Si on m’avait demandé il y a 2 mois dans quel univers littéraire je voudrais habiter, j’aurais sans doute répondu celui de Paris est une fête, pour être entourée de Gertrude Stein et Zelda Fitzgerald. Si on me le demandait maintenant, je répondrais le New York de Patti Smith et Robert Mapplethorpe. Même après avoir fini ma lecture, j’ai l’impression d’y habiter encore.
C’est une amie qui m’a refilé le livre autobiographique Just Kids, ça avait été sa lecture marquante de l’année. Pendant plusieurs semaines, il est resté sagement sur ma table de chevet, bien en vue. Je l’ouvrais pour contempler les photos, ou bien pour lire quelques extraits au hasard, sans vraiment m’investir.
Un soir, je me suis installée, j’étais prête. J’ai mis le CD Horses de Patti Smith et j’ai plongé. Dès les premières pages, j’étais déjà attachée à cette enfant portée vers l’art, qui invente d’interminables histoires pour ses frères et sœurs. J’aurais aimé la connaître à l’adolescence pour passer des nuits entières à écouter ses albums préférés, à parler de ses poètes qui la bousculent de l’intérieur.
Mais c’est lorsqu’elle décide de partir pour New York que j’ai ressenti un réel engouement pour Just Kids. Ses premières semaines dans la ville sont celles d’une survie solitaire, elle dort à son travail et mange la nourriture laissée par ses collègues. C’est un collier perse qui permet la rencontre entre Robert Mapplethorpe, qui deviendra un illustre photographe, et Patti. À l’image de leur relation, le bijou mauve est une promesse de toujours prioriser l’art, peu importe ce qui arrive.
Pour atteindre la renommée, le nombre de sacrifices qu’ils font ne se compte plus sur les doigts d’une main. Parfois au détriment de leur bien-être et de leur santé, ils se concentrent sur leur but ultime: devenir les grands artistes auxquels ils aspirent. Au milieu de leur appartement froid et en ruine, Robert et Patti écrivent, peignent, sculptent, photographient: c’est le ciment de leur vie.
C’est toutefois lorsqu’ils décident d’emménager au célèbre Chelsea hotel que tout déboule. Ils fréquentent désormais le studio d’Andy Warhol, reçoivent des conseils d’Allen Ginsberg, boivent au même bar que Janis Joplin et Jimi Hendrix. New York devient leur ville, celle de leur amour, celle de leur inspiration. Si leur vie est dorénavant plus artistique, elle n’est pas plus facile pour autant. Au travers de la drogue, des amis morts trop jeunes, de la difficulté de se faire connaitre et de l’apparition du sida, une chose demeure inébranlable : Patti et Robert. Même après la mort prématurée de ce dernier, Smith continuera de le faire vivre à travers ses poèmes et ses créations : Just kids en est la preuve. Avec l’existence de ce livre, leur promesse de pérennité peut être tenue.
C’est un roman profondément tendre que nous livre l’artiste américaine. Au fil des années, Robert ne cessera jamais d’aimer sa compagne, sa fidèle amie, son artiste préférée, Patti. Le contraire est également vrai, la chanteuse et écrivaine n’arrêtera pas un instant de croire au talent de Mapplethorpe et d’entretenir leur lien, même lorsqu’ils seront loin, avec d’autres conjoints. À leur façon, ils réussissent à garder toute leur vie leur sensibilité et leur soif de créer qu’ils avaient dès l’enfance. Ce livre est l’histoire de deux grands enfants qui ensemble, ont su laisser leur marque.
Patti Smith et Robert Mapplethorpe, je vous aime.