Poésie et théâtre
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La poésie désinvolte de Daphné B. et d’Alexandre Dostie

Les recueils de poésie ont longtemps été en voie d’extinction dans ma bibliothèque ; c’était le seul genre de littérature que je boudais. J’aurais pourtant voulu lire les grands noms avec frénésie, être émue par la verve de Baudelaire ou de Nelligan. J’ai essayé fort, sans jamais y prendre de réel plaisir. Triste hein.

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Jusqu’au jour où je suis tombée sur le recueil Shenley (2014, L’écrou) d’Alexandre Dostie, un jeune poète québécois qui avait décidé de poétiser le monde ouvrier en faisant parler un gars d’chop typique. Je me suis surprise à sourire devant des phrases comme : « toé bé, des blondes comme toé c’est rare » ou encore « les gars versent à grandes gorgées/du cresta blanca/sur les hoods de leurs minounes/en jupes courtes/comme leur chicklet-chicks/assises dans le char ». Son écriture, loin du style léché qui m’agaçait chez plusieurs poètes, était audacieuse, rythmée, poignante. En peu de mots, le poète arrivait à me faire redécouvrir tout un univers, à le faire ressentir. La poésie ne se résumait plus qu’à des petits bouts de phrases qui sonnent bien.

Avec son recueil Bluetiful (2015, L’écrou), Daphné B. en est une autre qui me réconcilie avec la poésie. Si Alexandre Dostie a campé un univers de mâles où règnent les chars délabrés et les restos d’bines, la poète scrute à revers les nombreux visages de la féminité, dans un style tout aussi percutant. Tout le monde y passe : « Bluetiful, c’est la fille, la mère, la serveuse ». Mais c’est surtout un portrait vrai de la femme universelle, soucieuse du regard de l’autre et en constante quête du beau et de l’amour.

Daphné B. porte un regard franc sur les pensées féminines, ponctuées de petites joies, mais surtout de grandes souffrances. On rit jaune avec la poète, puisqu’elle nous surprend avec son écriture dégourdie, avec ses vers percutants qui nous font rire, mais elle ne cesse en même temps de rappeler une femme moderne typique, étourdie dans un monde de démesure et d’illusion.

une fille sale

t’as raison

je suis une fille facile

 

facile à froisser

comme du papier de soie

facile à emballer

C’est sans doute le style cru qui me plaît dans la poésie d’Alexandre Dostie et de Daphné B. C’est aussi leur manière audacieuse d’exploiter la langue familière, de nous montrer sa beauté, son rythme, sa sonorité. Chacun d’eux ont une façon vraie de mettre en scène le monde qui nous entoure ; que ce soit le gars qui trippe sur son char ou encore la fille facile en quête d’amour.

Quand la poésie prend des airs désinvoltes et se rapproche de notre quotidien, elle devient, à mes yeux, réellement intéressante. J’ai donc commencé à garnir ma bibliothèque de recueils de poésie québécois entre autre grâce à eux et à leurs petites œuvres rebelles qui offrent de nouvelles façons de voir et de dire le monde.

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