Month: février 2016

« Au péril de la mer » – et de la mère – de Dominique Fortier

Il y a quelques années déjà, j’avais été envoûtée par le talent de conteuse de l’auteure québécoise Dominique Fortier avec la lecture de son premier roman, Du bon usage des étoiles (Alto, 2008), hautement salué par la critique. Un faux récit historique de navigation, richement documenté, au verbe vif et brillant comme l’étoile Polaire. L’imaginaire éclectique et l’intelligence de l’écriture Fortier m’avaient alors grandement impressionnée et je m’étais promis de suivre ses prochaines publications. Toujours tourné vers le passé, son dernier-né, Au péril de la mer (Alto, 2015), prend la forme d’un être hybride, partagé entre carnet d’écriture et roman. Présente sur la liste préliminaire du Prix des libraires 2016 – et malheureusement exempte des cinq finalistes provinciaux – cette œuvre apparaît solide et mûre. Je dois l’avouer ici, écrire cette critique m’est pesant tant mon désir de rendre justice au texte de Fortier est grand. Aussi, je lancerai beaucoup de fleurs, à mon sens toutes méritées. D’abord, et c’est maintenant connu, Fortier démontre un talent particulièrement solide pour parler aux âges anciens et les …

Manuel de résistance féministe, à mettre entre les mains de toutes les femmes

Au salon du livre de Montréal en novembre dernier, je me suis laissé tenter par beaucoup de livres, et le petit dernier qu’il me restait à lire est le suivant : Manuel de résistance féministe de Marie-Eve Surprenant publié chez les Éditions du remue-ménage. Honnêtement, j’avais quelques a priori dans le sens où j’avais un peu l’impression que le manuel serait un guide pour les jeunes féministes. Bien que oui, l’ouvrage soit parfait pour les nouvelles féministes, il reste une source non négligeable de références et de faits qui concernent le féminisme. En bref, il s’adresse à toutes les féministes. Et bien honnêtement, à toutes celles qui ne le sont pas aussi, parce que j’aimerais bien voir le visage de lectrices à la suite de cette lecture et qu’elles osent dire qu’elles ne se considèrent pas comme féministes. On dirait que dans ma tête, c’est presque impossible. Le petit livre fuchsia regorge de données chiffrées ou pas qui démontrent la nécessité du féminisme dans notre société québécoise. Bien difficile de renier l’importance du mouvement féministe en …

Les héroïnes littéraires qui nous inspirent

Quand je lis un livre, j’aime être transportée dans un univers qui me fascine. Un univers qui refuse de me laisser décrocher tant que je n’ai pas terminé la dernière ligne de la page finale. C’est uniquement possible si l’auteur a créé un personnage tout à fait attachant, mais plein de surprises. Un personnage qui te donne le goût de te lever et de faire une différence dans ta vie et auprès des autres qui t’entourent. Sans plus tarder, voici quelques-unes des héroïnes qui nous inspirent le plus : Hermione Granger Comment aurait été notre enfance sans le charme de Mlle Granger? On doit avouer qu’à ses débuts, Hermione nous fatiguait un peu avec sa manie de tout connaître et son attitude d’être mieux que les autres. Par contre, au fil des romans, on a appris à aimer Hermione et même à vouloir être comme elle. On peut dire qu’avec cette jeune sorcière brillante, on a compris qu’être studieuse et travaillante n’est pas un défaut, mais une habileté dont on doit être fière. Puis, son désir de …

