C’est à la petite salle Claude-Léveillée de la Place des Arts que je me suis retrouvée, pendant le Festival international de littérature, pour la lecture de la pièce La liste de Jennifer Tremblay. Le titre m’était familier pour l’avoir entendu ici et là – l’oeuvre, publiée en 2008, a en effet reçu plusieurs prix et s’est distinguée dès sa sortie -, mais sans plus, et c’est donc principalement la curiosité qui m’a poussé à m’y rendre. Je n’avais aussi jamais assisté à des lectures publiques d’œuvres comme je m’apprêtais à le faire.
Je m’installe discrètement dans la salle. Les gens qui m’entourent, je le remarque rapidement, sont pour la plupart des proches de l’autrice. Il y a ses amies et amis, des collègues, le traducteur et la traductrice de son oeuvre en anglais et en espagnol, sa famille, ses fils, son éditeur, des critiques, d’autres auteurs et autrices, etc. Je me sens au sein d’une grande famille dans laquelle tout le monde se connaît. L’atmosphère est chaleureuse et la salle, intime, s’y prête parfaitement.
L’oeuvre n’est pas une pièce de théâtre à proprement parler, mais elle s’y apparente par sa forme qui ressemble à un monologue. L’oeuvre a d’ailleurs été jouée comme tel en 2010 au Théâtre d’aujourd’hui, avec la comédienne Sylvie Drapeau. Par ailleurs, le texte littéraire demeure un « récit théâtral » (selon l’appellation qu’on lui donne sur le site de plusieurs librairies), mais de forme hybride, qui tient aussi du journal intime et de la liste d’épicerie. Cette année, dans le cadre du FIL, il est proposé d’entendre l’oeuvre lue par l’autrice elle-même et pour l’évènement, celle-ci était accompagnée du musicien Jean-François Boisvenue.
La liste, c’est par la voix d’une mère de famille qu’on y entre. À travers des descriptions de son quotidien, des réflexions, des souvenirs et, surtout, des listes qui ponctuent le texte du début à la fin, l’oeuvre dresse le portrait d’une femme fatiguée et insatisfaite de son quotidien. Plusieurs tabous y sont abordés, ce qui en fait une oeuvre parfois choquante et dérangeante. Par exemple, les problématiques liées à la maternité et au statut de mère sont au cœur du propos, comme au moment où la narratrice avoue que parfois, pour une simple minute, elle ne veut plus de ses enfants. L’oeuvre aborde aussi les questions de la solitude et du mal-être, ainsi que celle de la culpabilité qui ronge. Car ce qui sous-tend l’histoire est la mort de cette amie, une mère chaleureuse et aimante, par une erreur médicale dont la narratrice se sent partiellement responsable.
La lecture que fait Jennifer Tremblay est froide, avec des dessous de colère, mais c’est ce qui la rend fluide et juste. Le ton – travaillé avec le metteur en scène Gaétan Paré – permet à la fois de comprendre le personnage et d’avoir accès à ses émotions. De plus, l’autrice se livre facilement au public et nous offre ses mots avec générosité, nous faisant facilement entrer avec elle dans l’histoire. La fin m’a laissée – moi et plusieurs autres personnes du public – bouleversée, les larmes au visage. J’aurais voulu que la soirée se prolonge, mais la pièce, d’une heure et des poussières, s’arrête. Une fois la lecture terminée, une discussion entre Jennifer Tremblay et l’animatrice Claudia Larochelle permet de prolonger quelque peu la soirée, de partager nos impressions et d’en savoir plus sur le processus créatif derrière la performance.
C’était peut-être là, au Festival international de littérature, une occasion unique d’entendre Jennifer Tremblay lire son propre roman. Si les performances théâtrales tirées de son oeuvre doivent être excellentes – elle nous mentionnait entre autres que la pièce jouait présentement dans les pays scandinaves – j’ai trouvé encore plus intéressant et touchant de découvrir les mots de l’autrice par sa propre lecture à haute voix. Je me disais qu’il ne pouvait y avoir lecture plus vraie que celle offerte par sa créatrice.
Avec son talent de lectrice, je souhaite plus que tout que Jennifer Tremblay lise à nouveau. En attendant, je vous conseille à toutes et tous d’aller à la découverte de son oeuvre par l’intermédiaire du papier comme je vais me dépêcher de le faire moi-même.
Avez-vous déjà participé à une lecture publique d’un texte littéraire?
Je tiens à remercier le Festival international de littérature pour le billet de presse.
J’avais vu la pièce avec Sylvie Drapeau, comédienne extraordinaire qui a si bien rendu les mots de « La liste ». Comme mère, je me suis tellement reconnue dans mes contradictions et comme je suis la reine de la liste sans en voir jamais la fin, cette oeuvre m’a touchée. Ça me donne envie de relire le texte. Merci Marion.
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