Au-delà des livres
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Être en désaccord avec la fiction

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Il y a quelques semaines, je terminais avec délice le dernier épisode des six saisons de Sex and the City, genre huit ans dans les maritimes. Ouin, il était temps, certaines me diront. Constat :  je l’ai adorée. Préalablement, je m’étais pourtant demandée si je ne me lançais pas dans une de ces séries « de filles » dont le niveau de quétainerie atteignait des sommets astronomiques et qui, de surcroit, me taperait sur les nerfs. Et bien non. J’y ai trouvé peu de défauts ou de choses à redire, je l’ai trouvée amusante et convaincante et je me suis beaucoup attachée aux personnages.

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Sex and the City, HBO

Une finale réussie

À l’issue du dernier épisode, j’étais satisfaite. J’ai trouvé la finale tout à fait réussie. Genre « all was well » à la manière des derniers mots du septième livre de Harry Potter. Je trouvais que tout se terminait pour le mieux et dans la plus grande des logiques. Mr. Big était enfin capable de dire à Carrie qu’il l’aimait et décidait de se lancer avec elle dans une relation engagée et sérieuse. Charlotte avait enfin trouvé, après un premier échec, l’homme idéal pour elle en Harry, quelqu’un d’aimant, de chaleureux et d’authentique et, ne pouvant pas avoir d’enfant, s’apprêtait à adopter. Miranda, revenue avec Steve, le père de son enfant de qui elle était restée séparée plusieurs années, s’installait malgré ses réticences à Brooklyn et se plaisait dans sa nouvelle vie de famille. Et Samantha s’attachait enfin à celui qui partageait sa vie depuis quelques temps, Jerry dit « Smith », plus jeune qu’elle mais parfait pour ce qu’elle était, désirant désormais construire quelque chose dans le long terme avec quelqu’un. Bref, « all was well ». Je veux dire, tout était comme il se devait de l’être et tout avait du sens avec ce qui avait été développé tout au long des six saisons. Tout découlait d’une grande logique. Avec finale sur un pont de Paris et promesses échangées, j’étais, je le disais, satisfaite.

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Sex and the City, Saison 6, HBO

J’ai adoré cette série. Elle est profonde malgré son sujet d’apparence léger, elle est bien menée, drôle et sérieuse à la fois. Et si elle est pleine de clichés sur les hommes et les relations, ceux-ci ne sont jamais gratuits, sous-tenus d’une réflexion plus grande faite notamment par Carrie qui, à travers ses chroniques de journaux, réfléchit sur le célibat, l’amour et le désir de s’engager. Bref, j’ai aimé cette série délicieuse, drôle, mais surtout extrêmement vraie.

Sex and the City, le film

Désireuse de trouver d’autres trucs à me mettre sous la dent, j’ai à peine attendu une semaine avant de me lancer dans le premier film, Sex and the City -Le film, sorti en salles en 2008. On ne m’avait pas dit que des éloges à son propos, mais on m’avait tout de même assuré qu’il gardait bien l’essence de la série et que tout fan ne pouvait qu’y trouver son compte.

Mise en contexte de début du film: dix ans plus tard, les quatre filles mènent leur vie. Miranda avec Steve, Samantha avec Smith, Charlotte avec Harry et sa petite fille, et surtout, Mr. Big avec Carrie. Tout va bien pour les deux amoureux depuis environ dix ans. Ils vivent ensemble, partagent leur vie, sont heureux. Ils n’en sont plus à vivre des épisodes sans fin d’on and off ou à sans cesse revenir à des conflits basés sur l’engagement ou le non-engagement, comme il a si souvent été le cas dans la série. On est content que ça se soit passé comme ça, mais c’était aussi logique : si Mr Big a dit à Carrie que oui, il se lançait, sur le pont de Paris, ben ce n’était pas n’importe quoi. On le savait. Cette fois-là, c’était pour de bon. Et les dix années passées ensemble le prouvent. Ils étaient faits l’un pour l’autre, et ils ont enfin décidé de se lancer. Pour vrai.

