Dans l’univers des mots, rien n’est plus difficile que de raconter un voyage. Essayer de faire comprendre aux autres ce que nous avons vécu à plusieurs milliers de kilomètres de là, dans des situations qui dépassent parfois l’imagination, semble être un combat perdu d’avance.
Lorsque je suis revenue du Vietnam, je suis restée coïte les premières fois qu’on m’a demandé « Alors, c’était comment ton voyage? Raconte! » Transcrire autant d’émotions en quelques secondes parait si vain et inutile, que je ne pouvais que répondre un simple et vide « C’était super! », accompagné d’un sourire de malaise.
Quand on revient d’un voyage aussi enrichissant, on a l’impression d’avoir fait un gigantesque bond dans l’évolution; on a tant appris, tant découvert; forcément, le temps a dû avancer vite pour tout le monde! C’est vite décevant de voir que ceux qui sont restés au Québec ont continué la même petite routine et on se sent vite gêné d’avoir tant à raconter.
Il y a tant à dire sur le Vietnam et même si ça fait maintenant presque 4 ans que je suis allée, je reste très nostalgique de cet endroit merveilleux. C’est tout simplement le pays le plus riche que j’ai jamais visité. Tout y est incroyable.
Du coup, lorsque je découvre des romans qui font référence au pays, je me sens toujours obligée de les lire. Dernièrement, je suis tombée sur Un été à Provincetown de Caroline Vu (traduit de l’anglais).
L’auteure est née au Vietnam, mais s’est exilée avec sa famille à Montréal, où elle a vécu une bonne partie de sa vie. Dans ce deuxième roman, elle raconte l’histoire de quatre générations d’une famille vietnamienne, de la Seconde Guerre mondiale à leur exil au Canada, en passant par la guerre pour se libérer de la France et de celle par la suite, entre le Nord (communisme) et le Sud (capitalisme) du pays. Chaque chapitre présente un membre de la famille différent. L’élément central étant le cousin Daniel, mort du Sida dans un hôpital montréalais et dont personne n’a le droit de prononcer le nom, par peur du scandale. Mais on y aborde surtout le sujet de la guerre, omniprésente au Vietnam, pendant des décennies, et comment une famille en subit le contrecoup dans son quotidien.
On se perd un peu dans les personnages. Certains passages sont un peu redondants (chaque chapitre commence par un retour sur la mort du cousin Daniel). Mais dans son ensemble, ce roman est à lire pour comprendre une autre vision de l’histoire du Vietnam, très éloignée de celle des films américains. Et puis, j’ai vraiment senti le pays que je connaissais en le lisant.
Quand je suis allée au Vietnam, j’en ai profité pour me documenter un peu sur cette histoire que j’avais apprise à l’école. Je voulais en apprendre plus sur le point de vue des communistes.
Les autorités vietnamiennes jouent beaucoup sur le pathos pour passer leur propagande anticapitaliste, mais certains faits restent inchangés, peu importe les croyances politiques de chacun, et il est incontestable que les américains ont provoqué une véritable boucherie dans ce pays qui avait déjà souffert de l’invasion française. Le Musée des souvenirs de guerre à Saigon peut choquer et les âmes sensibles doivent s’y préparer; les photos des civils touchés par l’Agent orange, gaz mortel qui fut lâché sur les terres sans égard pour sa population, donnent envie de pleurer constamment. Une visite dans les tunnels Cu Chi, où vivaient des familles entières pendant les années de lutte, est un bon complément pour essayer de mieux se renseigner.
Il est impensable de prétendre connaître le Vietnam sans tenter de saisir l’horreur de ces guerres interminables qui ont façonné la profondeur et la richesse de ce pays.
Mais à défaut de pouvoir voyager et de se cultiver sur place, il reste les livres pour s’ouvrir à une autre culture et se faire raconter le Vietnam.