Month: novembre 2016

Ce que je lis entre Noël et le Jour de l’An depuis près d’une décennie

Il y a des livres qui, pour une raison ou une autre, vous marquent particulièrement, vous suivent tout au long de votre vie. Des livres que vous avez lus plus de deux fois, par lesquels vous êtes irrésistiblement attirés, auxquels vous revenez périodiquement. Des livres qui font du bien parce qu’ils résonnent profondément en vous, parce que les personnages prennent une place importante dans votre vie. Pour moi, il y a les Harry Potter, Orgueil et préjugés et Jeanne, fille du roy. À la fin de mon secondaire 2, le thème de l’examen de français était la Nouvelle-France. Et parmi les lectures supplémentaires suggérées il y avait Jeanne, fille du roy par Suzanne Martel. Ce fut pour moi le début d’une grande fascination pour les filles du roi, qui sont venues peupler la Nouvelle-France. Je me suis mise à lire tout ce que je trouvais à leur sujet, remplie d’admiration pour ces filles et ces femmes. C’est aussi à cette époque que j’ai développé une peur irrationnelle de mourir du scorbut, quelle fin indigne pour …

Un voyage littéraire: Islande

Depuis quelque temps, l’Islande est une destination populaire (merci aux nombreux vols directs Montréal-Keflavik maintenant disponibles)! Ce n’est pas une coïncidence si je m’y suis rendue pour la deuxième fois en un an. Ce pays a tout pour plaire; ses contrastes, son climat, sa culture, tout est à couper le souffle! Coup de cœur total, je souhaite y retourner aussi souvent que possible. Pour cette deuxième visite, j’ai choisi de parcourir les différentes librairies et destinations littéraires. J’ai été gâtée. Petit bilan de mon voyage littéraire: Bókin Véritable trésor, cette librairie offre une variété impressionnante de livres provenant de partout et de toutes les époques. C’est un fouillis total dans lequel il fait bon se perdre! Eymundsson Probablement la librairie la plus ancienne et la plus connue d’Islande  (je pourrais facilement la comparer aux chaînes Renaud-Bray et Indigo, puisqu’on y retrouve aussi souvenirs, films et musique). Il y a un Eymundsson dans chaque quartier (ou presque) et certaines succursales proposent un café à l’étage (Te & Kaffi) où l’on peut s’installer pour feuilleter bouquins, magazines …

L’amour en sourdine dans la toundra

Le roman La nuit sur les ondes (titre original : Late Nights on Air) d’Elizabeth Hay aura toujours une place privilégiée dans mon cœur. Je l’ai lu en anglais quelques années après sa parution en 2007 et je l’ai relu récemment pour retrouver les personnages qui ont tellement envahi mon imaginaire au Cégep. Traduit par Hélène Rioux aux éditions XYZ, il est maintenant offert en français. Aux Territoires du Nord-Ouest, dans les années 1970, une communauté de personnages se lie d’amitié, d’amour ou d’animosité. Ils se connaissent et font partie de la même communauté parce qu’ils travaillent tous à la station de Radio-Canada de Yellowknife. Dido Paris, mystérieuse femme fatale, annonce les nouvelles de sa voix sexy et accentuée par sa langue maternelle, le néerlandais; Harry Boyd, DJ qui a déjà été célèbre, anime maintenant les ondes la nuit au bout du monde; et Gwen Symon a conduit d’Ottawa à Yellowknife juste pour réclamer un poste à la station. Ces trois personnages (et les autres que je n’ai pas pris le temps de décrire) forment la …

