, dès mon jeune âge, que j’étais destinée à travailler et à vivre parmi les livres. J’ai donc suivi un parcours plus ou moins classique, c’est-à-dire en commençant par le programme d’arts et lettres, profil littérature au cégep pour poursuivre au baccalauréat en enseignement du français au secondaire et pour finalement me rendre à la maîtrise en études littéraires, profil recherche. On m’a déjà dit que les deux seuls endroits où nous pouvions lire sans arrêt, et ce, sans que personne ne nous le reproche, sont la prison et l’école. Ceci n’est pas tombé dans l’oreille d’une sourde. Ceci dit, entre les lectures obligatoires et les lectures théoriques, je constate que mes lectures personnelles deviennent plus ou moins inexistantes. En somme, je ressens tristement ce sentiment de ne pas lire avec liberté. Les lectures obligatoires Évidemment, les cours offerts sont également accompagnés …

Jane Eyre, Les Hauts du Hurlevent et La Recluse de Wildfell Hall : les bris de conventions des soeurs Brontë

On m’a souvent demandé de dresser de petites listes exhaustives de mes œuvres littéraires préférées (n’est-ce pas la pire tâche à accomplir pour tout bibliophile de ce monde?). Si la réalisation de ces petits « tops 5 » ou « tops 10 » s’avère complexe devant l’immensité des romans lus et aimés, les œuvres des sœurs Brontë (Charlotte, Emily et Anne) arrivent, en revanche, toujours en tête de liste. Bercée depuis fort longtemps par leurs univers, j’avais hâte de vous partager les multiples raisons (qui pourraient s’allonger bien au-delà d’une page en entier, il va sans dire!) rendant compte de mon admiration à leurs égards. Laissant derrière elles un héritage littéraire hors du commun, les sœurs Brontë fascinent et marquent l’imaginaire, que ce soit pour l’originalité, l’avant-gardisme (les aventures et la personnalité de leurs protagonistes viendront chambouler les mœurs de l’époque victorienne), la richesse et la complexité de leurs œuvres respectives. Voici donc un résumé de mon appréciation générale sur leurs trois ouvrages principaux! Les Hauts du Hurlevent (Emily Brontë)  Tragédie et amour impossible sont au rendez-vous au sein …

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La séparation des corps : ruptures, incendies et renouveau

La séparation des corps raconte l’histoire d’amour entre Christina et Marie-Ange. Ces deux femmes vivent une passion dévorante et habitée d’un désir inépuisable d’amour, de tendresse, de durabilité, et ce, malgré tout ce qui les sépare.  Marie-Ange, qui a 42 ans, l’âge exact où sa mère est décédée, est la cuisinière de Marina, la mère de Christina, qui a tout nouvellement 20 ans. Ces années qui les séparent, ces passés qui les rattraperont viendront miner cette passion qui ne pouvait pas éternellement durer. 20 ans les séparent, mais c’est leurs milieux qui les différencient le plus. Fascinée par le feu, par les braises que font les fins de relation, Marie-Ange est un personnage complexe que je n’ai pas réussi à tout à fait cerner. Elle est la mère d’un garçon de 20 ans qui a des besoins spécialisés et qui, selon ses dires, restera toujours un enfant à ses yeux. Son fils âgé du même âge que Christina tombera sous le charme de cette dernière… ce qui viendra causer les premiers déchirements de cette relation …

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À combustion lente : Les corps extraterrestres

Quand Stella est arrivée avec ses bordées de neige invraisemblables, à la mi-mars, j’ai repensé au deuxième roman de Pierre-Luc Landry. Dans Les corps extraterrestres, le récit alterne entre les mondes de deux personnages, Hollywood et Xavier, qui ne communiquent qu’en rêve. Pour l’un d’entre eux, la planète suffoque de chaleur; pour l’autre, la neige n’arrête jamais de tomber. Je lisais les comptes rendus catastrophistes des médias, au lendemain de la tempête du 14 mars, et tout d’un coup j’ai pensé à Xavier, dont tous les déplacements sont ralentis par un hiver ininterrompu et lourd de précipitations. Je me suis souvenue de la ouate qui l’enveloppe et qui, un peu comme la neige quand elle tombe, assourdit pour Xavier les bruits du monde. Je me suis sentie replonger dans la nébuleuse de cette histoire, faite de rencontres impossibles et de grandes fatigues. Les corps extraterrestres est paru en 2015; je l’ai lu au tout début 2017. La vie publique des livres, celle des critiques et des chroniques, des listes de fin de saison et des …

Comment « Journal d’un morphinomane » a bien failli avoir raison de moi!

