Auteur : Fanie Demeule

Trans : Je suis Samuel

J’ai eu la chance de rencontrer le sympathique doctorant Samuel Champagne lors d’un événement académique, il y a de cela quelques années. En découvrant qu’il est auteur, je m’étais promis de mettre la main sur ses livres. Il avait alors déjà publié trois œuvres de fiction destinées à la jeunesse : Recrue (2013), Garçon manqué (2014) et sa suite, Éloi (2015), qui abordent la transsexualité et l’homosexualité. Je ne les ai pas encore lues, mais toujours est-il que j’ai dévoré son tout dernier livre, Trans, paru en 2017 (Éditions de Mortagne). En lisant son récit de témoignage, j’ai retrouvé le garçon sensible et vrai que j’ai croisé en Ontario, pour le suivre cette fois à travers le périple d’une vie, la sienne, celle d’une personne transidentitaire.     D’abord, pourquoi employer « transidentitaire » plutôt que « transgenre » ou « transsexuel »? Au début de son ouvrage, Samuel nous explique qu’il préfère le terme « transidentitaire », car il englobe davantage d’individus tout en limitant les exclusions. Pourquoi prêter l’oreille au récit de vie d’une personne transidentitaire? Je laisse Samuel répondre :   « Mon existence …

Come Closer Sara Gran

Come Closer : Un récit de possession pour dormir la lumière allumée jusqu’à l’Halloween

Les feuilles frissonnent, le soleil vire au cuivre et décline. Mine de rien, Samhain et ses spectres se rapprochent. Vous l’avez deviné, l’automne est ma saison préférée. Et je suis d’autant plus excitée cette année, du fait que je travaille sur un projet littéraire très halloweenesque (!). Pour me faire une tête et m’inspirer, je me gave de textes et de films d’horreur. Vos suggestions à ce chapitre seraient d’ailleurs très appréciées! C’est suivant la recommandation d’un ami que j’ai découvert Come Closer, mon premier Sara Gran, une auteure américaine résidant à New Orleans. Comme je ne lis que des ouvrages en version originale, je me suis procuré le roman en anglais, mais sachez que sa traduction française est aussi disponible (Viens plus près, Points, 2011). Depuis sa parution en 2003, Come Closer a connu un succès important, selon moi tout à fait mérité. Normalement, j’ai difficilement peur en lisant. Pas cette fois. Dans une petite ville américaine, Amanda mène une vie ordinaire avec son mari Ed. Ils sont les heureux propriétaires d’une vieille maison fraîchement …

Alanna the Lioness

Astrologie guerrière

Envie de savoir de quel bois tu te chauffes? Dis-moi quand tu es né.e et je te dirai quel type de combattant.e tu es. Je propose un calcul astrologique basé sur des personnages de guerrières en littérature (fantasy, science-fiction, dystopie, etc.), parce que pourquoi pas! La vérité est que ma thèse de doctorat porte sur les figures de guerrières contemporaines et que c’est vraiment défoulant de mettre à profit mes connaissances accumulées en faisant découvrir des œuvres captivantes (et majoritairement écrites par des femmes!). Alors, es-tu une Katniss Everdeen, une Wonder Woman ou une Tris Prior? Disclaimer: Je ne possède aucune formation en astrologie, ma lecture est un croisement entre les signes du zodiaque astrologique et mon interprétation personnelle des héroïnes. À prendre avec un grain de sel ou deux. 21 mars au 19 avril : Celeana Sardothien Le moins qu’on puisse dire est que, tout comme l’héroïne de la série fantasy Throne of Glass, tu n’as pas froid aux yeux. L’auteure américaine Sarah J. Maas a d’ailleurs voulu créer une protagoniste téméraire et fonceuse …

