Bibliothérapie
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Éloge de la radinerie

Ou comment se réconcilier avec son côté cheap. Parce que je suis radine et que peut-être toi aussi, et que ça suffit d’en avoir honte, j’ai décidé. Pendant (beaucoup trop) longtemps, j’ai perçu cet aspect de ma personnalité comme un gros travers, un vrai défaut, endossé les remarques et critiques négatives à son endroit, me suis même éventuellement résolue à devoir le corriger… pour comprendre que tu peux pas sortir la radinerie de la fille, ni de personne. Et qu’on n’est pas un moins bon humain parce qu’on tient nos comptes à jour ou qu’on hésite avant de s’acheter une autre paire de bottes.

Pour la plupart des gens, la radinerie équivaut à un manque de générosité et égoïsme, voire égocentrisme. On sait bien que radin rime avec Séraphin, Saint-Patron du cheapness, et tout ce qu’il évoque; mesquinerie, aigreur, vanité, etc. Pour moi, l’équation n’est plus si simple et plusieurs nuances sont à apporter si on veut vivre chiche sans culpabiliser et surtout en s’assumant telle que l’on est, car pour moi le radinisme est d’abord une posture de résistance. On conviendra que ces nuances révèlent en fait pas mal de points positifs qui s’avèrent plutôt valorisants, du bonbon pour l’âme tourmentée. En voici quelques exemples à se répéter mentalement quand on feel cheap pis qu’on se sent mal de ça :

  1. Être radine, c’est aussi se contenter de peu et savoir apprécier cette simplicité. C’est d’aimer les petites choses, comme un minimalisme incarné. Être comblée par ce qui nous entoure déjà et s’en réjouir perpétuellement. Demander moins, mais découvrir la pleine saveur de ce que l’on savoure.
  2. Être radine, c’est aussi porter une attention et un respect à l’environnement matériel. Ma corde sensible. Traiter les objets et le matériel avec diligence, c’est économique, mais c’est aussi une preuve de profonde reconnaissance envers les ressources naturelles qui les ont produits. Ne pas gaspiller, c’est à la fois intelligent et écologique.
  3. Être radine, c’est aussi ralentir la course. Peut-être travailler moins, gagner moins, et pouvoir en profiter plus. Oui, mais pas juste ça. Ralentir dans le sens de cycle de consommation, ça existe aussi. Prendre le temps de faire ses lunchs au lieu de se payer un resto, travailler sa terre plutôt que de faire rouler le panier d’épicerie… ce qui me conduit à mon prochain point.
  4. Être radine, c’est aussi être créative et débrouillarde. Au lieu de dépenser, on trouve des alternatives maison, on se fait aller le cerveau autant que les mains. Astucieuses et fières de l’être, car de toute façon, ne sommes-nous jamais mieux servies que par soi-même?
  5. Être radine, ce n’est pas (seulement) faire attention à ses sous, mais c’est aussi, et peut-être surtout, de refuser d’intégrer la logique de surconsommation ambiante. Ça s’appelle court-circuiter le système en achetant de seconde main pour une fraction du prix, échanger pour gratos, faire les poubelles (dumpster) si t’es game. Dans ce temps-là, tu deviens la pire espèce d’individu pour les marchés et c’est tant mieux. Sauf qu’il faut quand même pas voler la musique, ça, c’est mal.
  6. Parce qu’être radine… c’est ben correct, tant que ça devient pas obsessif! Et j’insiste sur ce point, car comme avec plein d’autres choses saines (alimentation, propreté, entraînement, etc.), lorsque tu sens que ça prend trop de place dans tes pensées, il y a quelque chose en dessous qui ne va pas et qu’il faut prendre le temps de régler.

Lectures thérapeutiques

Confessions d’une radine (littérature)

Catherine Cusset, auteure française

Sous le ton de l’examen moral, l’auteure française retrace sa relation avec l’argent depuis son enfance jusqu’à l’âge adulte, relatant ses frasques et mésaventures plus ou moins glorieuses en lien avec les dépenses. Confessions d’une radine propose une réflexion d’une grande humilité portée par un demi-sourire continuel d’autodérision. Le ton est parfaitement distancié et témoigne d’un talent remarquable pour l’introspection littéraire et l’abandon dans l’écriture. J’ai dévoré avec avidité et en aurais redemandé encore. Si la narratrice Cusset ne semble pas particulièrement fière de sa radinerie, qu’elle tente de cacher par tous les moyens à travers le récit, elle en questionne néanmoins les rouages d’une manière tout à fait lucide, interrogation qu’elle couronne d’un brillant parallèle avec une certaine « économie » littéraire :

« Parfois je me demande si c’est par radinerie aussi que j’écris. Pour que rien ne se perde. Pour recycler, rentabiliser tout ce qui m’arrive. Pour amasser mon passé, le constituer en réserve sonnante et trébuchante. Pour y entrer comme dans une salle au trésor et contempler mes pièces d’or. Pour investir et faire fructifier mon capital de sensations et de douleurs. »

 

Eille la cheap (blogue)

Béatrice, blogueuse québécoise

Eille, faut que t’ailles voir ce blogue-là tu-suite. C’est le blogue de Béatrice Bernard-Poulin, qui te donne tous ses trucs pour devenir la cheap parfaite. Que ce soit au quotidien ou en voyage, la pro de l’écono te révèle plein de life hacks pour survivre dignement dans ce monde de dépenses outrancières (genre inviter tes amis à souper sans te ruiner, profiter d’un week-end à New York pour 100 $) et t’offre des tranches de vie croustillantes à mettre dans ton assiette quand t’as pas le moral.

« Je veux prouver qu’on n’a pas besoin de dépenser une fortune pour vivre la vie de nos rêves! Je crois que petit budget n’a pas à signifier vie ennuyante, consommation de masse et sacrifices, au contraire! »

Qui dit mieux?

Avant de conclure, parce que je sais que tu veux checker le site de Béatrice, je te partage ma méditation actuelle pour te réconcilier avec ton toi-même :

Vivre en respectant ses propres limites et celles des autres, sur le plan money comme sur tous les autres.

Maintenant, épargnez en paix.

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Fanie est étudiante au 3e cycle en Études littéraires à l’UQÀM. Enfant, elle avait tendance à se battre avec les ti-gars dans la cour d’école, ce qui expliquerait peut-être pourquoi elle rédige une thèse sur les figures de guerrières des productions de culture populaire contemporaine. Son arc comporte quelques cordes; en plus de faire partie de l’équipe des joyeuses fileuses, elle codirige le groupe de recherche Femmes Ingouvernable, collabore à la revue Pop-en-stock, à la revue l'Artichaut, ainsi qu’au magazine Spirale. À part de ça, elle a écrit le roman "Déterrer les os" (Hamac, 2016). Dans son carquois, on trouve un tapis de yoga élimé, un casque de vélo mal ajusté, trop de livres, un carnet humide, un coquillage qui chante le large et une pincée de cannelle – son arme secrète ultime contre les jours moroses. Féminisme et végétalisme sont ses chevaux de batailles quotidiens.

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