Tout ce qui se cache derrière… Nos regards traîtres

Il faut le reconnaître, Jason Roy a le vent dans les voiles. L’an dernier, l’auteur sherbrookois lançait un premier recueil de nouvelles et un premier roman (dont j’ai d’ailleurs fait la critique ici), et force est de constater qu’il n’a pas chômé depuis! En plus de compléter son mémoire de maîtrise en création littéraire, il a pondu le recueil de nouvelles Nos regards traîtres, dont le lancement a eu lieu à la mi-octobre. Nos regards traîtres, ce sont vingt-cinq nouvelles, tantôt longues, tantôt très courtes, qui entraînent le lecteur dans l’univers du point de vue et de la perception (du regard, quoi.) En effet, chaque récit met de l’avant une forme de regard, que ce soit celui du personnage lui-même, celui des autres qui l’épient, un regard inventé, qui n’existe que dans l’imagination, ou, encore, notre propre regard de lecteur. Ces nouvelles aux accents souvent fantastiques sont divisées en cinq sections, qui permettent ainsi au lecteur de se faire une petite idée des thématiques qui y seront abordées, ou du ton emprunté. Avec Nos regards …

La liste des petites choses qui font du bien

L’illustratrice et conceptrice graphique Ana Roy, que vous avez sans doute connue grâce à son énigmatique illustration Namaste Caliss, a lancé il y a quelques temps son premier livre, Les petites choses; un livre qui fait sourire et qui fait du bien. Ces petites choses… Dans ce livre fluo, Ana Roy nous fait la compilation de ces petites choses qui lui font du bien et la font sourire. On s’y reconnait très souvent et on sourit en tournant les pages de voir des situations qu’on a tous vécues et qui sont vraiment « les petites choses » qui constituent l’essence même d’une vie. Des phrases qu’on lit partout (mais qui ne sont pas moins vraies) telles que la célèbre “Enjoy the little things in life because one day you’ll look back and realize they were the big things” le proclament. La beauté des petits bonheurs et des petits instants résulte dans cette capacité à admirer le beau et le tout simple. Le genre de livre qui rassure, qui console, qui fait sourire surtout. Un baume de couleur, de simplicité …

Des bonbons et des livres pour l’Halloween, ou comment faire circuler la lecture en libre-service

J’ai toujours aimé l’Halloween. Plus jeune, j’adorais plus que tout me déguiser, arriver à l’école et avoir la surprise de découvrir mes ami.e.s sous leur costume toujours original. J’aimais plus encore, le soir venu, faire la tournée des maisons de mon quartier pour récolter des bonbons, puis revenir chez moi et tout classer, puis déguster. Cependant, depuis quelques années, à cause de contraintes comme mon travail ou l’université, ou juste par paresse, je ne célèbre presque pas l’Halloween. Je trouvais ça dommage, et c’est pour cette raison que j’ai décidé, cette année, de m’y remettre et de distribuer des bonbons pour les enfants. Puisque j’habite le 3e étage d’un appartement, j’avais décidé que je m’installerais sur le trottoir devant mon entrée toute la soirée, afin de pouvoir accueillir les nombreux « petits halloweens » qui allaient passer. J’avais invité des amis, et l’on allait tous se déguiser. Puis, j’ai eu une idée. Moi, grande folle de lecture, militant pour le plaisir de lire et agissant bénévolement en alphabétisation durant mes temps libres, j’allais distribuer des livres. Je …

L’hôtel de la conscience effrénée

Villégiature : Séjour à la campagne, à la mer, etc., pendant la belle saison, pour se reposer, prendre des vacances. C’est aussi le titre du deuxième roman d’Alice Michaud-Lapointe, auteure que j’apprécie énormément et dont j’avais fait la critique de son premier roman, Titres de transport. Villégiature reste semblable à la source, dans ce roman, soit le nom. Mais il perd tout son sens quand les personnages se retrouvent dans un hôtel où leur conscience et leur psyché sont mises à l’épreuve. « Nous savons pourquoi vous êtes ici. À vrai dire, nous savons déjà tout de vous. Nous savons ce que vous avez fait. Les gestes que vous n’avez pas encore posés. Ceux qui vous ont échappé. » Ce livre rappelle le premier travail de l’auteure où elle crée de nouveau une mosaïque de personnages, chaque chapitre évolue autour d’un personnage et met en oeuvre sa propre histoire. Une seule histoire revient plusieurs fois, permettant de la faire évoluer en crescendo dans un pur mystère envoûtant. C’est un excellent contraste qui est créé entre …