Au début du film, Carrie et Big décident de se marier. Ils préparent la cérémonie, malgré la soudaine réticence que ressent Big au fil des préparatifs – pour lui, il s’agirait de son troisième mariage. Bref, je vous passe les détails, mais tout ça pour vous dire que le jour de la cérémonie, Mr. Big ne se pointe pas. Il choke, peut-on dire. Il lâche Carrie qui s’apprête à descendre la grande allée en disant qu’il ne « peut pas ». Bon, genre huit minutes après, il réalise qu’il est con d’avoir agi comme ça et tente de se rattraper en revenant sur ses pas, mais c’est trop tard. Les filles sont parties, Carrie en pleurs et soutenue par ses amies. Ils se croisent en voiture et elle le frappe violemment avec son bouquet malgré qu’il essaie de lui offrir ses excuses.

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Sex and the City, Le film, 2008

Bref. Je vais m’arrêter ici pour la narration de l’histoire puisque nous avons l’essentiel. De toute façon c’est aussi là que j’ai arrêté le film. Parce que j’ai décroché, parce que j’ai trouvé ça too much, parce que je n’étais pas d’accord. Pantoute.

Ils ont fait un film et cherchaient une intrigue dramatique? Bon, ok. Et côté drame, on est en plein dedans. Mais honnêtement, quand on pense à la série et à la logique des personnages, ça n’a pas de sens. Après 10 ans, Mr. Big qui choke? Non. Parce qu’il a choké un million de fois avant, mais que c’était avant qu’il s’engage avec Carrie, sur le fameux pont à Paris. THE big shot. Pis qu’un big shot comme ça, ben ça ne s’ébranle pas après dix ans pendant dix minutes alors que t’es supposé te marier.

Être en désaccord avec la fiction

Si je vous raconte tout ça, c’est parce que suite à cet épisode de déception, je me suis demandée de quel droit on avait – « on » en tant que lecteur.trice.s ou auditeur.trice.s – de ne pas être d’accord avec la fiction. Tsé, il arrive des choses dans la vie des personnages comme il en arrive dans la nôtre et c’est comme ça. Ce n’est pas nous qui décidons. Peut-on vraiment être en désaccord avec ce qu’une série, un livre ou un film nous présente, dans le cas où il s’agit d’une histoire en elle-même dont la cohérence interne est décidée et régie par un ou une auteur.e?

Changements de supports, perte de légitimité?

Il est parfois difficile de déterminer où se trouve la mince ligne entre être bouleversé par ce qui arrive au personnage, ou être en désaccord. Peut-être que cela vient de la confiance que l’on a envers l’auteur de faire avec son histoire quelque chose de cohérent, de la légitimité que l’on lui donne? Dans le cas contraire, peut-on dire qu’on n’est « pas d’accord »? Je veux dire, dans le cas de Sex and the City, on a à faire à un changement de support, passant de la télévision à un film sur grand écran, et donc à une reconfiguration des dynamiques d’action et de personnages. Dans la série, on a l’occasion de développer une intrigue complexe qui s’étale sur plusieurs épisodes. Le film, lui, doit être un tout en lui-même – ou presque, dans l’éventualité où il y a des suites. Et dans ce cas-ci, il s’agit d’un film qui se veut un « retour de nos personnages préférés », sorte de remake/come back qui n’a pas le choix d’être autant dans la continuité que dans la nouveauté, pour satisfaire les anciens fans et rallier les nouveaux. La volonté de recréer le succès de la série ne vient-il pas un peu en effacer l’essence, puisqu’on cherche alors à trouver de « nouveaux » rebondissements qui n’auraient peut-être pas lieu d’être autrement? Perd-on une partie de la confiance dans la fiction quand on sent qu’elle n’est plus contrôlée par une main que l’on considère légitime?

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Sex and the City – Le film, 2008

Et maintenant qu’elle existe, cette suite à la série sous forme de film, puis-je volontairement décider de l’ignorer? Puis-je décider que pour moi, l’histoire s’arrête sur le pont de Paris et ne pas prendre en compte ce qui se passe après?

