Auteur : Karine Ruest-Pilote

Jane Deuxard, Deloupy, Love story à l'iranienne, Iran, politique, relations amoureuses, Delcourt, roman graphique.

Quand la BD dépeint une enquête sur les relations amoureuses des jeunes iraniens

Jane Deuxard est le pseudonyme d’un couple de journalistes indépendants qui ont décidé de se rendre de manière clandestine en Iran pour recueillir les témoignages de jeunes iraniens concernant leur vie amoureuse. Leurs rencontres avec ces jeunes provenant de différents coins de l’Iran sont reproduites dans le roman graphique Love story à l’iranienne illustré par Deloupy. Ce livre, qui prend la forme d’un reportage, m’a particulièrement marquée en raison du climat politique particulier de l’Iran que l’on découvre dans ce livre. Idylles amoureuses, jeunesse et régime théocratique Le livre est divisé en plusieurs parties dont chacune est dédiée à un jeune iranien qui fait part au couple de journalistes de sa situation ainsi que de sa vision des relations amoureuses dans un pays où elles sont interdites avant le mariage et où les mariages arrangés sont fréquents. C’est très intéressant, car devant des règles aussi strictes, la question se pose : comment les jeunes iraniens vivent-ils leurs idylles amoureuses dans une société qui les interdit? Les journalistes ont fait l’effort de rencontrer des jeunes aux …

Québec en toutes lettres, La splendeur du vertige, cabaret désobéissant, Impérial, littérature, poésie, slam, Festival

Le cabaret désobéissant de Québec en toutes lettres

Encore une fois cette année, le festival de littérature Québec en toutes lettres a réussi à proposer aux habitants de la ville de Québec une programmation diversifiée et originale. Animations pour enfants, conférences, animations de rue, performances théâtrales, poésie, arts visuels et plusieurs autres choses étaient au menu. Bref, il y en avait pour tous les goûts. L’expérience du Cabaret désobéissant Pour ma part, j’ai décidé d’assister au spectacle intitulé Cabaret désobéissant qui était présenté dans la programmation comme «une soirée irrévérencieuse réunissant une brochette d’artistes littéraires et musicaux autour du thème de la désobéissance». Cette phrase était suffisante pour piquer ma curiosité. En fait, le thème avait été inspiré par la désobéissance des signataires du Refus global, en cette année où l’on souligne les 50 ans de ce manifeste. Ce soir-là, la scène de l’Impérial avait pris des allures de salon habité par des artistes et des musiciens. Les deux animatrices, Frédérique Bradet et Sophie Thibeault, veillaient à la présentation des artistes et à l’enchaînement des numéros. En tout, ce sont dix artistes qui ont …

Didier Eribon, REtour à REims, Annie Ernaux, Elena Ferrante, Classes sociales, sociologie, littérature, bibliothérapie

Suggestions de lecture afin de réfléchir sur les classes sociales

C’est en terminant ma lecture de Retour à Reims de Didier Eribon que j’ai réalisé qu’il y avait un point commun entre mes dernières lectures : la narratrice ou bien l’auteur ou l’autrice étaient tous des personnes issues d’un milieu défavorisé ayant réussi à se sortir de ce milieu grâce à l’éducation. Bien qu’ils s’agissaient de livres de genres différents, je réalisais que la vie avait bien fait les choses, car la lecture de ces livres au cours d’une même période m’a permis d’approfondir mes réflexions quant aux inégalités et aux conditions sociales qui rendent très difficile d’aspirer à plus lorsque l’on naît dans un milieu modeste. Comme quoi la séquence dans laquelle on lit des livres peut avoir une influence sur ce que l’on retient d’une lecture. Voici donc trois lectures qui, à leur manière, abordent les sociétés de classes : Retour à Reims de Didier Eribon  Retour à Reims est un essai biographique dans lequel l’auteur, un intellectuel né au sein d’une famille de la classe ouvrière, revient sur son milieu d’origine. Plusieurs années après avoir coupé les …

le fil rouge lit; La légèreté; Catherine Meurisse; Dargaud; Charlie Hebdo; bibliothérapie; roman graphique; Art; livres

