Curieuse de nature, je glane mes idées de lectures à gauche et à droite, retenant parfois des titres précis, mais plus souvent, le nom de certains auteurs, des sujets et des thèmes. Il y avait un moment déjà que je gardais le nom de Daphné B. en mémoire, après l’avoir entendue à quelques reprises à la radio, mais c’est lorsqu’elle a lu un passage de son nouveau livre de poésie Delete que je me suis dit que je devais la lire. J’ai donc profité de ma dernière visite dans une librairie pour me procurer son recueil.
J’avoue que je ne savais pas trop à quoi m’attendre de ce court livre avec sa couverture toute simple, affichant le profil d’une cowgirl sans doute dessiné aux Prismacolor. Il est plutôt rare que je me tourne vers la poésie, préférant spontanément les grosses briques et les longues sagas, et pourtant, je l’ai dévoré! Il faut dire que l’extrait de la quatrième de couverture m’a mise en appétit, alors que j’étais encore à la librairie.
« Les mots utilisés à tort et à travers par des gens abîmés ne veulent plus rien dire. L’amour, c’est quoi ça. Je tiens le verbe « aimer » au creux de ma paume et il ressemble à une personne qui a le hoquet. Il faudrait qu’elle retienne son souffle et compte jusqu’à 10, cale un verre d’eau, une cuillère appuyée sur le front. Quand j’ai dit que je t’aimais, c’est que je ne savais pas quoi dire. »
Le fond et la forme; poésie concrète touchante et bouleversante
Écrit en prose et présenté sous forme de courts textes qui peuvent sembler décousus aux premiers abords, Delete nous donne accès aux tourments et à la noirceur du deuil ou plutôt des deuils vécus par la jeune auteure féministe.
La fin d’un amour, la fin de ceux qui lui ont précédé et qui l’ont suivi, la relation mère-fille, la mort d’un ami, la fuite par le voyage… tout cela se dessine sous la plume de Daphné B. On touche à l’abandon de la personne que l’on a été, à la quête de notre identité et de notre réalisation personnelle. Le deuil des choix que nous avons faits et de ceux que nous n’avons pas faits imprègne ce court recueil. Les mots sont simples, parfois crus. Les images sont fortes, actuelles et sans filtre. C’est une poésie dont la forme est très accessible. Le fait qu’il y ait une trame narrative, même floue, permet d’apprivoiser le genre, en plus d’aborder des thèmes qui sont universels. Dans ce recueil, l’auteure nous donne accès à une part d’elle-même, et dans sa vulnérabilité, j’y ai retrouvé la mienne. Je me suis reconnue.
Je sais bien, même si je n’en ai pas l’habitude, que la poésie touche, bouleverse, bouscule, remplit et laisse parfois perplexe; Delete n’y échappe pas. Pourtant, j’ai eu un peu le sentiment d’avoir manqué quelque chose. Je crois que c’est dû au fait que j’ai abordé ce livre comme je le fais avec un roman et que je l’ai lu d’un coup. Je regrette de ne pas lui avoir accordé plus de temps et de patience pour qu’il m’imprègne davantage. Je prendrais assurément le temps de le relire lentement, une page à la fois, pour laisser les mots faire leur chemin, les laisser résonner à leur pleine puissance et de briller malgré leur noirceur.
Et vous, quel genre de poésie aimez-vous? Quelle œuvre poétique me recommanderiez-vous?