J’avais rarement attendu un livre comme j’ai pu attendre la venue du dernier tome d’Elena Ferrante, mystérieuse auteure, L’amie prodigieuse tome IV, l’enfant perdue. La date de sortie était écrite à mon agenda et j’étais prête à me lancer dans la première librairie trouvée le jour béni du lancement. Chose prévue, chose faite, je me suis retrouvée avec ce livre volumineux et attendu dans les mains sans réellement savoir qu’en faire. M’y plonger tout de suite ou attendre, savourer, faire venir le désir pour mieux apprécier les pages qui allaient suivre? Le dernier tome d’une série possède toujours un goût doux amer et je me demandais si je saurais repousser cette amertume en me faisant patienter.
Bien entendu, c’est le contraire qui s’est produit. Livre en mains, il n’était plus possible de m’arrêter. J’ai avalé les pages comme on se jetterait sur un repas après avoir été affamé.
J’ai avalé les pages, la gorge bientôt aigre-douce.
On retrouve, dans le dernier livre qui scellera leur aventure, les deux protagonistes principaux de la série, Lina et Elena, qui à la fois ensemble et séparément vieillissent, changent, évoluent, fondent des familles et s’égarent. Alors que le troisième et avant-dernier titre de la série se terminait vers la fuite d’Elena avec Nino, voilà où le dernier tome reprend. Nous devenons les témoins silencieux de la fuite d’une mère de famille pour suivre l’homme de ses rêves. Mais, bien entendu, les choses ne sauraient aller rondement, et Elena se retrouve bientôt submergée par les doutes, par les remords envers sa famille et l’envie d’avoir une vie personnelle et professionnelle qui lui est propre. Tout au long de son évolution, une distance se crée entre elle et sa vieille amie, Lina, restée dans le quartier de leur enfance et qui possède maintenant une entreprise prospère.
Les deux femmes évolueront une dernière fois devant nos yeux, alors que les années s’accumulent sur leurs épaules et que leur vie se complique.
La carrière ou la famille? Ses origines ou la construction de son avenir? L’auteure aborde des questions qui sont toujours d’actualité et pour lesquelles il ne semble pas y avoir de bonne réponse. C’est d’ailleurs avec ces questionnements que tentent de jongler le personnage d’Elena tout au long de son récit.
On retrouve dans ce dernier tome ces personnages que l’on apprécie, qui n’ont rien de particulièrement extraordinaires si ce n’est qu’ils sont remplis de failles, qu’ils semblent sans arrêt faire des erreurs de jugement, ou poser des gestes qui, on le sait, deviendront bientôt regrettables. Des personnages diablement humains, au fond.
Par moment, on les prendrait à deux bras pour les arrêter de poser des gestes insensés, mais elles ne semblent pas pouvoir y échapper. Il y a quelque chose d’extrêmement tragique et douloureux dans la vie que se tracent Elena et Lina. Comme si le malheur qui empreignait le quartier de leur enfance n’arrivera jamais à les quitter malgré tous leurs efforts, elles semblent condamnées à souffrir.
Puis, un événement plus terrible que les autres bouleverse la vie des deux femmes, et l’histoire ne m’a pas semblé s’y attarder comme j’aurais cru bon qu’elle le fasse.
Et c’est ce que je reprocherais à ce dernier tome. D’avoir passé à une vitesse folle, nous laissant parfois avec des questionnements si grands qu’ils nous empêchent de laisser la place à la suite. La dernière partie racontée de la vie de ces deux femmes que nous avons appris à aimer, malgré tout, passe en un éclair. Les années s’envolent parfois en à peine quelques pages, nous laissant pantois devant leur sort.
Et tout ce qui nous reste est une profonde tristesse pour les destins malheureux des personnages d’Elena Ferrante.
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