Making-of Claire Legendre Hamac

Autour du roman Making-of avec Claire Legendre

Nous sommes à Nice en 1998. Claire Legendre, dix-neuf ans, vit le rêve de tout.e jeune écrivain.e lorsque son roman Making-of, fraîchement publié, devient un succès. Dix-neuf ans plus tard (rapport de symétrie?), l’auteure, qui réside aujourd’hui à Montréal et y enseigne la création littéraire (UdeM), s’est replongée dans cette première publication. Depuis, elle a publié une dizaine de textes, dont Viande (1999), La méthode Stanislavski (2006), L’écorchée vive (2009), Vérité et amour (2013) et Le nénuphar et l’araignée (2015). Sous-titré « roman noir », Making-of suit les traces du jeune journaliste français Bastien Salamandre dont le mandat est d’interviewer l’obscur cinéaste Caïn Shoeshine, qui semble s’adonner à des pratiques artistiques plus ou moins rassurantes… « Peut-on faire semblant de tuer? » lance la quatrième de couverture. S’il se présente comme un roman « d’images » (Legendre, 2009) et d’ambiances, le livre remet en doute la validité de l’image en exposant la fabrique des performances. Petite incursion dans les coulisses de Making-of par l’entremise de quelques questions adressées à Claire Legendre.    À mes yeux, Making-of pose un regard assez développé sur la …

Le retour des Baudelaire : une série (loin d’être) désastreuse

Chère lectrice, cher lecteur, Je préfère vous avertir que l’article que vous vous apprêtez à lire est pénible. Rien n’est aussi triste qu’une analyse comparative d’œuvres artistiques, d’autant plus lorsque cette analyse été rédigée par une personne en deuil d’avoir terminé ladite œuvre. Je vous suggère de vous tourner vers une lecture plus distrayante. Par exemple, Internet regorge d’articles sur la pensée positive et de vidéos de recettes de muffins aux bananes. Si vous décidez malgré tout de poursuivre votre lecture (ce que je vous déconseille fortement de faire) vous retrouverez mon appréciation de l’adaptation de la funeste série Netflix Lemony’s Snicket A Series of Unfortunate Events par rapport au film du même titre réalisé en 2004, tous deux infiniment décevants. Je vous propose un regard par trop subjectif (subjectif signifie relatif au point vue personnel) concernant un certain nombre d’éléments incomplets. Comme si une adaptation ne suffisait pas, Mark Hudis a cru bon de transposer à nouveau les livres (à quoi bon?) en une série télévisée interminable dont la diffusion a gâché le début de l’année 2017. F. Demeule …

L’un comme l’autre, vous n’êtes probablement personne de Marie-Jeanne Bérard

C’est sur la route entre Montréal et Québec à 7 h le matin un samedi que j’ai ouvert Vous n’êtes probablement personne, premier roman de Marie-Jeanne Bérard (Leméac, 2016). L’esprit fatigué, j’allais assister à un enterrement. La neige s’est mise à tomber à la hauteur de Drummond. À Québec, c’était l’hiver. Au retour, j’ai terminé ma lecture. L’espace d’une journée, le texte de Bérard m’a accompagnée dans cet étrange rituel que l’on tend comme un pont entre la vie et la mort. Vous n’êtes probablement personne cadre les liens énigmatiques, à la fois distants et étrangement intimes, entre une jeune Montréalaise du nom d’Espérance et son maître de peinture japonaise, Toshio Ohta, de quarante ans son aîné. C’est avec une élégance singulière et un phrasé délicieusement fluide que se déplie le court roman de l’auteure québécoise. Par touches impressionnistes, celle-ci dépeindra l’univers épuré et infiniment silencieux du duo de personnages qui composent les tableaux en forme de vanité, semés de fleurs et d’instants diaphanes à peine chuchotés. Les chapitres se consomment à petites doses afin de se …

Laurie Bédard : poésie noctambule

Paru en octobre 2016 aux éditions Le Quartanier, série QR, Ronde de nuit est le premier recueil de la jeune auteure montréalaise Laurie Bédard, que j’ai eu la chance de connaître au département de littérature de l’Université de Montréal. Elle propose dans cette incursion poétique des textes à la fois évocateurs et d’une grande précision. Dans une déambulation noctambule en demi-teintes, elle parle de latence et d’état en suspension. Au centre de ces espaces voilés, peut-être même feutrés, se déplient les corps et leurs limites, leurs fonctions et leurs frictions bien anatomiques. Prenant les allures d’une expérience évanescente, cette lecture s’est avérée pour moi d’une sensorialité physique assez percutante, que je tenterai de mettre en mots. C’est au « tu » presque sentencieux que s’adresse cette voix d’outre-tombe qui ouvre le recueil et installe ces corps. Il faut souligner d’abord la rythmique particulière, que l’on sent intuitive et qui nous attire dans cette ronde. Entre flot et retenue, l’oscillation surprend et trouve son souffle dans l’entre-mot, déliant les remparts interprétatifs. Le vocabulaire vif brille de sa banalité …