À travers la première parution de Dany Laferrière

Comment faire l’amour avec un Nègre sans se fatiguer est la première œuvre de l’écrivain québécois d’origine haïtienne nommé Dany Laferrière. Ce roman date de 1985, mais plus de trente ans plus tard ce roman est toujours actuel chez les lecteurs québécois, et même internationaux, qui l’ont comparé aux auteurs Charles Bukowski et Henry Miller. « Bouba a certainement besoin de beaucoup de repos s’il arrive à confondre un Nègre avec Janette Bertrand (Moi, Tarzan… Toi, Jane). Ça fait si longtemps qu’on parle de mutation. L’affaire est donc plus avancée qu’on ne le croyait.» (Page 140) L’écriture rafraichissante de Laferrière nous englobe tout au long du récit, jusqu’au point où sans même s’en apercevoir, le roman est terminé. Comment faire l’amour avec un Nègre sans se fatiguer, c’est 163 pages qui se lisent beaucoup trop rapidement; heureusement que l’auteur a une bonne banque d’œuvres littéraires à nous offrir à ce jour pour raviver le réconfort de ses mots. Il y a plusieurs choses que j’aime du roman, mais plus particulièrement les 28 titres de chapitres …

Autour des livres : Rencontre avec Caroline, collaboratrice chez Le fil rouge

1. Quel est ton premier souvenir en lien avec la lecture? Enfant, j’adorais que l’on me raconte des histoires au lit et mes meilleurs souvenirs reliés à la lecture sont de loin ceux passés avec Archie et sa bande, comme je l’ai écrit dans un autre article à ce propos. Je me souviens également que j’adorais aller à la bibliothèque et ce, même au primaire pour choisir mon petit livre de la semaine. 2. Avais-tu un rituel de lecture enfant ou un livre marquant ? Et maintenant, as-tu un rituel de lecture? Enfant, je n’avais pas un livre préféré, mais je me souviens avoir lu et relu et relu les livres des oursons Berenstain. Je n’avais pas et n’ai toujours pas de rituel particulier mais j’avoue souvent commencer par la table des suggestions des libraires lors de mes visites en magasin qui teinte bien souvent mes choix de lecture par la suite, alors vous voyez les libraires, vous ne faites pas ça pour rien ;). Je préfère lire dans mon lit ou dans le métro …

Apprivoiser la science-fiction avec Isaac Asimov

Les gens sont souvent surpris lorsqu’ils apprennent que je lis de la science-fiction. Non seulement ce n’est pas considéré comme une lecture pour les filles, mais en plus je n’ai pas l’allure stéréotypée associée à ce genre littéraire; je ne suis pas une geek cachée derrière mon écran et j’ai toujours détesté les matières scientifiques. Mais dans mes lectures, je recherche toujours deux choses : mieux comprendre les autres et rêver ou voyager. Alors je ne vais pas bouder un livre qui m’offre ce que je veux, sous prétexte qu’il fasse partie d’un genre moins apprécié. Or, au début de ma vie d’adulte, en fouillant dans la bibliothèque municipale de mon quartier, je suis tombée sur mon premier roman d’Isaac Asimov, L’homme bicentenaire, et mon histoire d’amour pour l’œuvre phénoménale de ce dieu de la science-fiction a commencé. Pourquoi Isaac Asimov m’a accrochée? Tout simplement parce qu’en créant pourtant un monde de toute pièce dans le futur, il réussit toujours à rester crédible et garder un pied dans la vraisemblance. Pas d’extraterrestre. Pas de théorie loufoque. On …

Les bouquins de ma vie

J’ai grandi entourée de livres. J’en avais toujours un dans les mains, je les enchaînais un après l’autre. La lecture me permettait de m’évader, d’apprendre, de découvrir. C’est encore le cas aujourd’hui, d’ailleurs. Avec les années, certains m’ont marquée plus que d’autres. Et ces livres-là, je les ai gardés. Maintenant, j’ai une bibliothèque bien garnie qui témoigne bien de ma vie de lectrice assidue depuis 1996. Chaque tranche d’âge a son bouquin préféré. 0-3 ans: Je t’aimerai toujours, Robert Munsch « Je t’aimerai toujours, la nuit comme le jour, et tant que je vivrai, tu seras mon bébé. » Ma mère me racontait l’histoire très touchante de Robert Munsch le soir avant que je m’endorme, mais j’ai véritablement compris son sens en vieillissant. Elle raconte les étapes par lesquelles un jeune garçon a dû passer pour devenir un adulte. Sa mère s’est occupé de lui tout au long de son enfance mais, plus le temps avance, plus les rôles s’inversent: c’est l’homme qui finit par prendre soin de sa maman, puisqu’elle aussi a vieilli. 3-6 ans: Simon, Gilles …

