C’est il y a deux ans, au Salon du livre, que j’ai remarqué ce livre pour la première fois. Je trouvais la couverture vraiment belle et ça m’a tout de suite attirée (oui, oui je fais partie de cette gang de gens-là!). Malgré la tentation, il m’a fallu un an de plus pour finalement me décider à l’acheter, un Salon du livre plus tard. Comme si ce n’était pas assez long, il m’a bien fallu six mois avant de m’y mettre, faute de temps. Mais bon, tout ça, c’est du passé, tout autant que la lecture de ce premier roman de l’auteure Brigitte Pilote (qui a aussi écrit Motel Lauraine ).
Même si c’est dans le passé, je n’ai pas totalement oublié l’existence de ce roman: c’est bon signe! C’est court (156 pages), alors ça se lit facilement en une soirée. Dans le cas de cette œuvre, la longueur n’est aucunement signe d’un manque de péripéties, il aurait été plus long que j’aurais probablement perdu le souffle avant de l’avoir terminé.
Voici la quatrième de couverture, question d’avoir une petite idée de ce dans quoi vous vous embarquez .
1974. Jeanne, fillette dotée d’un verbe coloré et d’une impitoyable lucidité, refuse d’être une enfant, le nom que les adultes donnent à leur progéniture « pour nous rapetisser au lieu de nous élever » elle aspire à devenir un grand homme comme Jésus Christ et Jacques Cartier, avec qui elle partage ses initiales, ou encore comme ce rescapé des camps venu libérer les femmes d’ici. Confrontée aux adultes peu responsables qui peuplent son univers, Jeanne apprendra à oublier sa petite personne pour cultiver le devoir de mémoire.
C’est donc l’histoire de Jeanne, une enfant qui nous raconte sa vie de façon à la fois ludique et naïve, elle n’arrête pas deux secondes et aspire à de grandes choses.. Ses interrogations sur la vie, sa vision et son histoire apportent nous donnent le sourire de par la grandiose caricature utilisée par l’auteure, il n’est aucunement question de demi-mesure. Alors que la première partie du roman nous plonge dans le quotidien de Jeanne et de sa famille; dans la deuxième, on change complètement d’univers quand ses parents décident d’aménager dans une commune un peu sectaire à tendances très « new age ». Plus le roman avance, plus l’histoire devient rocambolesque, plus on a le souffle court et plus on entre dans la vision de Jeanne qui, avec son regard d’enfant, nous fait entrer dans son monde comme si tout était normal, alors que rien ne l’est. Dans la troisième partie, ça devient un peu trop absurde. Un cinéaste américain vient faire un reportage sur Jeanne, elle devient alors enfin connue, du moins c’est ce qu’elle espère.. Pourrait-elle enfin être un grand homme?
Je crois que c’est un livre à lire lorsque vous voulez prendre une pause, le temps d’une soirée. C’est un livre qui amuse, qui captive, et ce, même s’il essouffle et s’il se perd un peu dans une absurdité narrative qui n’est, à mon avis, pas nécessaire .
Le personnage de Jeanne est attachant et ses réflexions sont à la fois matures, perspicaces, mais appartiennent tout de même à une enfant. Jeanne ne comprend pas tout, bien qu’elle aimerait le nous le faire croire, et certains sujets plus lourds sont abordés avec une telle naïveté et une incompréhension qui les rendent presque moins lourds.
Les deux premières parties avaient si bien débuté que j’ai été un peu déçue de la tournure lors de la troisième. J’ai eu l’impression que le cinéaste sortait de nulle part et qu’il y aurait eu bien d’autres façons de finir l’histoire de Jeanne. Par contre, l’écriture est, à mon avis, rafraichissante. Le ton et la construction des mots redonnent au récit le petit coup de pouce dont il avait besoin.
P.S : Juste un petit clin d’œil , je suis présentement en pleine lecture du roman Mémoire d’une jeune fille rangée de Simone de Beauvoir et, en refeuilletant ce livre pour cette critique, je n’ai pas plus m’empêcher de sourire aux nombreux clins d’œil que Brigitte Pilote fait au roman de De Beauvoir. Le titre, la structuration du roman en partie, la soif de connaissance des deux personnages et, plus que tout, le fait que les deux personnages ne se considèrent pas, et ne veulent pas être considérés, comme des enfants.
De plus, le roman de Brigitte Pilote commence avec cette célèbre phrase: « On ne naît pas enfant, on le devient »! Je trouve que ce sont de très beaux liens, peut-être même mis pour faire un certain hommage à Simone de Beauvoir ?