Le protocole compassionnel et le vieillard de 35 ans

Hervé Guibert est né en 1955 et est mort du sida en 1991. Auteur français, il a pratiqué l’autofiction, entre autres dans son récit Le protocole compassionnel publié en 1991 chez Gallimard (NRF). Ce n’est pourtant pas un roman posthume, il a été publié quelque temps avant sa mort. Le protocole compassionnel est le journal intime d’Hervé Guibert, auteur à succès français atteint du VIH. Les lieux, les médecins, les amis sont évoqués par leur nom sans plus de cérémonie, comme si le texte n’était pas réellement dédié à des lecteurs inconnus : les Jules, Berthe, Gustave, Lionel, les docteurs Domer, Dumouchel, Nacier, Chandi vont et viennent dans les entrées du journal sans qu’on puisse vraiment déterminer qui est qui dans la vie du personnage Hervé. Si ça a un peu gêné ma lecture, j’ai rapidement compris que le personnage principal du récit de Guibert n’était pas Guibert lui-même. C’est le journal intime du corps, d’un corps malade. Le journal intime d’un corps qui s’autodétruit, d’un corps rongé, amaigri à l’extrême, hideux, magnifique. Si certaines descriptions font …

Le territoire qui se déplie sous le ciel : relire Kuessipan

À Uashat, devant la baie des Sept Îles, les maisons sont posées sur le sable. Naomi Fontaine raconte ce sable qui colle aux semelles et s’infiltre partout : derrière les portes jamais verrouillées ; dans les nuits longues, rendues bruyantes par les jeunes qui boivent en gang ; sous les petits ongles des bébés emmaillotés ; dans l’atelier du grand-père artisan qui a perdu toutes ses dents ; dans les cheveux des petites filles qui s’abreuvent aux rivières froides et nourrissent les écureuils. Bien sûr que j’ai menti, que j’ai mis un voile blanc sur ce qui est sale (p. 11), nous dit très tôt la narratrice. Pour elle, la mise en récit de sa communauté n’est pas simple : comment réconcilier l’indicible fierté d’être [soi] (p. 90), d’être Innue, avec les conséquences profondes et crève-cœur de la colonisation? Comment parler de son peuple en respectant ses nuances, sans effacer ses noirceurs mais sans non plus le réduire à ses difficultés? Pour tricoter cet équilibre délicat, le livre se décline en tableaux qui racontent des images et …

Lecture pour l’éternelle romantique en vous

Depuis mon adolescence, je lis des romans d’amour de façon régulière. En fait, j’en ai tellement lu que ça m’a très probablement tourné la tête, me donnant une vision de l’amour littéralement romancée. Mais c’est plus fort que moi, je suis incapable d’y résister. J’adore le sentiment presque euphorique que me procure la lecture d’une bonne histoire d’amour. Une inconditionnelle des romans d’amour comme moi connaissait l’oeuvre de Jane Austen depuis longtemps (Pride and Prejudice love!), mais ce n’est que récemment que j’ai découvert l’auteure Elizabeth Gaskell et son magnifique roman d’amour Nord et Sud. Alors que les romans de Jane Austen se déroulent dans la gentry campagnarde du sud de l’Angleterre, Nord et Sud présente l’autre côté de la réalité anglaise du début du XIXe siècle, celle du nord industriel. Nord et Sud met en scène le personnage de Margaret Hale qui, après avoir connu une existence paisible dans le sud de l’Angleterre, se voit obligée de déménager dans le Nord, qui est en pleine industrialisation. Là-bas, elle est confrontée au monde ouvrier, à la misère et …