Le Deuxième Sexe de Simone de Beauvoir : lecture obligatoire (malgré tout)

Dans le cadre des études universitaires, il faut faire beaucoup de recherche. Encore plus aux deuxième et troisième cycles. On a tendance à privilégier des textes écrits récemment : les données sont plus neuves, les constats plus contemporains, les avancées plus technologiques. Pourtant, je me suis donné le défi (le devoir?) de lire le fameux Deuxième Sexe de la non moins fameuse Simone de Beauvoir, écrit en 1949 à la jonction des première et deuxième vagues de féminisme. Verdict? Ce devrait être une lecture obligatoire pour tous les étudiants en sciences humaines et en arts, hommes comme femmes. Rien de moins. Oui, parfois c’est aride, parfois c’est daté. Par exemple, je suppose qu’au Québec, la majorité des jeunes filles ont les conseils de leur mère lorsque viennent les premières menstruations. Je suppose aussi que les jeunes femmes sont encouragées à poursuivre leurs études au-delà de la puberté ou de l’âge adulte. Ce ne sont là que quelques exemples, car autrement, l’essai de Simone de Beauvoir est patent d’actualité. Tout ce qui a trait aux relations filiales et …

Chroniques d’une anxieuse : Bonyeu donne-moé une job

J’me suis réveillée, un matin gris-frette d’hiver, avec la toune Bonyeu des Colocs dans tête. Ça allait pas pantoute. J’avais l’impression de perdre le contrôle et, pourtant, c’tait pas si pire que ça dans l’fond, c’tait juste que j’avais peur. Beaucoup. J’arrivais pas à entrevoir ce que l’avenir me réservait. C’tait comme un gros trou noir, le néant, et je perdais pied. Le grand vertige. Le sol se dérobait sous moi. Faut dire qu’une semaine de gris-frette d’hiver, c’tait pas facile, pour personne. Ça rendait fou un peu pis très maussade aussi. J’avais besoin de soleil, de chaleur, de vagues bleues et de palmiers (et une coupe de tequila bang bang tant qu’à y être). À place j’avais de la slush brune collée après les bottes. Je la regardais et je me sentais comme elle. Dégueulasse, inutile et gossante. La toune des Colocs résonnait dans mes tympans. J’ai commencé à la chanter de toutes mes forces. À tue-tête. Un peu trop fort, comme si c’était mon dernier espoir, mon dernier souffle. Je voulais crier en même …

Imre Kertész, l’être sans destin

C’était il y a quelques années déjà. C’était à l’époque où j’étudiais la littérature à l’Université de Sherbrooke. C’était dans un cours qu’offrait Patrick Nicol. C’était un cours sur la littérature du monde. C’était la première fois que j’entendais parler d’Imre Kertész. Imre Kertész est né le 9 novembre 1929 à Budapest, dans une famille juive. 1944 il fut déporté au camp de concentration d’Auschwitz-Birkenau. Il fut libéré à Buchenwald en 1945. […] Après deux ans passés sous les drapeaux, il mène depuis une vie d’écrivain indépendant et de traducteur d’auteurs de langue allemande tel que Nietzsche, Hofmannsthal, Schnitzler, Freud, Roth, Wittgenstein et Canetti qui tous ont eu une influence sur sa création littéraire. Encore trop habituée à la littérature dite classique, je dois avouer que j’ai ressenti un certain malaise au début du cours, tous les romans au programme étaient plutôt de la vague actuelle. Mon malaise s’est rapidement transformé en curiosité et finalement en fascination pour ce type de littérature. Au programme, il y avait Foe de J.M. Coetzee, La lenteur de Milan …