Littérature québécoise
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Ma brosse avec… d’un Gabriel Rousseau à découvrir

La chaleur est disons-le, souvent accablante ces temps-ci, même Météomédia le dit. On se rafraîchit quand c’est possible en volant un petit bout de vent sur les terrasses et en s’hydratant comme on le peut. Dans ce contexte somme toute agréable, puisque surtout éphémère, le titre m’est apparu accrocheur : Ma brosse avec… Qui dit alcool, et surtout brosse, dit désinhibition. Ça donnait à mes yeux curieux pleins de promesses de pouvoir lire des confidences qui se disent souvent mieux « chaud », sous un état ébrieux, quoi. Avec ma bière froide, j’avais donc trouvé un peu de croustillant à me mettre sous la dent.

Lancé en mai dernier dans nul autre endroit plus approprié qu’un bar de la rue St-Denis, le condensé d’histoires de brosse à Gabriel Rousseau a d’abord été publicisé via son blogue, avant d’apparaître sous forme de livre par la marginale maison à structure horizontale Moult Éditions. Je le dis d’emblée, son livre et l’unique, je l’ai lu en 2 petits jours. J’ai dû me forcer parce qu’autrement, je l’aurais fini en une soirée, mais je voulais prolonger mon réel plaisir.

Il s’agit grossièrement de l’histoire d’un homme un brin sur la défensive qui, bien qu’il enchaîne les gueules de bois matinales, continue d’aimer boire un peu trop et fait de la taverne du coin sa résidence secondaire et la bouteille, son échappatoire.

« J’en connais plusieurs qui achètent compulsivement des sacoches ou qui pratiquent des sports extrêmes. Est-ce qu’on les culpabilise d’avoir flambé leur argent en Gucci? Est-ce qu’on leur demande de slaquer le parachute? Alors, laissez-moi me saouler en paix. »

Pour lui, se saouler est une activité comme une autre, lui permettant de tromper l’ennui et de lâcher prise sur sa vie monotone.

Cassure dans sa vie plate, c’est qu’à tout hasard il finit par se retrouver à trinquer avec différentes vedettes québécoises qui passent à la taverne. Le choix des partenaires de brosse de l’auteur est en soi assez cocasse. Dans le lot, sans tout vous dévoiler, il y a Éric Lapointe, Marcel Leboeuf, Richard Martineau, Jean Lemire, Jojo Savard et plus encore. Pour chacun d’eux, l’auteur les dépeint d’abord avec justesse, tel qu’on a appris à les connaître par les médias. Puis, un coup la table mise et leur taux d’alcool en progression, on se retrouve déstabilisé par les revirements de situation. L’auteur manie l’approche humoristique habilement et pousse l’audace à exagérer leurs traits de caractère jusqu’à les caricaturer, leur faisant dire ou faire des choses qu’on n’aurait pas imaginées, allant même à l’antipode de l’image d’eux qu’on avait initialement. C’est tordant, rares sont les fois où j’ai tant ri en lisant.

On apprend entre autres que Lapointe le rockeur est un imposteur, qu’il n’est pas réellement alcoolique, que tout est stagé et qu’avant d’être populaire, il faisant partie d’un trio de jazz.

« Je bois de la bière sans alcool, je sniffe du sucre en poudre. Je fais semblant d’aller en désintox quand j’ai besoin de vacances. On s’ajuste avec les réponses des focus groups. Tu sais que j’ai pas vraiment de frère? (…) C’est un comédien lui aussi. Ils se sont rendus compte que j’étais trop heavy pour une partie du marché. Hugo est allé chercher les matantes qui leur échappaient. »

Fabuleux. C’est plein de ce genre de bijoux dans Ma brosse avec… Une autre perle est, à mon avis, quand le narrateur fait la rencontre du biologiste notoire Jean Lemire. On apprend en réalité qu’il est imbu de lui-même, insensible au sort de la nature et qu’il est en fait un vrai bourreau.

« Jean se met à secouer la cage. Un blanchon sort la tête derrière une branche d’arbre. Il ouvre la cage et agrippe l’animal qui pousse un faible cri. Pico, c’est mon animal cute de service. Quand j’ai besoin d’une photo, au lieu de me geler le cul des heures à attendre sur une banquise, je descends le chercher. »

Les 11 partenaires de beuveries que l’auteur Gabriel Rousseau a choisis pour accompagner le narrateur sont carrément disjonctés. Les dialogues sont souvent hilarants. Du moins, ça décroche à tout coup un sourire assez large. Sans rire, allez tous vous chercher ce bijou! On passe un réel bon temps à en faire sa lecture. Je l’ai classé pas moins que dans le top 3 de mes coups de cœur 2016 jusqu’à ce jour. Un parfait livre pour s’évader sans se taper le mal de tête du lendemain.

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Un vent de nostalgie lui souffle parfois dessus, lui faisant revivre ses journées d’enfance passées avec un J’aime lire sous les yeux ou à manier son pousse-mine à composer des chansonnettes pour sa grand-mère Bernadette. Aujourd’hui bien campée dans la vie d’adulte sans trop l’être, lire et écrire sont restés pour elle synonymes de plaisir. Stéphanie a pris le chemin des sciences (elle est infirmière clinicienne) après un passage fort apprécié dans le domaine des arts & lettres. Depuis la fin de son récent bacc. du côté pragmatique, elle est ravie de (re)vivre enfin en lisant et écrivant ce qui lui plaît. Elle a un fort penchant pour le québécois contemporain, poésie ou romans, des essais ou encore pour son précieux guide des médicaments. Elle aime beaucoup voyager, le yoga, prendre des photos pas toujours réussies, cuisiner végé, le vieux punk, le classique et le sens du mot liberté.

Un commentaire

  1. On vient de me partager cette critique. Je suis évidemment touché! Cette lecture attentive estompe certains doutes à savoir si mes délires peuvent tenir la route. Dans un esprit purement mercantille, voici le lien pour vous procurer le livre.

    http://lepressier.com/collections/moult-editions/products/ma-brosse-avec-de-gabriel-rousseau

    Les profits de la vente du livre serviront à financer d’autres brosses. L’autodestruction, ça fini par coûter cher. Si au moins je pouvais prendre un plan accord D.

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