Adrienne habite Paris, elle vit le deuil de son frère jumeau disparu, elle étudie en art, se remet un peu mal d’une rupture difficile, mange peu et s’automutile. Elle voit un psychologue, prend ses médicaments à sa guise et est obsédée par son ex-copain et sa nouvelle flamme. Bref, on pourrait dire que le personnage du premier roman de l’auteure française Léa Simone Allegria est un peu mal en point.
Loin du corps raconte donc l’histoire d’Adrienne, jeune adulte qui, lors d’un après-midi comme les autres, se fait remarquer par un recruteur travaillant pour une grande agence de mannequins. C’est un peu à reculons qu’elle finit par entrer dans cet univers qui tentera de la remodeler à son image. À travers ce nouveau quotidien, Adrienne essaiera de se concentrer sur l’art, sa véritable passion, tout en tentant de vivre une vie équilibrée, ce qui, vous vous en doutez peut-être, ne fonctionnera pas très bien.
La trame de fond
J’ose dire que, malgré le fait qu’Adrienne soit au cœur du roman, elle est un peu accessoire aux thématiques et réflexions qui se déploient dans ce roman, soit la question de l’art, du mannequinat et du désir.
Quoique l’histoire ait du potentiel, ce n’est pas celle-ci qui m’a fait accrocher à ce récit. En fait, je n’ai pas vraiment réussi à m’identifier aux personnages pourtant si vrais et modernes. J’ai tout de même vraiment apprécié ma lecture, non pas pour sa trame de fond, mais pour les réflexions et questionnements qu’elle soulève.
La place de l’art
Plusieurs moments dans le récit semblent y être simplement implantés pour pouvoir parler d’art. En effet, l’art et spécialement les Vénus de la Renaissance sont au cœur du récit. En plus d’être le sujet d’étude d’Adrienne, cette place que prend l’art dans l’histoire ajoute non seulement à la profondeur du récit, mais agit aussi comme double tout au long du parcours d’Adrienne en tant que mannequin. D’observatrice d’art, elle devient elle-même la «pièce» observée, la muse, et chaque réflexion sur l’art semble refléter ce jeu entre spectatrice et «objet».
La désappropriation du corps et le désir
Loin du corps propose aussi une critique plutôt crue du monde de la haute couture et des exigences demandées aux mannequins. Adrienne, déjà distante face à son corps, le devient encore plus, tout en étant à la fois obsédée par l’image qu’elle dégage. Elle se détache d’elle-même, de ses passions autant que de son corps, pour plaire.
Elle cherche, avec son corps, avec son image, à se faire désirer. Là est son ultime but, séduire la caméra, le photographe, les designers, sans se poser de questions sur son propre désir. Elle veut être aimée, désirée, admirée, simplement pour l’image qu’elle représente. Elle se perd rapidement dans les apparences, les fêtes et le désir des autres.
Une lecture qui fait réfléchir
Bien que certains aspects — la disparition du frère, par exemple — soient trop peu développés, Loin du corps est un premier roman avec bien du potentiel. Les comparaisons entre la vie d’Adrienne et l’art, les réflexions sur le corps, sur le désir, sur l’appartenance, sont toutes bien construites et apportent vraiment quelque chose de différent et d’intéressant à l’histoire. Alors si vous cherchez une histoire moderne, jeune et intelligente, quoiqu’avec quelques failles, Loin du corps est peut-être pour vous.
En trame de fond, vous y trouverez aussi un peu d’amour, des amitiés et tous ces petits drames et grands maux qu’apportent la vingtaine.
Avez-vous des suggestions de lectures qui, comme Loin du corps, parlent d’art et du rapport au corps?