Gabrielle B. Tremblay s’est révélée à l’œil public en jouant un des premiers rôles dans Ceux qui font les révolutions à moitié n’ont fait que se creuser un tombeau (2016). Ma découverte d’elle s’est plutôt faite par la lecture de son recueil de poésie Le ventre des volcans. Je suis fascinée par la façon dont son jeu d’actrice et sa plume se nourrissent l’un l’autre.
Ce n’est pas par hasard que je suis tombée sur son livre, c’est pour ma propre bibliothérapie que j’ai cherché des écrits de femmes trans au Québec, pour m’aider à comprendre toutes les sensations issues de ma transition. J’ai trouvé en l’œuvre de Tremblay la réunion de thèmes que je sentais près de moi sans pouvoir les identifier : la quête de féminité mêlée à un déménagement en ville, « ta vie se refait et rue Saint-Denis / ce soir comme tous les autres / des dragons mangent des femmes »; le rapport ambivalent avec les hommes qui sont aussi menaçants que désirés et désirants, « vous dormez déjà / vous êtes beaux à voir / quand vous n’êtes pas remplis de haine »; une relation de dépendance inévitable au monde médical, « dans le tas de jambes de la foule / mon sexe éclaté fraîchement sorti / de la manufacture ».
À propos du personnage
Dans Ceux qui font les révolutions, le personnage de Klas Batalo joué par Gabrielle B. Tremblay incarne une muse de la dissidence politique, un être animé d’une mission presque trop grande pour être vraie. Surtout, c’est une des représentations trans qui marquera l’histoire du Québec par sa richesse et sa justesse. Klas se nourrit de littérature, comme lorsqu’elle récite du Josée Yvon en se mouvant dans une chorégraphie endurante et vulnérable. Son travail, dans un salon de massage, est raconté avec respect : les relations avec les clients ne sont pas sexualisées par la caméra. Les scènes savent même mettre à nu des tensions invisibles, comme quand l’un de ses clients est assez effronté pour lui réciter du Rosa Luxembourg :
« Il faut travailler et faire ce que l’on peut, et pour le reste, tout prendre avec légèreté et bonne humeur. On ne se rend pas la vie meilleure en étant amer. »
Des poèmes qui reprennent le flambeau
Ce que le film oublie de mentionner de la vie trans, le recueil le dit. Le ventre des volcans fait de la place à la ville, mais aussi à la région : « il y a eu une plaine / et un garçon qui s’occupait de ses chevaux / on rentrait tard le matin sur la pointe des pieds / morts de fatigue / on rentrait dans nos vies comme un accident ». Alors que Les révolutions ne nous offre qu’un personnage trans singulier dans sa condition, les poèmes donnent un aperçu de la sororité trans :
« elle a beaucoup plus de sœurs que vous pensez / vous avez à certaines enlevé leur linge / leur avez crié dessus / avant de défoncer leurs côtes dans une toilette / parce que vous pensiez qu’on s’était joué de vous ».

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Et pour l’avenir…
Finalement, le film et le recueil montrent que ma mission est prometteuse : en voyant deux œuvres impliquant Tremblay, j’ai une vision criante de vérité des réalités trans. Son recueil se conclut mystérieusement sur le seul poème titré, « Broadway brûle ». Est-ce l’annonce de la lave qui jaillira de toutes les strates identitaires pour faire émerger la femme volcan? Peut-être que son prochain livre, un roman selon les rumeurs, nous le dira.
Références
Ceux qui font les révolutions à moitié n’ont fait que se creuser un tombeau
Denis, M. et Lavoie, S.
art & essai, sortie en salle en février 2017
Le ventre des volcans
Gabrielle Tremblay
Les Éditions de l’étoile de mer, 2015
112 p.
Vous pouvez vous procurer le livre
sur le site internet des éditions de l’étoile de mer
ou à la librairie de La Flèche Rouge.
La démocratie c’est pas exactement « ferme ta gueule » mais plutôt « qui va t’entendre crier? ».
De la sorte, faut des réalisateurs et d’autres artistes de carrière, sortant d’institutions dominantes tout comme institué-es -même s’ils-elles sont « indies »- pour faire entendre leur voix, qui est -ou non- le reflet de millions de voix étouffées. Le constat est que j’ai passé à travers quatre grèves étudiantes et n’ai toujours pas de plateforme de communication pour faire valoir ma propre analyse de se qui s’est passé à partir de l’été 2012… ou bien comment une jeunesse s’est étouffée avec la laisse qu’elle s’était attachée au cou dès le commencement, après se l’être fait jeter au visage par la « démocratie Facebook ».
La raison de l’Éternel retour de la Gauche (tant qu’à moi) est son incapacité critique à se départir de sa propre logique d’externalisation… de ne pas voir la partie honteuse de sa collaboration à l’ordre social capitaliste, et de comment leur non-rupture ne fait que devenir une condition d’abdication et de retour inexorable au Dieu-Capital.
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