J’explorais les dernières sorties littéraires sur le site des Libraires et j’ai été subjuguée par cette illustration de Stephen Mackey représentant une jeune fille sous un voile blanc. Tout était énigmatique. Et définitivement intéressant. Je n’ai pas pu résister à l’achat du recueil.
Sixième recueil de nouvelles de Suzanne Myre, L’allumeuse livre les récits de la survivance d’enfances étranglées et vécues par des personnages écorchés mais bien vivants.
Suzanne Myre m’était tout à fait inconnue. Très prolifique nouvelliste, elle a huit livres publiés en moins de quinze ans où elle explore l’homme sous toutes ses facettes. Elle a d’ailleurs remporté de nombreux prix et été finaliste au Prix des libraires du Québec. Dans ce dernier ouvrage, Suzanne Myre nous fait visiter Montréal-Nord, quartier où elle a grandi, quartier qui n’est pas suffisamment exploré dans notre littérature.
L’allumeuse
Parmi les douze nouvelles du recueil, la nouvelle éponyme est définitivement la mieux ficelée, la plus touchante et la plus satisfaisante. L’allumeuse donne le ton à l’œuvre entière : elle met en scène « Montréal-Mort » et elle dépeint l’enfance dysfonctionnelle de la petite Annabelle, douze ans, qui est abusée par le bedeau de son église. Cet homme refait surface dans sa vie lorsque sa mère lui présente son nouvel amoureux; elle ne pense plus qu’à se venger au point de mettre le feu à l’église. La langue est très poétique et permet d’absorber ce sujet plutôt difficile, voire choquant.
Cet asile était devenu comme une île mouvante produisant une nausée de pensées délétères.
Je me sentais comme une automate, une marionnette taillée dans la culpabilité, dont il tirait les ficelles.
Ma mère me voyait bien m’étioler dans un silence éloquent.
Malgré la lourdeur des propos, la lecture est un pur plaisir et la finalité ne déçoit pas. Des références à cette nouvelle reviennent d’ailleurs à quelques reprises ponctuer le recueil.
Bébé à jeun & Une enfance de petit Frigo
Deux autres nouvelles, diamétralement opposées, m’ont marquée. Bébé à jeun donne la parole à une future maman coincée dans les griffes de la violence conjugale occasionnée par la boisson. Un petit moment de tendresse bien dosée, un baume espéré, où les promesses faites à l’enfant à naître rassurent sur la bonté de l’espèce humaine. La nouvelle Une enfance de petit Frigo, quant à elle, séduit par son personnage principal, un chat. Un chat abandonné qui a droit à une seconde famille affectueuse qui comblera le manque de ses premières années de vie, plutôt difficiles, à vagabonder.
Deux petites nouvelles pures qui désamorcent le chaos engendré par les autres.
L’enfance
Thématique clé qui parcourt la majorité des nouvelles de l’œuvre, l’enfance est représentée dans un dysfonctionnement familial, parfois venant des parents, parfois des enfants. L’alcoolisme, la violence verbale, physique et sexuelle, l’obsession, le regret, témoignent de la suffocation des personnages de ce petit coin de Montréal; Suzanne Myre nous fait passer par une multitude d’émotions. Une nécessité sombre pour mieux réfléchir à l’aisance avec laquelle nous menons nos vies.
Ne connaissant pas l’auteure avant cette sortie littéraire, j’ai maintenant le goût de découvrir les nombreuses nouvelles de son univers et ces deux recueils m’intéressent particulièrement : Le peignoir et Humains aigres-doux. Les connaissez-vous? Avez-vous déjà lu Suzanne Myre?