Enfin!
J’ai attendu, attendu cet essai de Martine Delvaux, heureuse de constater qu’il était en si grande demande à la Grande Bibliothèque. L’attente aura valu la peine… c’est percutant, intelligent, nécessaire et soulevant!
Beecroft, Pussy Riot ou Femen sont à ma mémoire celles qui refusent cette assimilation « en masse », ce polissement du nombre. Avec ces analyses et zoom in sur plusieurs faits et représentations que nous ne voyons plus tellement ils nous ont été surreprésentés, Delvaux remue notre laisser-faire, laisser-aller, notre acceptation comme évidence d’aplanissement du genre. Avec tout ce poids du nombre, ne pourrions-nous pas en faire quelque chose de grand et de puissant?
Pour avoir un futur, il faut avoir une histoire
Peut-être que ce livre devait être la suite logique de mes lectures, après Le bal des absentes par Amélie Paquet et Julie Boulanger. L’élément déclencheur pour cet essai fut le traitement différent des sujets féminins vs masculins lors des manifestations étudiantes de 2012. Nous ne nous en sortons pas : autant dans la littérature que dans les médias actuels, la femme est traitée différemment. L’histoire regorge de ces exemples… ne serait-ce que si l’on se demande qui a écrit cette fameuse Histoire?
Les filles lèvent le poing…
Cette Histoire nécessaire, préalable, l’auteure en fait une démonstration choquante. Filles, jeunes filles, filles en séries, marginales, filles fétiches, showgirls, lapines, blondes, filles de rue, etc. Les références et interjections sont nombreuses (trop nombreuses malheureusement)! Au défilement de ces preuves qui brûlent les yeux, tranquillement, je m’aperçois que j’étais endormie, tranquillisée… faisant partie de cette masse informe!
Les filles en série refusent l’immobilité. Elles refusent l’essentialisme, la loi de l’identitaire. Elles manœuvrent, proposent de fausses pistes, séduisent pour prendre au piège, usant de l’harmonie esthétique pour anesthésier leur public, comme la mante religieuse son partenaire. C’est ainsi qu’elles incarnent l’Ingouvernable.
Force diagonale
Martine dit que pour sortir de cette masse, il faut accepter qu’on en fasse partie. Difficile de ne pas arriver à ce constat pendant la lecture. À différents degrés, de diverses façons, mais nous y sommes. Comment, si depuis la Grèce antique, plus tard par les poupées et Barbie, toutes reviennent en force nous contraindre au domicile et à cet idéal de plasticité et d’immobilisme, pouvons-nous faire cesser la série?
« En tombant, les filles ne meurent pas : elles se mettent au monde. »
Tomber de cette série, même lorsqu’une seule fille se révolte, elle le fait pour toutes. C’est en nommant et identifiant et refusant ces violences et mises en boîte que la solidarité peut prendre forme. Virginia Woolf, Nelly Arcan, Lena Dunham et plusieurs autres exemples réjouissants et actuels font surface. Mais encore trop peu.
Ce livre donne le goût de se lever, de sortir, de prendre la rue, d’être irrévérencieuse, indomptable, de tenter l’expulsion de ce dictat de masse… cette lecture fait le plus grand bien! Tout comme de se faire confirmer que « nous sommes innombrables et nos désirs démultipliés». Libérons la poupée et mettons-nous à courir!
Avec grand plaisir je me promets Sexe, amour et pouvoir pour août!
Vous l’avez lu?
Bonne lecture!