J’étudie en gérontologie sociale et je travaille dans une résidence pour personnes âgées en tant que responsable des loisirs. Lorsque Michèle Ouimet a sorti son deuxième roman L’heure mauve, publié chez Boréal en 2017, plusieurs personnes de mon entourage m’ont encouragée à le lire. Ce roman d’environ 365 pages se passe dans une riche résidence pour aînés d’Outremont, où Jacqueline Laflamme, ancienne journaliste atteinte d’un cancer de la langue, mène un combat effrené contre la direction qui souhaite séparer les « atteints » des « bien-portants ». Jacqueline monte aux barricades en clamant la ségrégation inhumaine et dégradante, malgré que plusieurs résidents encore en santé aimeraient être séparés des malades.
La réalité versus la fiction
Lorsque j’ai entrepris la lecture de ce roman, mon premier réflexe fut de tout comparer avec mon milieu. Comme un médecin qui regarde Grey’s Anatomy, j’ai dû effectuer un grand travail de lâcher-prise avant de pouvoir apprécier ce roman à sa juste valeur et me rappeler qu’il ne s’agit que d’un divertissement, une fiction.
Le combat principal de Jacqueline était de permettre aux personnes atteintes de déficits cognitifs de pouvoir continuer de participer aux activités et aux repas en compagnie de tous les autres. Un combat admirable et d’actualité, qui peut toutefois poser problème dans la réalité. J’ai eu l’impression que Mme. Laflamme n’a pas vraiment pris le temps d’analyser tout les angles du problèmes avant de lancer son combat pour l’inclusion et l’égalité. Par exemple, certaines personnes atteintes de la maladie d’Alzeimer ou une autre démence peuvent faire de l’errance et sont à risque de fugue, il est donc recommendé de les laisser sur des unités protégées, codées, d’où ils ne peuvent pas sortir à moins d’être accompagné. C’est une question de sécurité pour eux comme pour nous. J’ai donc parfois eu de la difficulté à être en accord avec le combat de la personnage principale, car même si je milite pour de meilleurs soins pour les personnes âgées, je suis également consciente que les besoins ne sont pas les mêmes pour tous.
J’ai également été un peu agacée par les personnages bi-dimensionnels présentés au cours de l’histoire. La préposée aux bénéficiaires qui aime ses résidents, mais qui n’est pas très bonne à l’école et dont la vie personnelle tourne toujours plus ou moins autour de son travail. La directrice qui ne pense qu’à l’argent. L’animateur en loisirs qui n’est qu’un éternel ado un peu nonchalant et désorganisé. Les divers résidents sont légèrement mieux travaillés, ayant à faire face à leur propre vieillissement, ils font preuve parfois d’un travail d’introspection intéressant.
Pas que des personnes âgées
Un point positif selon moi est d’avoir eu accès à plusieurs chapitres présentant le passé des divers personnages. Des événements marquants de leur enfance, leur adolescence, leur carrière, etc. J’ai apprécié cela, car il est important de souligner qu’avant d’être des personnes âgées, tous ces gens étaient bien autre chose. Ils ont été de grands juges, des époux, des épouses, des mères, des pères, des amis, des employeurs, des employés…
Pour conclure, je tiens à dire que ce roman mérite d’être lu. Bien qu’il expose la réalité des résidences pour aînés de manière romancée, il est tout de même important de lui accorder une place dans le paysage littéraire québécois, tout comme les personnes âgées atteintes de diverses formes de démences ou de maladies. Il faut toutefois éviter de tomber dans la généralisation et prendre pour acquis qu’il s’agit de la réalité.
Seriez-vous tenté de lire ce roman prochainement? Sinon, avez-vous un roman mettant en vedette des personnes âgées à nous suggérer?