Le tome 8 de Harry Potter : un livre « illégitime » ?

Laissez-moi vous donner un autre exemple. J’ai eu la même réaction au moment de ma lecture du « huitième tome » de Harry Potter, de laquelle je suis ressortie franchement déçue. Et pour moi, parce qu’il n’était pas uniquement écrit par JK Rowling, mais bien « tiré d’une idée de JK Rowling », publié en dehors du cycle original et sous forme de théâtre – en plus de contenir un tas de rebondissements et de détails qui, selon moi, ne cadraient pas avec le monde de Harry Potter tel que je le connaissais – je l’ai renié. Dans le sens où, pour moi, ce livre n’est pas dans le cycle. Je ne le considère pas comme faisant partie du monde de Harry Potter. Pour moi, ce livre n’est pas légitime. Je ne lui accorde pas de poids et depuis, en gros, je fais comme s’il n’avait pas existé.

Encore une fois, le fait de ne pas en prendre compte fait-il en sorte qu’il cesse d’exister? Ce livre a été écrit, on s’entend. Puis-je l’écarter de mon univers mental en limitant le destin des personnages à ce que j’ai décidé qu’il serait?

Notre amour trop fort pour certaines fictions

Je crois qu’une partie de la réponse se trouve dans la relation que l’on développe, sur une longue période de temps, pour un livre, une série ou une fiction que l’on adore. Et pourquoi accroche-t-on autant à une histoire? Parce qu’elle vient nous toucher, parce qu’elle est bien racontée, parce qu’elle a du « sens », parce que l’univers est bien construit et qu’on y accroche fort. Bref, parce qu’on y croit. Je suis d’avis que beaucoup de notre amour pour certains livres est dû à ce fameux « pacte » tacite que l’on accorde – ou pas – à un ou une auteur.e. Je me souviens avoir lu, dernièrement, une œuvre de genre fantastique qui avait beaucoup de potentiel, mais dans laquelle je n’arrivais pas à plonger totalement parce que de nombreux éléments me dérangeaient. En fait, je n’y croyais pas. Je n’accordais pas, alors, le bénéfice du doute à l’auteur qui avait sûrement de bonnes raisons de faire agir ses personnages ainsi, ou d’amener tel bouleversement. Je trouvais juste qu’il s’y prenait mal et ça brumait ma capacité à lui faire confiance.

Mais pour des œuvres comme Harry Potter, ou dans ce cas-ci, Sex and the City, j’ai passé un pacte avec l’auteur.e, dans le sens où je remets le destin des personnages entre ses mains, et peu importe ce qu’il leur arrive, je vais le ou la suivre. Je ne suis pas obligée d’être toujours contente du traitement qui est fait de certaines situations, mais je ne remets pas en doute que ça se soit passé comme ça pour tel ou telle personnage. Je m’en remets à elle, même si ça m’attriste (la mort de Dumbledore et celle de Sirius) ou me fâche (la façon dont Aidan est parti, la non-conséquence de Mr. Big et sa trop grande légèreté). L’histoire est comme ça, c’est tout.

Mais alors que se passe-t-il quand même l’auteur.e n’a plus de crédibilité?

Dans les deux cas qui me préoccupent, cela se passe principalement par un changement d’auteur.e et de support. La télé vers le cinéma, le roman vers la pièce de théâtre, ainsi que par une remise en forme, par l’avènement d’un nouveau produit « pas tout à fait » cohérent. Et comme on sent que ce n’est pas réussi, que ça s’éloigne trop de l’essence de ce que ça a été précédemment, bien on décroche et on arrête d’y croire. Et on se cache la tête dans le sable en disant que ces suites illégitimes n’ont jamais existées. Est-ce d’être trop puriste d’écarter les œuvres un peu déviantes?

Et vous, qu’en pensez-vous? Pouvons-nous être en désaccord avec la fiction?

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