Le monde du livre
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Entrevue exclusive avec Marie-Sissi Labrèche

Lorsque nous avons mis sur pied notre projet, jamais, au grand jamais, nous ne pensions être en mesure de parler à de grands auteurs dès nos débuts. Pourtant, nous avons essayé… Et c’est avec grande surprise que Marie-Sissi Labrèche a répondu à notre appel !

C’est donc une Marie-Sissi Labrèche incroyablement sympathique et électrisante qui a accepté de donner une entrevue exclusive à l’équipe du Fil Rouge, lundi dernier. Ceux qui la connaissent (et qui nous connaissent) sauront à quel point cela a pu être un honneur pour notre équipe que d’avoir un lien direct avec une auteure d’aussi grand talent.

Ceux qui ne la connaissent pas (encore) manquent quelque chose…Et il est grand temps pour eux de s’y mettre ! Lisez-la ! Et découvrez le talent de cette femme hallucinante !

Marie-Sissi Labrèche est une auteure québécoise née en 1969. Elle a écrit plusieurs romans qui valent plus que la peine d’être découverts, d’être lus et d’être relus.  Son écriture est crue, vraie et pleine d’émotions. Lire un de ces romans, c’est aussi se libérer complètement de certaines émotions et de certaines rages dont on n’aurait pas su se départir autrement. Ses mots ont su sauver bien des gens ! Ses romans nous transportent dans un univers complètement sauté où nous-mêmes, nous avons peut-être déjà été plongés et surtout duquel nous ne savions pas comment nous en sortir.

Voici donc, sans plus tarder, un compte-rendu de cette fameuse entrevue !

Nous avons entendu dire que c’était à l’âge de 17 ans, à la lecture de La grosse femme d’à côté est enceinte de Michel Tremblay, que tu as su que tu voulais écrire et que tu étais faite pour écrire. Est-ce vrai ? 

Oui, oui, oui! J’ai grandi dans un milieu où la culture n’était pas très présente ! Au secondaire, par hasard, une de mes amies m’a conseillé ce roman de Michel Tremblay et j’ai commencé à le lire… J’ai tout de suite su que j’allais devenir écrivaine ! Tremblay écrivait dans une langue qui venait me chercher, dans la langue dans laquelle je vivais. Dans une langue accessible, que je connaissais, et ça, j’aimais ça !

As-tu un rituel d’écriture particulier ? Y a-t-il quelque chose que tu dois absolument faire ou ne pas faire quand tu écris ?

Non, rien du tout ! Je ne suis pas superstitieuse ! Le seul truc, c’est que j’écris beaucoup mieux quand je suis enragée ! J’écris bien, j’écris mieux, quand je suis fâchée, c’est plus facile pour moi !

Quand tu es enragée, donc, c’est plus facile d’écrire ! Mais es-tu quand même capable d’écrire n’importe où et n’importe quand ou bien ça te prend des conditions spéciales pour être capable de te laisser aller dans ton écriture ?

Plus jeune, j’étais capable d’écrire n’importe où et n’importe quand. Maintenant, je trouve ça un peu plus difficile ! Je dois m’isoler un peu plus… J’ai besoin de plus de silence, de plus de concentration.

Parmi l’ensemble de tes œuvres, quel est ton livre chouchou? Celui que tu préfères? Ou celui dont tu es la plus fière ? Et pourquoi ?

Borderline (2000), c’est le livre qui  m’a fait naître. C’est certain que j’ai un attachement particulier pour lui ! Mais je te dirais que, celui dont je suis la plus fière, c’est : La lune dans un HML (2006). Parce que c’est celui que j’ai le mieux écrit selon moi, avec mon style à moi.

Si la lecture d’un seul livre était obligatoire au Québec, et que ce livre ne pouvait pas être un des tiens, quel serait ce livre ?

(Après un moment de réflexion) Le dictionnaire ! Pour savoir de quoi on parle ! Pour avoir plus de crédibilité quand on parle. Quand j’étais plus jeune, je faisais beaucoup de fautes ! Je n’étais pas bonne en français ! J’avais toujours des bonnes notes pour mon style, mais des fautes… J’en faisais beaucoup ! Je ne savais pas écrire parce que je n’avais pas appris à écrire. Je pense que c’est important de savoir écrire !

Quel est ton mot préféré de la langue française?

C’est une bonne question ! (Après un temps de réflexion) Je dirais que c’est le mot rêve ! Oui, rêve ! Parce que, sans ça, y’a rien ! Et que ça tient tout, le rêve !

On dit souvent que tu écris de l’autofiction. Est-ce que c’est quelque chose qui te restreint, aujourd’hui, d’avoir été mise dans cette boîte « d’autofiction » ? Es-tu tannée qu’on associe ton écriture à cela ?