D’amour et d’air frais : La mer, trois kilomètres à gauche

Ce n’est plus un secret, une partie de mon cœur est à l’archipel des Îles-de-la-Madeleine, pour ses plages, bien entendu, mais aussi pour sa culture et sa littérature. Parmi mes coups de cœur insulaires se trouve la maison d’édition la Morue verte, qui s’engage à promouvoir et à diffuser les auteur.es des Îles, toutes disciplines artistiques confondues. En ce début d’automne encore doux, j’y ai déniché ma perle rare pour Le fil rouge, c’est-à-dire le livre le plus réconfortant que j’ai eu la chance de lire cette année. Native de Havre-aux-Maisons, Suzanne Richard publie en 2013 un premier recueil de nouvelles qui a tout pour réjouir. La mer, trois kilomètres à gauche présente une galerie d’individus dans différents évènements qui jalonnent l’existence : le deuil, la maladie, la famille et ses rituels, l’amour naissant comme le couple qui se meurt. Les protagonistes sont d’âges et de caractères bien disparates, même si le ton narratif demeure toujours plus distancié. Usant des expressions locales, toutes les histoires se déroulent aux Îles et dépeignent différentes facettes d’un quotidien contemporain. …

Hantises sur les rives

J’ai eu la chance de rencontrer la charmante Marie-Claude Lapalme lors du lancement collectif de nos (premiers!) livres, le 30 août dernier à Montréal, où nous avons célébré la belle cuvée d’automne des éditions Hamac. En plus d’une personne particulièrement sympathique, j’y ai découvert une femme de lettres talentueuse et une plume à découvrir en cette rentrée. Originaire et habitant toujours Sherbrooke, elle enseigne le français et le cinéma au collégial. Le bleu des rives (Hamac, 2016), de son poétique titre, est une immersion dans le cadre naturel des rives, au sens premier et figuré. Le texte se présente comme un archipel de nouvelles cadrant différents personnages comme autant d’îlots s’articulant autour de l’eau et de ses imaginaires. Le lac trône au milieu des récits comme un œil inquiétant, d’une force insondable et menaçante. On plonge dans l’écriture coulante de Lapalme pour atteindre des profondeurs vertigineuses, pour toucher quelque chose d’enfoui en nous, en nos vertiges. Sublime est le mot qui m’est venu à l’esprit en lisant, comme l’impression de se tenir près d’un gouffre …

Pourquoi j’ai pleuré en lisant Je suis là

Mon avion décolle pour Calgary. Je bénéficie d’un luxe extraordinaire : deux sièges à moi seule. J’étends sans gêne mes affaires, m’étale confortablement. Quatre heures de lecture en perspective. Avant de monter, j’ai glissé un tout petit livre dans mon bagage à mains. Un roman dont la couverture remarquable me rappelait un rêve récurrent. Le dernier Christine Eddie, Je suis là (2016), paru chez Alto (merci Tania!). Québécoise d’origine française, Eddie est l’auteure des romans acclamés Carnet de Douglas (Alto, 2007) ainsi que Parapluies (2011). Davantage qu’une fiction, Je suis là est un livre comme un témoignage de cette vie qui tient bon, de cette lueur qui perturbe malgré l’apparente noirceur. Celle qui est là, entre ces pages, est bien réelle. Angèle. Sa vie de nomade tumultueuse s’arrête brusquement peu de temps après la naissance de ses jumelles, lorsqu’elle est victime d’un tir groupé. Sous la violence de l’assaut, les connexions entre le cerveau et le corps de la jeune mère s’interrompent, peut-être définitivement. Enfermée à l’intérieur, seuls ses yeux peuvent désormais parler. Porté par la …