Vous souvenez-vous de cette douce époque où nous allions à la petite école sans nous soucier du monde extérieur? On vous appelait affectueusement par votre prénom et on s’attardait sur votre cas s’il y avait la moindre difficulté. L’école débordait de ressources et si, par malheur, on avait oublié notre boîte à lunch pour manger ce midi, on nous en fournissait une. Il y avait des professeures dévouées, des éducatrices soucieuses et des spécialistes prévenantes. L’école est une institution fondamentale pour l’instruction et l’éducation, et pourtant.
Aujourd’hui, il est pressant — ou urgent — de parler du futur de notre système d’éducation. Celui-ci se retrouve dans un étau qui se resserre dans la succession des gouvernements. L’éducation est en train de suffoquer pour diverses raisons : coupes budgétaires, précarité des enseignants, industrialisation de l’éducation. Pour ne nommer que ces causes, car elles sont nombreuses. Depuis cette vague d’austérité, nous avons vu des chaînes humaines pour protéger les écoles primaires. Comment en sommes-nous arrivés là? La professeure en philosophie Joëlle Tremblay démystifie toute cette confusion collective dans L’inéducation.
Libre d’apprendre, à condition de sacrifices
Nous avons un choix à faire de nos jours : dettes ou ignorance. Cela fait environ 15 ans, peu importe le parti au pouvoir, que le Ministère de l’Éducation asphyxie le système public. À force de recevoir successivement des coups de hache, le démantèlement du système éducatif se produit. Lentement et sûrement. Joëlle Tremblay met en lumière certaines conséquences de l’idéologie utilisateur-payeur :
Les budgets d’enseignement du nombre d’inscriptions dans un programme. En d’autres mots, plus un programme aura un nombre élevé d’inscriptions, plus le budget pour le programme sera avantageux. Une somme sera accordée à un établissement pour chaque inscription ainsi que pour chaque diplôme obtenu. Pendant ce temps, les institutions publiques se retrouvent à faire des choix de gestionnaires : la fermeture des postes d’enseignants et de professeurs après le départ pour la retraite, la perte de ressources structurelles et matérielles, les nouvelles conditions qui entretiennent la précarité de nos pédagogues. Tout cela nous mène à l’industrialisation du savoir. Dorénavant, l’éducation n’est plus une priorité pour le gouvernement et ceux qui l’ont précédé, comme souligne l’auteure, nous assistons au désengagement de l’État. Du côté du secteur privé, celui-ci est subventionné à la hausse, d’année en année.
Les contribuables ne peuvent pas payer plus pour l’éducation — déclaration du ministre de l’Éducation en septembre 2015 pour justifier les coupes, qu’ils nommeront la rigueur des temps actuels.
Notre pouvoir pour le futur
Nous l’avons constaté, le Ministère de l’Éducation brandit sans cesse l’état de notre système éducatif avec un drapeau rouge, un état d’urgence pour répondre aux besoins du marché. Nous avons assisté à ces coupures, ce serrage de ceinture collectif, le démantèlement d’un de nos tissus sociaux. Joëlle Tremblay fait un drôle de constat sur ce fameux marché en perte de ressources constante, car ce dont nous avons besoin dans les années à venir, ce sont des esprits rigoureux et souples qui peuvent répondre rapidement à des enjeux complexes. Sans discréditer la formation technique et spécialisée, elle ne doit pas devenir une hyperspécialisation se refermant sur elle-même. La culture générale est un point d’ancrage dans la complexité.
La qualité de l’enseignement doit reprendre ses couleurs d’autrefois. Il est temps que nous revenions à une formation de l’enseignement en hausse avec une forte culture générale et que nous offrions de nouveaux outils techniques à utiliser en classe, selon l’auteure, sans forcément se replonger dans un enseignement rigide et classique.
Pour préserver l’éducation pour nos enfants, les futures générations, il est temps de passer à l’action. Se poser la question : « Quel avenir souhaitons-nous pour notre système éducatif? » Il faudra agir dès maintenant, ensemble. Parents, enseignants, étudiants et membres de la direction. L’éducation est un pilier, il en va de la survie de notre société.
L’importance de s’informer et de réagir
Cet essai a été une véritable révélation pour moi. En tant qu’étudiante dans une quelconque discipline, la réflexion de Joëlle Tremblay m’a poussée à réfléchir à mon rapport avec le système scolaire. En lisant (pour ne pas dire dévorer) ce petit ouvrage, j’ai été heureuse de voir que nos professeurs sont prêts à prendre la parole et à se battre au front pour le droit à une meilleure éducation. Cela m’a infligé un sentiment de révolte, un sentiment d’urgence et le devoir d’agir rapidement avant que toutes les solutions soient épuisées. Je me suis sentie désemparée et choquée de l’indifférence que nous éprouvons au regard des réformes robotiques pour nos futures générations, qui seront peu cultivées et ainsi ne feront que répondre à des services précis. En ce moment, la mission de notre système éducatif est de former de futurs travailleurs pour des services particuliers, tout en se désengageant dans la connaissance de culture générale, qui semble inutile. À mon avis, le premier message qu’on devrait recevoir, c’est d’étudier dans ce que nous aimons. Il faut redonner la place à la culture générale, briser l’élitisme intellectuel et donner accès à la connaissance à ces gens sur les bancs de l’école.
Si le gouvernement poursuit sa douce destruction du système éducatif, quel serait l’intérêt de lire? Notre rôle, en tant que collaboratrices de ce blogue, n’aurait plus d’importance. Notre mission au Fil rouge est d’offrir des lectures qui font du bien. Alors, lire cet essai est un indispensable pour ouvrir notre esprit et comprendre ce qui se trame dans ces fameuses lois qui ont des impacts sur les citoyens. Il est temps que nous ramenions les actions sur la table, dans les discussions, et avec enthousiasme. Ce livre m’a invitée à mieux comprendre ce qu’on couvre par des termes compliqués pour exclure le public peu familiarisé avec la novlangue du système, une des grandes problématiques de notre société. Il est toujours possible de se donner une parole dans ces débats.
Et vous, que pensez-vous de l’avenir de notre système éducatif?
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