Le titre et sa couverture qui en révèlent peu m’ont intriguée. Ma sœur chasseresse, deuxième roman écrit par Philippe Arseneault, est publié sous Québec Amérique et est sorti en février 2017.
Mise en contexte
Il s’agit de Roé Léry, un auteur originaire de La Tuque, qui vit à Pékin depuis 14 ans et qui y exerce le métier de professeur de droit. Il partage sa vie avec Meng Wu, celle qui lui rachetait cette vie dont il était peu friand à la base. En court séjour seul au Québec pour faire la promotion de son roman et aussi dire un dernier au revoir en bonne et due forme à un camarade de classe qui s’est tué, il était maintenant confronté à tout ce qui l’horripile de ce peuple de qui il se dissocie, et ce pourquoi il l’a déserté. Ce sera d’ailleurs le nerf de la guerre du personnage.
Bien qu’il soutienne qu’un Montréalais est quelqu’un que le multiculturalisme a perfectionné moralement, de par la présence d’une constante mixité culturelle, les Canadiens français sont réellement passés à la moulinette dans la tête du protagoniste. Il tient sur eux et sur la langue française des propos éditoriaux sombres et incisifs. On sent aussi qu’il est révolté du peu d’importance accordée à l’éducation et du manque de courage des gens de son propre pays d’origine, en comparant toujours avec sa terre d’accueil tant aimée et quasi parfaite à ses yeux, la Chine.
« Jamais vu autant de triporteurs, une flotte, mais une chose que j’avais vue souvent en Chine, c’était des paysans de soixante-dix ou quatre-vingts ans descendre à pied chaque jour les montagnes (…), et c’était un tout autre spectacle que les conformations difformes de ces (sous-hommes) paresseux d’Hochelaga, leur gros cul flasque répandu sur leur siège de leur coucou comme un soufflé trop cuit. »
Un séjour qui promet donc d’être confrontant pour Roé!
La table est mise dès les premières pages et les propos incendiaires vont demeurer présents tout au long du roman. Puis, dans un café Internet de l’est de Montréal, il ouvre ses courriels et apprend que Meng Wu le quitte. S’ensuivent des jours noirs vécus dans un Québec qu’il n’aime pas, mais il va se reprendre en mains, grâce à la musique et à la lecture, à la Grande Bibliothèque. Tranquillement, il sort la tête hors de l’eau.
Une soirée arrosée, un appétit sexuel éveillé et une visite dans un salon de massage de la rue Crescent deviennent le nouveau départ d’une quête pour le moins inusité pour Roé et une certaine masseuse doctorante, ayant un lien avec rien de moins que la dépouille de LA Jeanne Mance, sise au coin de Des Pins et Saint-Urbain. S’enclenche une suite d’événements qui m’a fait tourner plus rapidement les pages à partir de là.
La narration est au « je ». L’auteur, tout comme le protagoniste, a vécu et travaillé en Chine. Les comparaisons entre les deux peuples viennent donc d’observations de l’auteur et bien que les propos soient souvent dérangeants, puisqu’il s’agit de critiques acerbes du peuple dont nous faisons partie comme lecteur, on arrive tout de même à apprécier la personnalité de Roé. Ses critiques nous font réfléchir.
Surprenant jusqu’à la fin
Bien qu’au début le rythme puisse paraître lent, lorsqu’on persévère, on y gagne en intérêt plus l’histoire avance. L’envie de tourner les pages demeure et celle de continuer sa lecture ne s’essouffle pas d’une miette. Jusqu’à la toute fin, je voulais connaître la suite. Le sujet proposé par Philippe Arseneault est original et inattendu, difficile à catégoriser, ce qui est à mon avis une super qualité pour une œuvre. Écrit dans un français soigné qui m’a fait voir quelques mots jamais lus auparavant, j’ai trouvé le roman stimulant. Sans que cela n’alourdisse le texte, on arrive facilement à comprendre le sens des mots plus riches grâce au généreux contexte. Lire un roman écrit en langue parlée, comme beaucoup sont publiés en notre ère, peut être réconfortant, mais s’enrichir le vocabulaire est aussi un beau boni quand on lit. Si vous avez envie de vous laisser entraîner dans une histoire insolite, Ma sœur chasseresse saura vous dépayser dans votre propre ville.
Aimez-vous lire des romans dont l’histoire se passe dans des quartiers réels?
Philippe Arseneault a gagné le prix Robert-Cliche en 2013, pour son premier roman, Zora, un conte cruel, aux éditions VLB.