Café Sfouf, 27 janvier 2018
Petite Madeleine de Philipe Lavalette fut la première lecture choisie dans notre nouveau groupe du samedi, presque entièrement constitué de nouveaux visages. Nous nous retrouvons, comme souvent lors de nos premières séances, au café Sfouf. Nous faisons un tour de table pour connaître toutes ces nouvelles femmes avant d’entrer dans le vif du sujet… et de passer une commande de breuvages chauds, bien entendu.
Alors, qu’en avez-vous pensé ?
Regard documentaire
Personne n’a pu s’empêcher de faire un lien avec La femme qui fuit de Anaïs Barbeau-Lavalette, fille de l’auteur. On retrouve, dans les deux oeuvres, un récit de filiation, une lignée de femmes, un fort désir de comprendre d’où on vient et un tout aussi grand désir de quête, de mise en mots de ce retour aux souches.
Nous avons tout de même essayé de ne pas trop comparer les deux oeuvres. Il y a, bien entendu, des liens, mais Petite Madeleine reste très différent de La femme qui fuit. D’une part, l’histoire se déroule en France à l’époque d’Henri Matis, donc bien avant Borduas et Barbeau. De plus, Philipe Lavalette propose une approche beaucoup plus documentaire à sa propre histoire, il cherche à reconstruire la vie de sa grand-mère de façon très réaliste, sans chercher l’émotion, il reste dans le factuel. En un sens, cette approche concorde bien avec le personnage de Madeleine qui ne nous donne pas non plus accès à ses émotions, mentionne l’une des participantes.
Missives et émotions
L’émotion, on la retrouve dans ces missives insérées ici et là à travers deux chapitres. Ces lettres, en italique, détonnent pour certaines alors qu’elles ajoutent un je ne sais quoi pour d’autres. Les avis sont partagés sur la question. En fait, certaines trouvent que ces lettres non datées coupent le rythme du récit, alors que d’autres trouvent qu’elles apportent des réponses à des questions. Par contre, nous avons dû nous questionner à savoir si ce choix des lettres avait été fait consciemment ou si elles avaient été ajoutées plus tard dans le processus d’écriture. Nous ne le sauront peut-être jamais, mais la question, légitime, fut intéressante à débattre.
Briser la lignée
La lignée de femmes qu’écrit Lavalette est celles de mères monoparentales, de femmes fortes mais froides, passives mais non-soumises. Le récit, peut-être trop court pour y faire vivre pleinement toutes ces femmes, raconte trop rapidement la filiation et la transmission. Il y a, à la fin, dans cette cassure de la lignée, dans le choix de rester, une certaine libération, un bris de statu quo qui se perpétuait parmi les femmes de cette famille. Les participantes ont aussi ressenti, à travers cette lignée de femmes, un certain besoin de l’auteur de justifier le « pattern » perpétué comme un acte de loyauté. Ou peut-être était-ce seulement un besoin de comprendre ce qui a poussé ces femmes à choisir, l’une après l’autre, la monoparentalité, jusqu’à cette petite Madeleine, ni la première, ni la seconde mais bien la troisième, celle avec qui se termine le récit.
En somme, ce livre à la fois personnel et documentaire n’a pas peut-être pas su toucher toutes les participantes, mais il a néanmoins apporté une multitude de discussions sur l’approche et la construction du récit, l’histoire et l’idée de filiation ainsi que la place des femmes dans l’oeuvre.