Connaissez-vous le questionnaire de Proust? Il s’agit de questions posées par l’auteur Marcel Proust, principalement connu pour sa majestueuse oeuvre À la recherche du temps perdu. Celles-ci permettent de mieux comprendre ou connaitre quelqu’un. Dans ce questionnaire, on y trouve des questions telles que La fleur que j’aime ou Mes héroïnes préférées dans la fiction. L’animateur littéraire Bernard Pivot s’est inspiré de ce questionnaire pour créer le sien, qu’il faisait passer à ses invités à son émission Bouillons de culture. C’est ainsi que m’est venue l’idée de créer un questionnaire Le fil rouge où on pourrait en apprendre davantage sur une personne, et ce, au sujet de ses habitudes de lecture, de création, d’organisations et au niveau de ses préférences littéraires.
Pour cette édition, notre collaboratrice Alexandra s’est prêtée au jeu!
1. Quel est ton premier souvenir en lien avec la lecture?
Ma mère qui me lit les plus beaux récits, tout juste avant que je ferme les yeux, à l’heure du dodo, elle tourne les pages en changeant sa voix pour animer les personnages qui peuplent les histoires des livres qu’elle a minutieusement choisis pour moi. C’était un instant privilégié entre nous, un moment complice, où elle prenait plaisir tout autant que la petite fille devant elle, à vivre et à donner vie à ces fabulations merveilleuses. C’est elle qui m’a donné le goût de la lecture.
Elle m’a toujours dit que la première fois que j’ai tenu un livre dans mes mains, mon regard avait changé, comme si je tenais la plus belle chose au monde, comme « un cadeau dont je délectais chaque mot ».
2. Avais-tu un rituel de lecture enfant ou un livre marquant? Et maintenant, as-tu un rituel de lecture?
Je n’ai jamais vraiment eu de rituel de lecture. Je pourrais lire n’importe où, n’importe quand avec n’importe qui dans n’importe quelle circonstance. Je lis en marchant, dans le bain, à la toilette, au soleil, étendue sur la pelouse, effouarrée dans mon divan, dans le froid en attendant l’autobus, dans un café bruyant, avec la lueur du matin ou encore pendant la nuit pour fuir mon insomnie. Pour moi, l’essentiel, c’est d’avoir toujours un livre à ma portée, peu importe.
3. As-tu une routine d’écriture, des rituels? Dans quel état d’esprit dois-tu être pour écrire?
Quand j’écris, je dois oublier tout ce qu’il y a autour de moi. Je dois être dans un état second, comme s’il fallait que je perde contact avec le monde. Mon truc c’est de mettre une toune sur repeat, une toune qui me fait chavirer, qui me donne parfois envie de pleurer et qui éveille toute ma sensibilité. La chanson tourne en boucle dans mes oreilles, jusqu’à ce que je l’oublie, jusqu’à ce que je me sente dans un autre univers, coupée de tout. Et c’est, seulement à ce moment, que mes doigts tapent frénétiquement le clavier ou que le crayon glisse sur le papier.
4. Quels sont les livres qui t’ont donné envie d’écrire?
Ce qu’il en reste de Julie Hivon, un roman magnifique, troublant, mais tellement bien écrit. Écrire de Marguerite Duras, parce que c’est en lisant ce livre que j’ai compris à quel point j’avais besoin d’écrire. Un besoin réel qui m’aidait tout court, dans tout. Paroles de Jacques Prévert pour ses poèmes qui m’ont complètement transportée dans un ailleurs merveilleux. Et, plus récemment, Hiroshimoi de Véronique Grenier, dont j’ai eu un gros crush sur les phrases bien tournées empreintes d’une grande sensibilité.
5. Quel est le livre qui t’a le plus fait cheminer personnellement et pourquoi?
L’espèce fabulatrice de Nancy Huston. C’est comme ma bible. L’écriture de Huston est tout simplement parfaite, simple, directe, sans détour, comme j’aime, mais avec une portée infinie de sens. C’est un essai qui a changé ma vie, ma perception du monde et qui m’influence encore aujourd’hui.
6. Si tu pouvais vivre dans un monde littéraire, ce serait lequel?
Dans l’univers éclaté de L’écume des jours de Boris Vian sans hésitation. Ce roman m’a tellement marquée, comme c’est le cas pour plusieurs, avec ses nuages roses magnifiques, ses possibilités infinies, ses sentiments d’amour inconditionnel et ses images enchanteresses!
7. Quel livre relis-tu constamment sans même te tanner?
Je vais me permettre de nommer non pas un livre, mais bien un poème (j’suis wild de même, qu’est-ce que tu veux!) : Je t’écris pour te dire que je t’aime de Gaston Miron. Le tout premier poème que j’ai entendu dans un cours au Cégep, le tout premier poème qui m’a fait pleurer et le tout premier poème que je ne cesse de relire et relire pour sa beauté et tout ce qu’il représente.
« Qu’es-tu devenue toi comme hier
moi j’ai noir éclaté dans la tête
j’ai froid dans la main
j’ai l’ennui comme un disque rengaine
J’ai peur d’aller seul de disparaître demain
sans ta vague à mon corps
sans ta voix de mousse humide
c’est ma vie que j’ai mal et ton absence »
C’est fucking beau, on s’entend.
8. Quel est ton mot de la langue française préféré?
Ineptie. C’est joli à l’oreille, mais c’est aussi un beau mot pour dire que tu trouves que quelque chose est niaiseux. Esperluette c’est pas pire aussi, c’est funky en bouche.
9. Quel livre aurais-tu aimé avoir écrit?
Je crois que ce serait Fahrenheit 451 de Ray Bradbury. J’ai lu ce roman maintes et maintes fois et au-delà de son univers très bien construit, il y a cette idée que la suppression de tous les livres mènerait l’humanité à sa perte, rien de moins. Comme si anéantir l’existence des livres était synonyme de rayer, en grande partie, notre mémoire collective. C’est une idée qui vient me toucher, beaucoup.
10. Si tu écrivais ta propre biographie, quel serait le titre?
Chroniques d’une anxieuse, bien entendu! Ma vie ne se résume pas qu’à l’anxiété, mais mettons que cette bébitte-là a joué un grand rôle dans le déroulement de ma vie, de mes pensées, de ce que j’ai été, de ce je suis maintenant et de ce que je serai plus tard.