Quand la vie perd son sens, comment retrouver sa légèreté

N’étant pas la plus grande lectrice de romans graphiques, je ne croyais pas un jour écrire un article portant sur ce genre littéraire. Or, dans le cas de La légèreté, je trouvais inévitable de partager ce coup de cœur. La scénariste et illustratrice de La légèreté est Catherine Meurisse, dessinatrice à Charlie Hebdo. Au moment de l’attentat contre le journal, elle y travaille depuis près de 10 ans. Or, ce 7 janvier 2015, elle arrive en retard à la conférence de la rédaction et survie à l’attentat alors que ses collègues, amis et mentors sont tués et blessés à l’intérieur des lieux. Dans la Légèreté, elle explique son processus pour guérir de l’immense blessure créée par cet événement tragique et retrouver sa légèreté. La légèreté, c’est tout ce que j’ai perdu le 7 janvier 2015 et que j’essaie de retrouver. La légèreté, c’est aussi le dessin. L’art comme remède à la douleur Vivant un profond traumatisme à la suite de ces événements, Catherine Meurisse dépeint, dans la première partie, les dix mois qui suivent l’attentat alors qu’elle est confuse …

Konbini; Sayaka Murata; livre; bibliothérapie; le fil rouge; Denoël

Konbini : La vie en dehors des normes fixées par la société

Saviez-vous que, au Japon, le mot konbini désigne un commerce de proximité ouvert 24/7 où l’on vend principalement des aliments de consommation rapide? Ce terme vient de la contraction des mots anglais « convenience store », en japonais. J’ignorais ce fait avant ma lecture du roman de l’autrice japonaise Sayaka Murata ayant ce mot pour titre. Konbini est un court livre qui pourrait s’apparenter à une nouvelle. Il nous plonge dans l’univers de ces supérettes japonaises par l’entremise du personnage de Keiko Furukura, une femme de 36 ans qui occupe un emploi à temps partiel dans un konbini depuis près de dix-huit ans. Faire sa place Au départ, Keiko devait occuper cet emploi dans un konbini le temps de ses études universitaires. Or, étant depuis son enfance une personne ayant de la difficulté à s’adapter aux normes de la société, Keiko trouve un certain confort dans ce travail où elle se sent enfin normale. En cet instant, pour la première fois, il me sembla avoir trouvé ma place dans la mécanique du monde. Enfin, je suis née, songeai-je. C’était, …

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Club de lecture de la Ville de Québec : Remèdes pour la faim

Depuis l’automne dernier, j’ai la chance d’animer les séances du club de lecture du Fil rouge dans la ville de Québec. Pour notre dernière rencontre de la session d’hiver, notre choix s’est arrêté sur Remèdes pour la faim, un récit autobiographique écrit par Deni Y. Béchard.  Avant chaque rencontre, je suis toujours un peu fébrile de connaître l’appréciation du livre choisi par les participantes bien que je dois dire que les échanges sont toujours captivants, et ce, même quand la lecture du mois ne fait pas l’unanimité. Dans le cas de Remèdes pour la faim, j’étais encore plus préoccupée de l’appréciation du livre, car il s’agit d’une brique de presque 600 pages sans grands rebondissements et la dernière chose que je souhaite est que la lecture devienne une corvée pour les participantes. C’est donc avec ce petit stress en tête que je me suis rendue au lieu de la dernière rencontre. Or, ce stress a vite disparu, car tout le monde a réussi à terminer le livre avant la rencontre et la plupart des participantes ont beaucoup aimé leur lecture. …

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Profession du père : enfance auprès d’un fabulateur

