Le Salon du livre de Montréal a pour moi toujours été une expérience surréelle. Voir tant de gens réunis pour une industrie qui peine à subsister me remplit toujours de fierté. Cette année, fidèle à mon habitude, je me suis pitchée dans le tas et je me suis laissée guider par ce que j’appelle mon instinct littéraire – instinct qui, disons-le, m’a rarement déçue. Au tournant d’un kiosque, j’ai reconnu au loin l’esthétique de Lino, l’un de mes illustrateurs préférés. En quatrième de couverte, cette phrase : « J’apprends aux pierres le mot aimer. » J’étais conquise.
La haute gastronomie littéraire
Un feu me hante de Jean-Marc La Frenière et illustré par nul autre que Lino fait partie de ces recueils qui changent une vie. Il se doit d’être lu lentement et chaque mot doit être dégusté comme on dégusterait chaque bouchée d’un mets gastronomique. Je vous laisse ici un extrait qui saura, je l’espère, vous mettre l’eau à la bouche.
« Il y a trop d’hommes avec la tête en majuscule et puis le cœur en minuscule, avec le rêve en pointillé et l’espérance en parenthèse. Ils croient voler en se montant la tête. La sensation du plein ne prouve que le vide. Demain est une promesse. Hier est un regret. Le temps n’a pas de montre mais des conjugaisons. D’autres vies sont possibles, d’autres mots, d’autres gestes. Il y a tant de routes pour un pas, tant de caresses pour un doigt, tant de langues pour un mot. Peu importe les pays, les frontières, nous sommes de partout. Le rêve n’a pas d’adresse pour recevoir son courrier. Le vent n’exige pas de nom pour caresser la peau. Le fleuve sort du lit sans demander sa route. »
La magie des mots
Je suis au départ une amoureuse de la prose littéraire et c’est la forme que La Frenière a choisi d’adopter pour mon plus grand plaisir. Ses mots poignardent et apaisent, un paradoxe des plus inusité. Il sait parler du banal en le rendant primordial. Parler du dur et le rendre doux. Il a une façon de jouer avec les mots qu’il m’a rarement été donné de voir.
Je dois l’avouer, ce fut un coup de foudre. C’est une lecture absolument majestueuse, qui m’a fait autant de bien à l’âme qu’une longue discussion emmitouflée dans une couverture chaude avec ma meilleure amie. Lino a su illustrer de magnifique façon les mots de La Frenière et a rendu sa prose encore plus parfaite, plus vivante. Ils abordent des sujets tels que l’amour, la peine, la joie et l’introspection, formant un mélange parfait de thèmes qui semblent pourtant aux antipodes les uns des autres.
Ce recueil est pour tous ceux qui, comme moi, aiment s’immerger dans l’esprit d’un autre, dans son fil de pensées qui illustre autant nos différences que nos ressemblances. Il est pour tous ceux qui aiment prendre leur temps, dévorer lentement une œuvre et en apprécier chaque parcelle, chaque mot, chaque illustration. Pour tous ceux qui aiment les mots et toute l’émotion qui peut en découler.
Et vous, quelle a été votre trouvaille au Salon du livre?