Dans mon ancienne vie de libraire, je plaçais des livres un beau matin quand un gros livre m’est tombé sur la tête. Amis libraires, vous connaissez ce sentiment. On les aime donc ces livres-là, mais ouf qu’ils font mal aux têtes et aux petits orteils lorsqu’ils tombent. Tout ça pour dire qu’un gros livre m’est tombé sur la tête et qu’il ressemblait à ceci : « Prenez soin de vous » disait le gros livre fushia. Je l’ai ouvert et s’en est suivi un long quart d’heure de procrastination librairienne. C’est en feuilletant les pages de ce gros livre que j’ai compris que le « Prenez soin de vous » était à la base le message d’un ancien amoureux suite à une lettre de rupture…
Sophie Calle, à qui s’adressait la lettre, a donc demandé à 107 femmes de comprendre, de l’aider à comprendre, à accepter cette rupture et cette manière si froide de se faire quitter. 107 femmes donc: des femmes de tous les milieux et de tous les métiers, des psychologues, des danseuses, des avocates, des sexologues, etc. Ces femmes essaieront de comprendre la lettre du point de vue de leur propre identité et connaissance intime. À la base, c’était une exposition avant de devenir le livre publié chez les éditions Actes Sud. Il faut savoir que Sophie Calle est une artiste contemporaine française très connue qui travaille énormément sur l’intimité. Elle avait déjà auparavant utilisé son propre vécu pour en faire des oeuvres autobiographiques.
Je ne suis pas une très grande érudite en ce qui concerne le monde de l’art et de l’histoire de l’art, mais j’ai fait un travail il y a quelques sessions déjà, sur la place de l’intimité dans l’art contemporain, et c’est ainsi que j’ai connu des artistes exceptionnels tels que Sorel Cohen et Rineke Dijkstra. Je trouve que le thème de l’intimité en art extrêmement fascinant, vaste et si vrai. Et je suis toujours restée marquée par l’oeuvre de Sophie Calle.
Son matériel artistique est à la base l’intime; le sien et celui des autres. Elle utilise les vidéos, l’écriture, la photographie et l’art plastique comme médium dans ses oeuvres, mais tente continuellement d’y apporter une part intimiste. Dans son oeuvre « Prenez soin de vous », elle tente de déchiffrer les malentendus d’une rupture, des mots qui ne réparent pas, des formules toutes banales qu’on se dit en se quittant. Elle tente de comprendre et c’est en analysant la lettre de ce fameux G que les 107 femmes arriveront (peut-être) à saisir un peu mieux la rupture et le « Prenez soin de vous ».
Un autre de ses projets qui me fascine est Les dormeurs. Elle a demandé à des inconnus de venir dormir dans son lit et elle les a pris en photo. Ces gens se sont mis en position de vulnérabilité en s’endormant dans le lit d’une inconnue. Ainsi, Sophie Calle touche à une profonde intimité et ce, avec des purs étrangers. Elle les montre sous des airs vulnérables et brise par le fait même les barrières de l’intimité. Elle prend en note leurs mouvements, leurs gestes, etc. Elle les épie en fait.
Honnêtement, elle est fascinante. À Venise, lorsqu’elle travaillait comme femme de ménage dans un hôtel, elle a tenté de deviner la vie des clients… Avec un pur inconnu, elle est partie en voyage en Californie et en a fait un film, No sex last night. Il faut connaitre Sophie Calle, ne serait-ce que pour les questionnement qu’elle suscite en lien avec l’intimité, l’identité, le réel et les relations humaines.
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