Bande dessinée et roman graphique
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Annie Sullivan & Helen Keller : le sens du monde

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À Noël, mes parents m’ont offert un livre qui a doucement transformé mon rapport au monde. Sachant que j’avais commencé à étudier la langue des signes, et que j’entretiens une affection particulière pour les questions métaphysiques concernant la perception, ils m’ont offert une œuvre illustrée relatant une partie cruciale de la vie de Helen Keller.

 Courte histoire longue

Née en 1880 en Alabama, Helen Keller souffre, à 19 mois, d’une maladie inconnue à l’époque, qui la rend sourde et aveugle. Quand Helen a sept ans, ses parents se font suggérer de contacter l’Institut Perkins pour les Aveugles afin d’obtenir de l’aide pour l’éducation de leur fille. Le directeur, Michel Anagnos, choisira de leur envoyer une de ses anciennes élèves, Annie Sullivan, une orpheline de 20 ans souffrant elle-même d’une cécité partielle. Elle deviendra la gouvernante, l’enseignante, et la grande amie de Helen Keller. Au cours de sa vie, Helen est devenue auteure, activiste et conférencière, et elle fut notamment la première sourde-aveugle à obtenir un baccalauréat. Au-delà de l’histoire grandiose que nous connaissons, le livre illustré de Joseph Lambert parle du sens sous sa forme la plus vaste et la plus riche, pour nous faire percevoir un monde qu’on effleure à peine, malgré notre capacité (malheureusement assumée) de le voir et de l’entendre.

Voir, autrement

Dès la première page, j’ai été complètement absorbée par les dessins aussi bien que par les subtilités qu’ils illustrent. La première page est marquante: on y discerne seulement la forme d’une petite fille marchant à tâtons dans le noir. Puis, un objet de couleur apparaît, suivi d’une paire de mains bleues qui saisissent la petite fille. Que se passe-t-il? On se sent, nous aussi, marcher prudemment dans un monde qui nous est inconnu, hostile même, et tenter d’y mettre un peu de sens. Les pages se tournent lentement, malgré le peu qu’il y a à voir, parce qu’on doit comprendre autrement l’action qui nous est présentée. Brusquement, le ton est rompu, et la vision et «l’audition» nous sont permises à nouveau: on y voit la maison, les visages, et les gens parler. C’est presque surprenant…

C’est ainsi, en alternant entre un point de vue «aveugle-sourd» et un point de vue «voyant-entendant», que Joseph Lambert réussit à nous faire saisir la tâche colossale face à laquelle Annie Sullivan s’est retrouvée à l’âge de vingt ans: faire saisir à Helen, jusqu’alors isolée de l’extérieur, que tout a un sens, que chaque chose à un nom, et que la nature répond à une logique infaillible. Au fil des pages, toutefois, la vie de Helen se dote de belles couleurs. C’est qu’on apprend en même temps qu’elle.

D’humilité

Il aura fallu plusieurs mois à Annie Sullivan afin de se faire apprivoiser par la petite Helen. J’ai été profondément touchée par la résilience, la ténacité et l’inventivité de Annie. Face aux défis qui lui bloquaient sans cesse la route, elle a su répondre de sa créativité, et de son amour. Sa sagesse se trouve là, dans sa capacité de laisser l’expérience la transformer, et dans la grandeur de ses questionnements.

Quant à Helen, vous le devinez, elle finira par tout comprendre. Au-delà de sa façon de saisir et d’imaginer le monde se trouve l’urgence de s’y inscrire avec singularité.

Sous le récit biographique que nous dessine Joseph Lambert se trouve aussi une histoire qui remet en question les méthodes d’enseignement occidentales, limitant parfois la curiosité sans borne des enfants. On y découvre que Helen a pu se faire du monde une idée aussi juste et sensible parce qu’Annie, plutôt que de se placer comme figure d’autorité face à Helen, a eu l’humilité d’admettre qu’elle ne savait pas, et le courage de chercher à comprendre. Le livre nous est servi comme précieux témoin de ce cheminement unique.

Le simple grandiose

Si je vous ai dit que cette lecture a transformé mon rapport au monde, c’est qu’elle m’a rappelé toute la force qui peut se dégager d’un esprit curieux et insatiable qui ne se connait pas de limites. Elle m’a révélé la richesse des sensations dont peut se doter la plus simple des choses. J’ai fini ma lecture complètement inspirée, profondément reconnaissante, et en quasi béatitude. J’y pense encore souvent, et je commence bientôt la lecture des œuvres écrites par Helen elle-même. À suivre…

Et vous, y a-t-il des livres qui vous ont subtilement changés?

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