Je me rends toujours à la bibliothèque avec, entre les mains, une liste de livres à me procurer. La plupart du temps, je retourne à la maison avec ma pile de livres, satisfaite de mes trouvailles anticipées. Mais lors de ma dernière visite, je me suis butée à répétition au fâcheux « prêté jusqu’au… ». Ce mot si louable, ce geste si encouragé… ne me faisait guère plaisir dans ce contexte. Je me suis donc résignée et je suis partie à la découverte entre les étalages, sans titre ni auteur en tête.
Et parmi toutes les petites richesses qui s’y trouvaient, je suis tombée sur ce livre : Lettres aux femmes d’ici et d’ailleurs.
Ce livre collectif regroupe des lettres écrites par des femmes et des hommes d’origines, d’âges et de professions diverses. La particularité de ces lettres, c’est qu’elles sont toutes adressées à une ou des femmes.
L’inclusivité et la pluralité
En 2017, comment percevez-vous le Québec sur les questions d’inclusivité? L’inclusivité des genres, mais également des différentes cultures? Que connaissez-vous de l’histoire de la laïcité et des conditions des femmes au Québec ? Et l’avenir, nous réserve-t-il un « vivre ensemble » qui sera dénué de préjugés et de barrières ? C’est sur des sujets aussi sensibles que chacun des auteurs et chacune des auteures ont écrit les lettres retrouvées dans le livre.
Au cours de notre lecture, on en apprend sur le passé, on découvre des différences culturelles, on s’émeut par le courage de grandes femmes qui ont marqué l’histoire, mais surtout on a envie que tous ceux et celles qui décident de s’établir au Québec se sentent inclus dans notre société.
Les lettres : touchantes et sincères
Certaines lettres sont personnelles, s’adressant à une mère, à une nièce, à une fille ou à une épouse.
« Depuis que la grande aventure a commencé vers un ciel bleui, si nordique qu’il fait fendre les entrailles des anges, je ne cesse de quêter tes yeux, ce carrefour où pulse sans cesse le chant ondulant de la vie. « Belle » fut le poème qui transforma les verves en étoiles, le faisceau de lumières qui enchanta nos érablières. Que peut apporter une union aussi imprévisible ? Là où tu cherchais le chemin, je cherchais aussi le destin. »
– Kamal Benkirane
Certaines sont engagées, évoquant le combat de nos arrière-grands-mères et de nos grands-mères afin que les femmes soient reconnues comme des « personnes » et qu’elles puissent posséder le droit de signer leur nom sur des papiers juridiques tels qu’un bail ou un contrat de travail.
« Je reviens à cette autre femme d’exception, Claire Kirkland-Casgrain, première femme élue à l’Assemblée nationale du Québec en 1961, soit vingt et un ans après l’obtention du droit de vote au Québec. Elle sera d’ailleurs la première femme ministre nommée au Cabinet. Mais c’est surtout pour sa lutte pour améliorer le statut juridique de la femme mariée qu’elle sera reconnue. À cette époque, en effet, la femme mariée n’a pas de personnalité juridique autonome, à savoir qu’elle ne peut signer aucun contrat, être exécutrice testamentaire, ester en justice et exercer une profession sans l’accord de son mari : Claire Kirkland-Casgrain elle-même, alors qu’elle était ministre, avait dû faire signer le bail de son appartement de Québec par son mari! »
– Rose-Marie Lavoie
D’autres sont le récit touchant de femmes immigrantes qui ont choisi pour terre d’accueil le Québec.
« D’abord, je décide d’habiter non loin d’une librairie et d’une bibliothèque, car elles sont pour moi comme un ancrage dans la découverte de cette nouvelle culture. Dans l’une d’entre elles, je demande la liste des vingt livres les plus représentatifs du Québec. Je ne les ai pas tous lu, mais je fais mon chemin. Je mets de côté, depuis mon arrivée, Le Devoir du samedi car il y a un supplément « livres et cultures » que je lis « religieusement », comme le « Monde des livres » du vendredi. Et je découvre des auteurs que j’aime : Éric Plamondon, Catherine Mavrikakis, Nicolas Dickner, Hélène Dorion pour la poésie, Fred Pellerin et Boucar Diouf comme conteur, Suzanne Lebeau en théâtre. »
– Sonia-Sarah Lipsyc
Certains textes vous toucheront particulièrement et d’autres moins, mais par la variété des sujets abordés dans cette œuvre collective, il est impossible de ne pas se sentir interpellé. Dans mon cas, j’ai beaucoup aimé lire les histoires vécues par des femmes qui ont immigré au Québec. Leurs récits m’ont fait prendre conscience de l’isolement qu’elles peuvent vivre quand elles arrivent dans notre coin de pays qui leur est totalement inconnu. Les différences culturelles sont une grande richesse à partager et on comprend à travers les textes qu’elles sont parmi les premiers pas essentiels dans le développement d’un sentiment d’appartenance envers une nouvelle communauté.
Et vous, si vous aviez à écrire une lettre à une ou des femmes, à qui l’adresseriez-vous ?