J’ai dû m’armer de patience pour parvenir à mettre la main sur Journal d’un morphinomane à la BAnQ. Le précieux livre m’est donc parvenu… et son effet fut plus que surprenant! Auteur anonyme, entouré d’un certain halo de mystère… jusqu’à ce qu’on amorce la lecture. En avant-propos, on nous explique que ce document fut publié en 1896 (ce n’est pas une faute de frappe… 1896, donc il y a 121 ans!) dans une revue médicale : Archives d’anthropologie criminelle, de médecine légale et de psychologie normale et pathologique, pour être très exacte. Publiée, donc, comme vous le devinez sans doute, par un médecin. Pourquoi ce journal d’un drogué mérita-t-il de paraître dans cette revue médicale? Parce qu’il fut écrit par un vrai médecin! OK… les romantiques dans la salle viennent illico de voir une splendide image de Clive Owen dans The Knick, non? OK pour les autres… C’est moi qui régale : Source : The Knick Alors, tout comme le médecin du livre, cette image de Clive représente le moment où tout va bien, fier et …

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Ton histoire est aussi la mienne – Le Mur mitoyen de Catherine Leroux –

J’avais besoin de lire quelque chose qui me plairait sans détour et qui me rassurerait; un livre qui me prendrait longuement dans ses bras. La dernière fois que j’avais vécu cela, c’était avec le premier ouvrage de Catherine Leroux, La marche en forêt. J’ai donc amorcé avec beaucoup d’espoir la lecture de son deuxième roman, Le mur mitoyen.

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La nouvelle selon Charles Bolduc

En 2006, Charles Bolduc publiait son tout premier recueil de nouvelles Les perruches sont cuites, ouvrage qui a pris quelques années avant de se retrouver dans mes mains. Une toute petite brique d’à peine une centaine de pages, mais qui renferme de petits bijoux de la littérature québécoise contemporaine. Un genre mal aimé  On sous-estime souvent les auteurs de nouvelles. On a tendance à les distancier des auteurs de romans.  Oui, un roman est engageant et l’écrivain prend souvent plus de temps pour développer ses personnages, mais être capable de faire preuve de brièveté est un défi de maître. Pour que l’on se souvienne de son court texte, que l’on soit marqué par celui-ci, le nouvelliste a énormément de travail à faire. Beaucoup plus que l’on ne le croit. En peu de temps, il se doit de construire une histoire qui se tient, et dont les personnages sont assez développés pour être attachants. C’est avec brio que Charles Bolduc a su relever ce défi dans son recueil de nouvelles Les perruches sont cuites, mélangeant amour, sexe …

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Propager le goût de la lecture : mon expérience d’alphabétisation

Les gens qui me croisent dans le métro direction Côte-des-Neiges le mardi matin doivent bien se demander ce que je fais dans la vie, et où je m’en vais. C’est que je traîne sur mon épaule mon immense sac en coton rempli de livres cartonnés et d’albums jeunesse, en chemin pour aller au centre communautaire où j’anime des cercles de lecture chaque semaine. Quand je rentre dans le local de la garderie, les enfants m’accueillent chaleureusement. Une des petites, entre autres, est vraiment contente de me voir et me suit partout. Une fois mes bottes enlevées, on s’installe sur le tapis et on commence par chanter des chansons pour se calmer et se rassembler tout le monde ensemble. Puis, je me mets à raconter les histoires que j’ai préalablement lues et sélectionnées pour eux. Une dizaine de petits albums plus tard, les enfants ont la liberté de lire par eux-mêmes les livres de leur choix. Le cercle se termine après une heure et les enfants sont alors prêts à poursuivre leur journée. Si je suis bénévole pour faire …

De migrations et d’origines : Outardes de Catherine Côté

L’Abitibi, c’est les mines, la forêt à perte de vue, les camps de chasse perdus dans le bois; c’est Val-D’Or et Rouyn-Noranda; c’est une terre colonisée sur le tard, lors de la crise économique des années 1930; c’est des petits lacs où se saucer l’été pour se sauver des mouches à perte de vue; c’est un hiver interminable avec le lourd silence qui l’accompagne, un « silence [qui] pren[d] toute la place » (p. 38). L’Abitibi, c’est Richard Desjardins et Raoûl Duguay. L’Abitibi, c’est aussi le sujet du premier recueil de Catherine Côté, Outardes, dernier titre parut à la collection poésie des Éditions du passage. Poésie des origines, Outardes raconte l’Abitibi où Côté n’a jamais habité; l’Abitibi qu’elle a explorée à la recherche des traces de ses ancêtres. Montréalaise, Côté a ses racines familiales en Abitibi. Avec son recueil, elle explore l’impossibilité en même temps que la nécessité de prendre racine dans un passé et un territoire inconnu. L’étau se resserre D’emblée, le sujet poétique est situé géographiquement : les vers « je suis fille de fleuve / …

Le vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire; ou la place des aînés dans la littérature

L’univers de Jonas Jonasson Tout d’abord, de quoi s’agit-il? Le vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire de Jonas Jonasson est un roman humoristique, léger et rempli de rebondissements! L’histoire se passe un peu partout autour du globe : en Suède, en Espagne, aux États-Unis, en Russie, toujours autour du personnage d’Allan Karlson, probablement l’homme le plus chanceux de la Terre! Il y a deux histoires en parallèle. Tout d’abord, la course contre la montre d’Allan le centenaire qui vole sans le savoir une valise ayant un rôle important dans le crime organisé. Il y a aussi l’histoire de toute sa vie, alors qu’il traverse la Seconde Guerre Mondiale et une bonne partie de la planète Terre, tout en rencontrant une série de personnages célèbres. On y verra, entre-autre, le général Franco, Mao, Churchill et Staline. C’est une série d’événements historiques mêlés à une réalité alternative (un terme à la mode!) qui m’a arraché un sourire et même parfois un petit rire. Légèrement cynique et teinté d’humour noir, il m’a fait vivre un bon moment …