Dany Laferrière et moi, c’est une grande histoire d’amour, bien qu’elle ait commencé assez récemment. Non seulement je raffole de ses livres colorés, magiques et profonds, mais aussi, lors de chacune de ses apparitions télévisuelles, je le trouve si charmant. Et je suis béate d’admiration devant l’aisance de son discours et sa facilité à jongler avec les mots.
J’apprécie beaucoup aussi Alain Mabanckou. J’ai étudié Verre Cassé à l’Université, dans le cadre d’un cours sur la Francophonie, et l’exemplaire que j’ai encore en ma possession témoigne de mes nombreuses lectures avec ses milliers de post-its et ses mots soulignés pratiquement à chaque phrase. À l’époque, j’avais été impressionnée en découvrant une écriture si vivante et réelle, moi qui avais été nourrie aux Grands Classiques plus formels dans leur usage de la langue.
J’avais déjà eu le plaisir de rencontrer les deux écrivains, mais séparés; Alain Mabanckou dans une librairie en France, Dany Laferrière dans le cadre du Salon du Livre de Montréal. J’avais un peu discuté avec eux quelques instants et reçu mes dédicaces.
Mais cette fois-ci, la Librairie de Verdun nous proposait une expérience hors du commun : celle d’assister à la discussion, en grande partie improvisée, entre deux amis de longue date, amoureux de la langue française et passionnés autant par l’écriture que par la lecture.
Ce soir-là, la librairie a fait salle comble. Des gens de tous les âges et de tout horizon s’assoyaient un peu n’importe comment, se faufilaient dans les rangées pour avoir la chance de participer à ce moment magique. D’ailleurs, Dany Laferrière s’est tout de suite exclamé qu’il trouvait incroyable qu’un acte aussi intime qu’est la lecture entraine un effet de rock star lors des déplacements des écrivains.

Crédit photo : Alexandra T.
Les deux hommes semblaient partager un réel plaisir d’être là ensemble et de discuter écriture, lecture et souvenirs d’enfance, tout en sirotant un verre de vin rouge. Ils riaient beaucoup, comme des enfants, et on sentait que la complicité et l’admiration étaient fortes. Chacun a d’ailleurs lu un extrait choisi du dernier livre de l’autre. Dany Laferrière vient d’Haïti et Alain Mabanckou du Congo et ils mettent en avant tous les deux dans leur œuvre, une écriture de l’exil. Loin de leur pays, ils ont été accueillis par un pays d’adoption, mais ils continuent à mettre en scène leurs origines à travers des récits chaleureux et animés. D’ailleurs, Dany a dit ce soir-là qu’ils écrivaient tous les deux dans le présent, tout en regardant constamment le passé, et que la littérature, c’était avant tout parler des vivants et du vrai, pas juste des mots. Alain a précisé que l’écriture était faite de petites croyances plus fortes que la rationalité et qu’en écrivant, on retombait en enfance, en croyant à des choses qu’on ne peut pas toujours expliquer.
Ils ont beaucoup mis en avant le plaisir de la lecture, légitimant malgré eux la puissance de notre blogue littéraire, Le fil rouge. Dany s’est souvenu de la première fois que sa fille a été capable de lire une phrase complète. Il s’est dit qu’elle ne serait plus jamais seule, ni ennuyée, car avoir un livre avec soi, c’est ouvrir les fenêtres de sa maison vers le monde.
Or, le propriétaire de la librairie de Verdun en a profité pour annoncer qu’ils déménageaient dans environ un mois, dans un local beaucoup plus grand. Quelle belle nouvelle pour le monde de la lecture! Et je suis vraiment fière que cet exploit (une librairie indépendante ne ferme pas, mais s’agrandit!) se déroule dans mon quartier, Verdun.
Cette rencontre m’a donné envie de replonger dans l’œuvre de ces deux grands hommes. Vous pouvez retrouver la critique du tout dernier roman de Dany Laferrière, Tout ce qu’on ne te dira pas, Mongo, ici. Alain Mabanckou reste moins connu au Québec, mais il est décidément un petit bijou original à découvrir. Je conseille de commencer par Verre Cassé ou Demain j’aurai vingt ans.
Ping : Trouver l’âme sœur: Dany Laferrière | Le fil rouge