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La chute d’une société : Maître Glockenspiel de Philippe Meilleur

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Lauréat du prix Robert-Cliche en 2017, Philippe Meilleur présente un premier roman digne du journaliste satirique en lui. Fondateur du site Le navet, il possède une facilité déconcertante à parodier le monde qui l’entoure. Son œil aguerri de journaliste lui permet de critiquer socialement, dans son roman qui tend vers l’allégorie, l’univers dans lequel nous vivons.

Créé en 1979 pour honorer la mémoire du grand avocat, juge et homme politique disparu l’année précédente, le prix Robert-Cliche, le plus prestigieux de la relève du roman québécois, a aidé à lancer de brillante façon la carrière de plusieurs auteurs importants de notre littérature.

Maître Glockenspiel est plus qu’un miroir sociétal, c’est une dystopie totalitaire qui a la capacité de nous faire réfléchir sur notre monde. Dès les premières lignes, on se demande dans quel univers on vient d’atterrir.

« Si Maître Glockenspiel rêvait depuis longtemps d’être assassiné, l’envie n’avait jamais été aussi forte qu’aujourd’hui. Perché au balcon du dernier étage de son palais, l’empereur astiquait sa bombe nucléaire préférée, Klaria. »

Maître Glockenspiel…

Personnage plus grand que nature, gorgé de tous les clichés du haut dignitaire, Glockenspiel règne sur son pays avec une main de fer, en bon despote mégalomane qu’il est. Néanmoins, je me suis attachée d’une certaine façon à ce personnage haut en couleur, un anti-héros qu’on prend plaisir à détester. De plus, le portrait dressé du pays lors de la lecture est bien inquiétant: vers où Glockenspiel mène-t-il son monde?

Les usines sont créatrices de richesses en extrayant des litres de sueur des employés écrasés dans des machines à pression; les décisions importantes sont prises lors de combats de lutte scénarisés sur lesquels la population désabusée n’a aucun pouvoir, combats beaucoup moins honnêtes et intègres que dans le passé; l’armée surveille les frontières et est menée au front dans des combats de nature douteuse.

Évidemment, on rêve de le destituer et un plan pour renverser cet empereur colérique se prépare donc.

… et les autres

Atout intéressant du roman, la multiplicité de la narration nous permet d’obtenir différents points de vue sur la façon dont vivent une panoplie de personnages dans ce pays au bord du gouffre. Tyler, agent de notification mortuaire qui devient lutteur pour les prolétaires, qui en a assez d’être un rouage dans une machine à broyer; Adélaïde, un caillou spatial; John R. T.S. Smithson Sr, un riche industriel qui ne se sent en sécurité que lorsqu’il est dans un meuble recouvert de miroirs qui projettent son reflet à l’infini; Ursula, une artisane légendaire, confidente du Maître et créature du fond des mers;  El Diablo et Valentina, des soldats ennemis qui s’allient;  Rufus Z., intellectuel, ancien professeur d’éthique.

Mes deux préférés sont définitivement Xanoto et l’Artiste. Xanoto, le sous-fifre de l’empereur et inquiet de la tournure des événements, décide de prendre les choses en main. L’Artiste nous rappelle le rôle de l’écrivain:

« En tant qu’écrivain, son rôle était d’absorber les rêves et les préoccupations de sa société pour l’aider à se comprendre elle-même. Il devait être le témoin vers qui l’Histoire se tournerait pour analyser son époque. »

Philippe Meilleur, par l’Artiste, nous livre l’effet désiré de l’oeuvre: analyser notre époque, la comprendre pour mieux la repenser. De cette lecture, on en ressort certainement amusé de l’absurdité des situations, mais surtout empli d’un éclairage nouveau sur notre sort entre les mains de nos dirigeants.

Connaissez-vous d’autres œuvres dystopiques qui vous ont amené à réfléchir sur notre société d’aujourd’hui?

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Vanessa est prof de littérature dans un p'tit cégep de région. Ce qui l'épanouit, c'est d'être près d'une bibliothèque où les tablettes rondissent sous le poids de ses lectures, d'une table de chevet trop encombrée, d'une grosse douillette de loup avec un café et un signet qui a vu défiler les années. Vanessa en mange matin, midi, soir, entre amies, entourée d'étudiants, seule ou au club littéraire de son village. Toutefois, elle considère qu'il ne faut jamais forcer la lecture et qu'un livre se doit d'être lu au moment opportun. Elle comble le tout de cinéma, de séries télévisées (avec un faible pour celles américaines), de sports et de son chien Mika (une labrador noire trop énergique, mais juste bien colleuse quand c'est le temps). Et oui, elle a bel et bien 389 livres dans sa liste de souhaits Renaud-Bray et ça n’inclut pas ceux de sa PAL.

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