On m’a enfermée là-dedans depuis le début. Mais ça ne me dérange pas tant que ça. On se sert tous de nous pour écrire ! Moi, j’écris. Et les gens me lisent. Avez-vous aimé ? Avez-vous détesté ? C’est à eux de juger !

Tu sors un nouveau roman dans quelques semaines ! Ce roman, comme on a pu le savoir, semble loin de l’autofiction et du « très réel » auquel tu as habitué ton lectorat, il semble même aller du côté de la science-fiction ! Qu’est-ce qui t’a poussée à aller dans cette branche ?

Oui, c’est vrai, mon prochain roman n’est pas du tout comme les autres ! Je mélange deux époques : 2035 et maintenant ! C’est un roman très drôle et beaucoup moins « trash » que mes autres romans. J’ai eu le « flash » de l’écrire quand j’étais enceinte de mon garçon ! Dans mon roman, c’est comme si j’écrivais sur mon garçon ; c’est comme si je racontais l’histoire de l’homme qu’il allait devenir, sans espérer qu’il suive vraiment le chemin de mon personnage ! Vous verrez pourquoi… (rires) ! C’est un roman très drôle, c’est le roman qui m’a fait le moins de mal à écrire ! J’ai eu envie d’essayer autre chose… Je l’ai fait lire à l’interne, par des gens que je connaissais, et ils l’ont bien aimé ! Ça fait du bien à entendre !

Un personnage principal masculin, donc ! Chose qui arrive rarement dans tes romans ! Quelles sont les difficultés qu’on rencontre quand notre personnage principal est un homme ? Qu’est-ce qui est différent que dans l’écriture d’un personnage principal féminin ?

Je ne suis pas très bonne avec les personnages masculins ! J’ai de la misère… Ce que j’ai fait, c’est que je me suis servie de mon garçon ! J’ai fait de la projection. J’ai fait la projection de mon gars, sans être vraiment lui ! Je me suis imaginé « qu’est-ce qui se passerait si… », « qu’est-ce qui arriverait si… ». Et ça m’a aidée ! C’est comme si j’écrivais sur mon gars dans le futur sans que ça soit lui !

Selon une certaine critique, on dit de toi qu’avec ton prochain roman, tu prouves que tu as le don d’aborder des sujets graves avec humour. Selon toi, d’où te vient ce don? Est-ce un mécanisme de défense? 

C’est clairement un mécanisme de défense ! Et c’est un mécanisme de défense formidable ! Je lisais, l’autre jour, un magazine québécois et Jean-François Mercier, l’humoriste, disait quelque chose comme «  dans les grands débats intellectuels, c’est l’humour qui fait le mieux passer un message ». Personnellement, je pense que c’est vrai ! Et c’est ce que j’essaie de faire à ma manière.

Finalement, dans tes futurs romans, y a-t-il des sujets que tu n’as pas encore abordés et que tu aimerais aborder?

(Après un moment de réflexion) J’ai toujours beaucoup de projets en tête et si celui-là ne marche pas, et bien j’en fais un autre… Mais j’aimerais peut-être bien faire quelque chose dans le genre de Twilight ! Mais pas avec des vampires ! Non, mais j’aimerais peut-être essayer le fantastique un jour ! Ce que j’ai aimé de Twilight, c’est que les personnages, jeunes, prennent leur temps ; ils découvrent la vie ; ils ne se « garrochent » pas nécessairement n’importe où ! J’ai envie d’écrire quelque chose de romantique-fantastique un jour ! On verra bien… (rires)

 ***

Marie-Sissi Labrèche sortira à l’automne son roman La vie sur Mars. Voici, pour vous mettre en appétit,  ce qu’on peut en lire sur internet :

Nous sommes en 2035. Neil est un jeune drop-out montréalais, fils de Fédora, qui l’a élevé pratiquement seule, et de Christian, un astronaute français en mission sur Mars depuis longtemps. Neil doit se rendre à Raon-l’Étape, en Lorraine : sa mère y a été retrouvée morte dans la maison ancestrale où le grand-père collectionnait mille antiquités léguées à Christian. Accompagné de sa fidèle Rosaline, harcelé par la trop intense Rita-Adèle, Neil se gave d’anxiolytiques pour affronter l’épreuve, d’autant plus que Fédora, écrivaine connue, a laissé un manuscrit dont les révélations le troublent. Entre ses allées et venues chez le croque-mort, il est étonné de lire son histoire – celle de sa conception, de sa naissance, de sa petite enfance avec ses parents, des visites chez son grand-père en France -, puis il hésite à continuer quand il découvre la vérité sur son astronaute de père. En langage cinématographique, on parlerait d’une comédie dramatique. En littérature, ça s’appelle un bonheur de lecture. Avec ce quatrième roman, Marie-Sissi Labrèche prouve qu’elle a le don d’aborder des sujets graves avec humour ; elle propose une histoire sur la famille, le mensonge et la culpabilité, mais aussi sur les différences culturelles et sociales. Personnages truculents, intrigue fertile en rebondissements, plume vive : La vie sur Mars n’épargne personne… Et c’est loin d’être triste !

