Littérature québécoise
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Cette maison : Un roman de maison hantée subversif

Je l’avoue : on dit toujours de ne pas choisir un livre pour sa couverture, mais c’est totalement ce que j’ai fait avec ce roman de David Mitchell. Au départ, j’ai été un tout petit peu déçue : je n’avais pas réalisé que je m’embarquais dans un roman traduit. Habituellement, j’aime bien lire les romans dans leur langue originale… Et puis, la déception est partie comme un coup de vent dans Slade Halley. Je suis tombée dans le piège, et je dois dire que le roman ne m’a pas fait long feu!

La quatrième de couverture de Cette maison décrit le livre comme une « histoire de maison hantée nouveau genre où pastiche, humour et terreur se mélangent », et je crois qu’on peut difficilement mieux décrire ce genre parfaitement unique.

« Je me représente les fœtus que Jonah et moi avons été, nous partageant l’utérus de Nellie Grayer, il y a cent seize ans; et à nos corps natals, qui se partagent la lacune depuis huit décennies. « Lui » est le nom d’un étranger; un amant est d’abord un « vous », puis un « nous »; mais Jonah, lui, est la moitié d’un « je ». »

Sur Slade House

Slade House est une ancestrale maison qui n’apparaît que tous les neuf ans, et encore, seulement à ceux qui possèdent le don. Elle se situe au détour d’une ruelle et elle est l’archétype de la maison d’horreur par excellence : une grande demeure, de grandes fenêtres, de longs escaliers avec des portraits qui changent pour ressembler à ceux qui les parcourent…

Dès le début, autant par son visuel que par sa quatrième de couverture, le roman s’affiche comme une histoire de fantômes. S’il ne fait franchement pas peur (j’avoue que j’ai été un peu déçue de ce côté-là, je m’attendais quand même à quelques frissons), il dépeint néanmoins l’humanité dans toute son horreur, et les fantômes qui l’habitent n’en sont que plus captivants.

Si le décor de l’histoire rappelle effectivement l’histoire d’horreur, je trouve néanmoins que l‘appellation y est un peu trop forte. L’écriture tient plus de l’humour et de la légèreté que de l’horreur : le style y est carrément pastiché. Mais même si je ne suis pas d’accord avec l’étiquette « histoire d’horreur » qu’on lui a apposé, je considère ce livre comme un tour de maître. Ce n’est pas chose aisée, à mon avis, de prendre un tel style d’histoire et de le tourner à sa main, et David Mitchell l’a réussi avec brio. J’ai été immédiatement happée par l’intrigue, tournant sans cesse plus vite les pages tellement j’avais hâte de satisfaire ma curiosité et de savoir tout le comment du pourquoi! Plus le roman avance, et plus il soulève des questions auxquelles il ne répondra qu’au compte-gouttes. C’est d’ailleurs ce qui crée un suspense juste assez bien dosé pour ne pas être trop agressant, mais qui empêche le lecteur de vouloir passer à autre chose.

Sur les personnages

David Mitchell a une plume qui séduit, qui enchante les mots et qui permet de construire une image très vive des personnages dans l’esprit du lecteur. J’ai habituellement beaucoup de misère à m’attacher aux personnages d’un roman lorsqu’il y en a trop, et plus encore lorsque la narration est au je, mais ici, les personnages sont si bien construits qu’il n’y a pas de confusion possible entre eux.

D’ailleurs, ce que j’ai adoré, c’est que, passé la première partie (il y en a cinq en tout, chacune étant concentrée sur la vision d’un protagoniste différent et séparée de la suivante par neuf ans), les cartes sont mises sur table : on sait que les jumeaux Norah et Jonah sont de « méchantes » personnes qui s’amusent à voler l’âme de leurs visiteurs, et on sait que chacun des protagonistes rencontrés n’y survivra pas. En peu de temps, peu de mots, l’auteur parvient à faire en sorte qu’on s’attache à ces derniers, mais en même temps, pas trop – parce qu’on sait qu’ils vont mourir. C’est aussi ce qui nous permet de ne pas en vouloir à l’histoire de les sacrifier : on nous les fait aimer juste assez pour être fâché, vouloir en savoir plus, espérer que la fin nous venge, mais pas assez pour être réellement triste. Un parfait dosage d’amour-haine qui sert très bien le récit!

La notion de jeu

Ce que j’ai notamment adoré dans ce livre, c’est la dimension légère et l’aspect joueur qui transparaît à chaque instant. Il y a une double notion de jeu, qui se traduit à la fois dans l’histoire et dans la façon dont cette dernière s’articule.

Au sein même du récit, Norah et Jonah, les jumeaux « vampiriques », s’amusent à tourmenter leurs proies à coup d’illusions et de tours de passe-passe. La lecture en devient kaléidoscopique, colorée et surréelle, et le lecteur se demande (à l’instar des protagonistes) ce qui se passe, ce qui est réel ou ne l’est pas. Puisque l’univers narratif se situe dans le fantastique, en tant que personne rationnelle qui lit l’histoire, on est constamment en train de se demander si ça se passe réellement ou si ce n’est qu’une illusion.

En jouant avec les mots et les impressions qu’il en crée, David Mitchell transforme sous sa plume les antagonistes en véritables monstres des temps modernes. L’auteur joue avec ses lecteurs comme les jumeaux jouent avec leurs visiteurs, jusqu’à leur voler leur âme. Le temps d’un roman pour nous, le temps d’une vie pour eux…

Au niveau du style, l’écriture de David Mitchell est donc un vrai bonbon pour les yeux. La voix du roman est forte et bien définie, le style joue sur plusieurs tableaux à la fois sans jamais tomber dans le cliché ou le surfait, et le tout est si bien tissé qu’à défaut de provoquer des frissons, il tient néanmoins en haleine du début à la fin. À mon sens, Cette maison est un vrai jeu de maître : je me suis rarement sentie aussi divertie en lisant un roman! À lire sans plus attendre…

Et vous, quel roman vous a surpris par son genre subversif?

 

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