C’est avec beaucoup d’émotions que j’ai lu les dernières pages de Profession du père, le récit d’une enfance auprès d’un père mythomane et oppressif et d’une mère qui demeure passive face aux agissements du père. J’étais stupéfaite de savoir que la vie familiale dysfonctionnelle racontée dans ce roman se rapproche de celle vécue par son auteur, Sorj Chalandon. Une enfance dans le mensonge et dans la violence En 1961, Émile a 12 ans alors que la Guerre d’Algérie tire à sa fin. Son père peste contre De Gaulle et l’indépendance de l’Algérie et prétend qu’il est un complice de l’Organisation armée secrète (OAS). C’est alors que nous constatons les répercussions des fabulations d’un père sur son fils qui ira jusqu’à embrigader un ami dans cette mise en scène du père. Il faut savoir que ces délires n’ont pas pour seul but d’amuser Émile. André Choulans fait croire à son entourage qu’il a été pasteur, joueur de football, agent secret et champion de judo alors que la réalité est toute autre. Au fil des pages, nous découvrons …

Le fil rouge, L'année de la pensée magique, bibliothérapie, les livres qui font du bien, Joan Didion, Le Livre de Poche, Deuil, livres

L’année de la pensée magique : Joan Didion et le deuil

C’est une chronique au sujet de Joan Didion à l’émission Plus on est de fous, plus on lit! qui m’a donné le goût de lire les écrits de cette écrivaine américaine. En écoutant la discussion animée au sujet de cette femme et de son œuvre, je me suis demandé pourquoi je n’avais encore jamais lu ses ouvrages. Ma curiosité était piquée. C’est avec L’année de la pensée magique, choisi un peu par hasard, que j’ai abordé mon immersion dans son œuvre. Joan Didion étant dépeinte comme une journaliste d’enquête, j’ai été surprise de constater que L’année de la pensée magique est un récit très personnel dont le thème principal est le deuil. En effet, dans ce récit, Didion relate l’année qui a suivi le décès de son mari, l’écrivain et scénariste John Gregory Dunne. Avoir pris le temps de lire la quatrième de couverture, j’aurais probablement choisi un autre livre de Didion pour commencer. Or, contre toutes attentes, dès la lecture des premières pages jusqu’à la fin du livre, je suis demeurée captive de la plume de Didion ainsi …

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Six mois d’ermitage… dans les forêts de Sibérie

Dans les forêts de Sibérie de Sylvain Tesson faisait partie de ma pile à lire depuis un bon moment. Les journées de froid glacial que nous avons connues me semblaient un moment propice pour entamer cette lecture et m’ont décidée à me plonger dans ce récit de voyage dans lequel l’auteur relate les six mois qu’il a passés dans une cabane (isba) isolée en Sibérie sur les rives du lac Baïkal. Quelle aventure! Le livre est écrit sous la forme d’un journal dans lequel l’auteur détaille pour chaque journée de quelle manière il a occupé son quotidien. Dans la mesure où aucune route ne mène à la cabane où il a élu domicile, que le village le plus proche se situe à cent vingt kilomètres de distance et que les plus proches voisins se trouvent à cinq heures de marche, Sylvain Tesson mène une vie assez sobre durant ces six mois. Malgré la sobriété de son rythme de vie, le récit s’avère captivant, car il dépeint une réalité aux antipodes de nos vies contemporaines. À l’heure …

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Une partie rouge de Maggie Nelson : non-fiction et tragédie familiale

Comme pour plusieurs d’entre nous qui suivons de près l’actualité littéraire, Maggie Nelson a su attirer mon attention par la parution en français de deux de ses ouvrages lors de la rentrée de l’automne. Il semblait y avoir un buzz chez les lecteurs anglophones autour de cette écrivaine, également poétesse et critique d’art, alors j’étais curieuse de la lire. C’est donc avec beaucoup d’attentes que j’ai entamé cette lecture et je n’ai pas été déçue. À peine commencé, je savais qu’Une partie rouge de Maggie Nelson correspondrait au genre de livre qui me captive en raison de sa prémisse qui s’annonçait prometteuse. Non-fiction et tragédie familiale  Une partie rouge peut être qualifié de non-fiction puisque l’autrice relate des faits réels entourant sa propre vie et celle de sa famille. Maggie Nelson est la nièce de Jane, une femme assassinée brutalement il y a plus de 35 ans dans des circonstances qui n’ont jamais été élucidées. Dans son récit, elle revient sur ce drame et les répercussions de celui-ci sur les membres de sa famille. Au début du …