Trop souvent, on entend parler de mauvaises adaptations qui ne respectent pas l’œuvre originale. C’est bien connu, lorsqu’on touche à un grand morceau de la culture populaire, le fandom est toujours sur la défensive. Et avec raison. On ne veut pas que notre univers imaginaire soit brisé. Mais pour vous rappeler qu’il n’y a pas que des adaptations outrageuses, j’avais envie de vous en présenter une qui, selon moi, est particulièrement bien réussie. Il s’agit d’Entretien avec un vampire, d’Anne Rice, adapté en BD par Ashley Marie Witter.
Premier roman de la série « Chroniques des vampires », Entretien avec un vampire nous raconte comment Louis est devenu une créature de la nuit et comment il a vécu avec son mentor Lestat en Louisiane à la fin du 18e siècle. Lorsque Louis ne peut plus supporter les caprices de son maître, il songe à l’abandonner ou à mourir. Mais Lestat, qui est un vampire beaucoup plus vieux, sait parfaitement qu’il ne peut vivre seul à cette époque où tout le dépasse. C’est pour cette raison qu’il décide de commettre l’impensable en transformant une enfant en vampire afin que Louis n’ait d’autre choix que de rester pour s’en occuper.
C’est à cet instant que commence l’adaptation graphique : lorsque Claudia se réveille dans une chambre d’hôtel et que Lestat l’oblige à boire son sang. Si le roman est raconté par Louis, la BD nous offre le point de vue de Claudia. On suivra l’enfant-vampire alors qu’elle devient une femme emprisonnée dans le corps d’une fillette. Elle développe un lien particulier avec son père Louis, et cet attachement se transforme rapidement en amour passionnel. Or, sa condition physique lui cause maintes frustrations : on la traite comme une enfant ou une poupée, elle n’est pas aussi forte que ses deux pères et elle n’aura jamais les attributs d’une femme mature.
Grâce à l’histoire, la narration et le côté graphique, ce livre est un petit bijou en soi. Les illustrations ajoutent énormément de valeur à cette œuvre déjà acclamée par les fans d’Anne Rice. Ashley Marie Witter a bien représenté la beauté sombre de ce récit. Les planches sont toutes dans les tons de sépia, à l’exception de quelques touches de rouge à l’occasion pour faire ressortir la couleur du sang. Elle a su dessiner les traits de Claudia de façon à ce que son esprit mature se démarque de son apparence d’enfant. À certains moments, on croirait que la fillette grandit, mais il ne s’agit que de jeux de perspective. L’ambiance qui se dégage des images est tout aussi gothique que celle que l’on retrouve dans l’univers d’Anne Rice.
Pour ce qui est du scénario, il demeure très fidèle au roman. Certaines scènes sont illustrées exactement comme elles sont décrites dans le livre. La principale différence réside dans la narration. Les dialogues sont presque identiques à ceux de l’histoire originale, mais la narration a dû être adaptée pour faire parler Claudia et dévoiler ses intentions. Si, dans le roman, Louis est un romantique constamment déchiré entre son humanité et sa nature prédatrice, dans la BD, Claudia est un esprit rebelle déterminé à assouvir ses désirs. Elle a tout oublié de sa très courte vie de mortelle. Même si la voix change, le vocabulaire reste tout aussi élaboré. J’ai parfois eu du mal à différencier l’écriture d’Anne et celle d’Ashley.
Que ce soit parce que vous connaissez déjà l’œuvre d’Anne Rice ou parce que vous aimeriez vous y initier, je recommande Claudia’s Story à tous les amateurs de fantastique gothique. Je sais qu’il n’est pas facile à trouver, mais il est encore disponible en anglais chez certains libraires en ligne ou en français en version numérique. Pour moi, cette adaptation est une réussite. C’est une belle incursion dans l’univers de celle qu’on appelle la reine des vampires.
Et vous? Connaissez-vous des adaptations BD qui rendent bien hommage à l’œuvre originale?