J’ai toujours privilégié les romans qui s’éloignent de ma réalité et qui me permettent d’apprendre tout en demeurant captivants et touchants. Petit pays, le premier roman du rappeur franco-rwandais Gaël Faye, y est arrivé haut la main. Je comprends pourquoi le Goncourt des lycéens a été attribué à Gaël Faye et pourquoi ce roman a reçu un accueil critique enthousiaste. Il s’agit d’un grand coup cœur.
Gabriel, le narrateur du roman, se remémore son enfance à Bujumbura, capitale du Burundi, au début des années 90. Ce fils d’un Français et d’une réfugiée rwandaise est désormais en exil en France et rendu à l’âge adulte. Il revient sur les jours heureux qu’il a vécu dans ce Burundi qu’il croyait « disparu ».
Pendant les premières pages, Gabriel a dix ans et il est peu à l’affût de la situation politique qui prévaut autour de lui ainsi que des tensions existantes entre les Hutus et les Tutsis. Le lecteur découvre alors « les saveurs, les couleurs et la musique » du Burundi de ces années-là à travers les yeux de cet enfant, comme l’a indiqué l’auteur en entrevue à RFI. Gabriel raconte son train de vie et les jeux de gamin qu’il a faits avec ses copains, encore insouciant des problèmes politiques qui se profilaient.
Au fur à mesure que l’histoire avance, cette enfance heureuse est graduellement dérobée à Gabriel qui voit son quotidien chamboulé et qui prend lentement conscience du monde qui l’entoure. Le ton du récit devient de plus en plus grave alors que la violence est plus présente. Un coup d’État mené par l’armée survient et la guerre civile burundaise voit le jour, ravivant les conflits entre les Hutus et les Tutsis, les deux ethnies majoritaires du pays. Puis, au Rwanda, pays voisin du Burundi et terre natale de la mère de Gabriel, le génocide éclate. L’incompréhension de Gabriel face à la guerre et les violences et les tentatives de celui-ci pour rester dans l’enfance sont déchirantes.
Avant d’entamer ma lecture, je connaissais peu de choses sur le Burundi et son histoire. Sans contredit, ce roman m’a amenée à m’intéresser au sort de ce petit pays d’Afrique de l’Est souvent oublié. Mais il y a plus, ce roman est aussi particulièrement poignant. Le contraste entre les joies d’enfance de Gabriel au début du livre et les moments d’effroi qui surgissent par la suite est saisissant. Il ne faut pas passer à côté de ce roman bouleversant et marquant qui démontre que l’histoire d’un pays confronté à l’horreur est aussi souvent celle d’une enfance volée et de douleurs qui nous accompagnent pour toujours.