Poésie et théâtre
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La poésie de la ouananiche

 

La ouananiche, en ilnue, ça veut dire « celui qui se trouve partout » ou « le petit égaré ». C’est un saumon d’eau douce. C’est aussi le poisson qui se faufile entre les pages du recueil Frayer de Marie-Andrée Gill : le fil qui les unit.

Née en 1986 dans la communauté ilnue de Mashteuiatsh, Marie-André Gill a publié deux recueils de poésie. Son premier, Béante, paru en 2012 aux éditions La Peuplade, puis reparu en 2015 aux mêmes éditions, lui a valu en 2013 le Prix littéraire poésie du Salon du livre du Saguenay–Lac-Saint-Jean. Son deuxième recueil, Frayer, est paru en septembre dernier, toujours chez La Peuplade. Je suis tombée en amour avec la poésie de Marie-Andrée Gill quand j’ai lu et relu et encore relu Frayer. Je faisais mes achats de Noël au Port de tête en décembre dernier et j’ai décidé que moi-même j’avais besoin de quelque chose à me mettre sous la dent; fini les cadeaux pour les autres! Un peu beaucoup au hasard j’ai choisi ce petit recueil de 75 pages. (Bon, faudrait quand même dire que les couvertures attirantes de La Peuplade ont eu raison de plusieurs de mes achats de Noël l’an dernier…)

Petit livre lyrique empli de douleur, mais aussi d’espoir, Gill nous raconte son adolescence à la réserve de Mashteuiatsh, au rythme de la vie de la ouananiche sur un ton qui reste souvent un peu nonchalant. De sa voix incisive et autodérisoire, qu’elle dirige sur le monde et sur elle-même (« lécher la surface de l’eau avec la langue que je / ne parle pas »), Marie-Andrée Gill parle de l’adolescence qu’on connaît toutes, celle des premiers frenchs, des escapades la nuit pour vivre nos premières brosses et des cours passés à graver le nom de nos amoureux sur nos pupitres. L’auteure ilnue raconte aussi ce que c’est de grandir sur une réserve de 15 kilomètres carrés, dans ce « village qui n’a pas eu le choix ». Elle raconte son adolescence que moi, fille de Gatineau, je ne pourrai jamais vraiment connaître. Sa poésie est ancrée dans sa communauté et fait vivre un lieu bien précis. C’est ce que j’admire le plus chez Gill : la capacité qu’elle a d’exprimer un lieu, de le rendre vivant en quelques images et à travers les sentiments de ses habitants, est vraiment renversante.

Frayer est absolument à découvrir. Le petit recueil donne parfois plus de vie que je peux en prendre dans ses 75 pages, mais c’est pour ça qu’il impressionne. Dans les crevasses entre les mots de l’auteure jaillit une nouvelle compréhension, celle des lectrices attentives aux images qui cherchent à comprendre et à connaître un monde si près du nôtre et si loin à la fois. Intime, mais aussi souvent écrit au « nous » puisqu’il raconte une communauté, Frayer est un recueil simple qui chamboule avec ses petits poèmes qui s’enchaînent tellement rapidement que c’est rare que je ne relise pas le recueil au complet quand je m’assois pour en relire juste un ou deux.

Je n’ai pas encore lu Béante. Perdue dans un village du Bas-Saint-Laurent pour mon travail cet été, j’ai dû le commander en ligne. J’attends avec impatience que la secrétaire de l’école où je travaille me dise que j’ai reçu un petit colis! J’ai hâte de chavirer à nouveau dans un monde que je ne connais pas, mais qui m’intéresse tellement dans son mélange de traditions ilnues, québécoises et kitsch nord-américaines. Essayez donc, vous, de « faire danser les aurores boréales au Nintendo »!

P.-S. Pour les curieuses, allez lire son texte de prose « La Ronde » disponible ici.

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