Elle travaille également sur un documentaire portant sur la maladie mentale qui devrait voir le jour d’ici quelque temps !

L’équipe du Fil Rouge tient à remercier, encore une fois, cette auteure magnifique. Une véritable bombe à retardement de talent qui a explosé quelques fois au cours des dernières années ! Nous vous invitons à vous faire la faveur d’aller vous procurer ses explosions en librairie et de lire ses romans !

  • Borderline (2000)

« Je suis borderline. J’ai un problème de limites. Je ne fais pas de différence entre l’extérieur et l’intérieur. C’est à cause de ma peau qui est à l’envers. C’est à cause de mes nerfs qui sont à fleur de peau. Tout le monde peut voir à l’intérieur de moi, j’ai l’impression. Je suis transparente. D’ailleurs, tellement transparente qu’il faut que je crie pour qu’on me voie. » Borderline est un premier roman qui scrute le monde de l’enfance. Non pas l’enfance bénie, mais celle qui crée des monstres. Et les monstres de l’enfance ne nous quittent pas avec elle »

  • La brèche (2002)

« Je ne suis pas de son monde, un maestro de la poésie et sa ritournelle, un prof de littérature et son étudiante, un homme coincé devant un petit pétard blond, deux univers défigurés par la présence de l’autre, non, je ne suis pas de son univers et il passe son temps à me le rappeler aussi. Oui, je viens d’un univers très différent du tien, me répond-il tout le temps comme pour me signifier que je suis une extraterrestre dans sa vie et qu’être ensemble pour vrai relève de la fiction. Quand il me dit ça, j’aurais envie de m’arracher un œil et de l’avaler, qu’il me laisse donc me raconter une belle histoire, la belle histoire de deux mondes qui s’effondrent ensemble. Plus nos plaies seront profondes, plus on s’infiltrera l’un dans l’autre. »

  • Montréal, la marge au cœur (2004)

  • La lune dans un HLM (2006)

« Léa se réfugiait dans un autre monde pour ne pas que les monstres dans la tête de sa mère sautent dans la sienne.Parce qu’il faut se méfier de la folie, elle vous guette et sans crier gare elle se jette sur vous pour vous projeter des films d’horreur à longueur d’année en dessous de la casquette. Léa doit encore plus se surveiller, car dans sa famille, on est abonnées de mère en fille, mais elle, elle a bien décidé de sauter en bas de son arbre gynécologique pour aller jouer dans le pré où se trouve le bonheur, comme elle dit, et c’est avec sa future carrière de reine de la toile qu’elle se protège. »

  • Psy malgré moi  (2009) (plus jeune)

« Ariane, 13 ans, vient de vivre la pire année de sa vie : sa soeur a été emportée par un cancer du cerveau. La famille, dévastée, quitte la campagne pour s’installer à Montréal. Ariane débarque donc dans une nouvelle poly et l’année démarre sur les chapeaux de roues : la « tough » de l’école la cherche dès le premier jour, la bimbo en chef lui jette des regards assassins et le beau gars semble inaccessible… Pour se faire accepter, Ariane se transforme en mini-Freud en jupon et tente de régler les problèmes que des élèves viennent lui confier. Cela ne manquera pas de lui attirer des ennuis, mais aussi une certaine reconnaissance, de plus en plus encombrante. »

  • Amour et autres violences (2012)

« Elle est maintenant assise sur le sol, toujours offerte, et elle le fixe avec toute sa volonté d’être baisée par lui. Elle respire toujours fort, ses narines s’ouvrent et se ferment comme celles d’un bouc en plein combat sur une montagne de Nubie en Égypte. Elle est à peu près sûre qu’elle est belle comme ça, qu’elle donne envie, elle se dit qu’il va craquer, qu’il va se jeter sur elle et l’écraser de tout son poids, qu’il va l’embrasser de la tête aux pieds, l’avaler avec sa grande bouche, sniffer ses aisselles, entrer ses doigts partout, l’enserrer comme un bébé koala, et qu’ils rouleront dans le lit puis sur le tapis, traverseront la porte, le studio, rouleront dans le parking, dans la rue, ils prendront l’autoroute 10 et ils s’en iront comme ça loin, très loin, lui en elle, lui la roue, elle l’essieu, et ils rouleront jusqu’à ce qu’un pont s’effondre sous leur passage et qu’ils finissent encastrés entre deux dalles de béton en première page des journaux. »

  • La vie sur mars – 2014 (à paraître sous peu !)

On vous invite aussi à participer à notre sondage pour gagner les livres « Borderline » et « La brèche » de l’auteure!

2 Comments

  1. Ping : L’autofiction au féminin en quatre titres |

  2. Ping : Le fil rouge fête sa première année et Marjorie et Martine ont quelques mots pour vous… |

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