J’ai décidé de terminer l’année avec une lecture-cadeau. Une série que j’étais certaine d’apprécier, car je l’avais déjà lue. Une écriture qui se lit facilement, mais une histoire qui n’est pas nécessairement facile, avec des thèmes délicats et des moments crève-cœur. Je me suis donc replongée dans l’œuvre de Marie Laberge, avec la série Le goût du bonheur, comprenant les tomes Gabrielle, Adelaïde et Florent.
La trilogie
Si je pouvais décrire cette série entière en un seul mot, j’y irais d’abord avec «évolution». Elle montre l’évolution des croyances, des mœurs et de la vie en général au Québec, entre les années 1930 et 1967. Ce sont des années très chargées, qui ont profondément changé le Québec. L’accent est notamment mis sur la lutte des femmes pour obtenir une place plus importante dans la société et dans les mondes économique, politique et social. Les deux premiers tomes se concentrent beaucoup sur cette idée, avec des personnages principaux féminins très forts, soit Gabrielle, puis sa fille, Adelaïde.
Un deuxième terme pour décrire cette série serait «comparaison». Les trois tomes comparent plusieurs groupes de personnes, notamment les francophones et les anglophones, les riches et les plus pauvres, les hommes et les femmes, les gens attachés au passé et ceux qui se tournent vers l’avenir. La série comporte de nombreux personnages venant d’horizons très différents, dont la tante qui a toujours les mêmes valeurs conservatrices que l’Église, l’ami anglophone né sans beaucoup de moyens qui est devenu un homme d’affaires prospère, la collègue revendicatrice et réformiste, et l’associé juif et anglophone qui tente de faire carrière dans un milieu francophone. Tous ces personnages brossent un portrait très réussi et diversifié de ce à quoi pouvait ressembler le Québec à l’époque. La population était à la fois composée de personnes très ouvertes, innovatrices et d’autres, encore très attachées à l’Église catholique, et aux droits et devoirs dictés par cette institution, qui avait beaucoup d’emprise sur la société francophone. Cette polarité est particulièrement bien représentée dans les romans.
Enfin une représentation positive
Un aspect que j’ai particulièrement apprécié, dès le début du premier tome, est la représentation d’un mariage réussi au début du XXe siècle. Bien souvent, les fictions montrent des mariages de raison, ne comprenant ni amour, ni passion, ni même affection. Gabrielle, l’héroïne du premier roman, et Edward, son mari, brisent ce stéréotype en formant un couple des plus heureux. Malgré tout, leur bonheur et leur bonne entente n’ont jamais fait l’affaire de tous, Edward ayant des origines américaines qui dérangent la famille de Gabrielle.
De plus, comparativement à bien des romans prenant place à cette époque où l’Église régit plusieurs aspects de la vie des Québécois, les femmes ne se contentent pas de la place qui leur est destinée par la société et sont même encouragées par leurs maris, frères et amis. Ce soutien, qu’il fait bon de lire, les amène à faire de très belles choses, notamment ouvrir un centre pour les enfants défavorisés, ouvrir un préventorium pour sauver ceux qui sont à risque de contracter la tuberculose, qui fait des ravages dans la population, et informer les femmes des moyens de contraception qui s’offrent à elles, dans le plus grand des secrets.
Les liens qui unissent les personnages rendent la lecture très intéressante, car les romans présentent également des relations amoureuses, amicales et familiales très diversifiées, singulières et, parfois, dérangeantes.
Trois tomes, trois personnages différents
Les trois composantes de cette trilogie sont représentées par un personnage, qui est mis de l’avant. Ils ont tous des traits de caractère qui les avantagent, mais leur apportent également certains soucis. Dans le premier tome, Gabrielle est un exemple de bonté et de grandeur d’âme. Par contre, son extrême générosité l’amène à prendre des risques énormes et à mentir pour aider les personnes qu’elle aime. On découvre dans le deuxième tome une Adelaïde devenue une femme courageuse, indépendante et décidée. Ses qualités lui servent beaucoup, mais font également en sorte qu’elle préfère rester secrète plutôt que de s’arrêter et de demander l’aide dont elle aurait parfois besoin. La trilogie se termine avec Florent, un être sensible qui a longtemps cru ne pas avoir droit au bonheur. Alors qu’il excelle dans sa profession, sa vie personnelle est mise de côté pendant qu’il se démène pour aider ceux qu’il aime et considère comme sa propre famille.
Une lecture enlevante
Lorsque j’ai lu cette série pour la première fois, j’ouvrais le bouquin à la moindre occasion: en déjeunant, si j’avais quelques minutes avant de quitter pour l’école, dans l’autobus; et je me réservais un bon moment pour lire avant d’aller dormir. J’ai relu quelques années plus tard ces trois livres avec la même envie, le même empressement. On entre certainement dans le quotidien de cette famille, dont on adore certains membres et déteste certains autres. Les vies des personnages sont pleines d’événements marquants, de bonnes et de moins bonnes surprises, qui m’ont encore consternée lors de ma deuxième lecture. Je recommande d’avoir le deuxième tome à portée de main en terminant le premier, car la finale n’est pas tranquille!
Bref, l’une des grandes forces de cette trilogie, selon moi, est la façon dont elle montre toute la diversité qui était présente à l’intérieur du peuple québécois dans les années 1900. Quel autre auteur réussit aussi bien que Marie Laberge à dépeindre les disparités présentes dans une société?
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