Faire sentir quelqu’un infiniment petit pour se sentir infiniment grand. C’est ce qu’on a tous fait, de façon volontaire ou non, à un moment ou à un autre de nos vies. Il y a trois ans de ça, je suis tombée sur ce tout petit livre, écrit pour des adolescents, mais que tout le monde devrait lire. Un petit livre rempli de puissance, de rage, de trahison, de peur et finalement, d’abandon. Eux, de Patrick Isabelle, saura vous déranger et vous déstabiliser, que vous soyez un adolescent, un adulte dans la fleur de l’âge ou à la retraite. Je parle en connaissance de cause parce que même si je l’ai lu il y a longtemps déjà, ce livre me hante encore. Je me revois, tournant la dernière page dans un autobus bondé, la larme à l’œil, me demandant comment un livre pouvait m’avoir tant touchée.
« J’ai vu la peur dans ses yeux.
Ça m’a fait du bien.
Alors j’ai tiré. »
Je vous rassure, je ne viens pas de vous donner un extrait de la toute dernière page, mais bien de la toute première. On connait d’emblée comment cette histoire finit. Il n’y a pas de secrets, pas de suspense, pas de chute finale. Il n’y a que l’angoisse, la peur, la rage du personnage principal, lui, de vivre jour après jour sous le joug de ses bourreaux, eux. Il s’engouffre dans un trou sans fond qui l’amènera à commettre l’irréparable, à devenir le monstre qu’ils ont tant voulu qu’il soit.
Entre eux et lui
On suit l’histoire d’un jeune adolescent victime d’intimidation. Victime de gestes de plus en plus ignobles qui, de jour en jour, le transforme en quelqu’un qu’il n’est pas. De page en page, on en apprend un peu plus sur ce qu’il était et sur ce qu’il est devenu. Un peu plus sur ce qu’il aurait pu être.
Eux est un livre bouleversant. Un arrache-cœur, non seulement parce que lui, c’est nous, mais qu’eux aussi, c’est nous. La frontière entre le bien et le mal, le bon et le méchant est floue, autant dans le livre que dans la réalité. On essaie de se convaincre qu’on est fondamentalement bon, qu’on ne veut que du bien à ceux qui nous entourent. Mais pourtant, chacun de nous fait le choix conscient de ne pas blesser l’autre. Chacun de nous retient cette insulte, ce coup, cette hargne lorsque nos émotions semblent prendre le dessus sur notre raison. Mais qu’arrive-t-il lorsqu’on n’arrive pas à se retenir? Qu’on pose un, deux, trois gestes regrettables, de plus en plus impardonnables, pour finalement devenir la personne que nous ne pensions jamais être? Et si je vous disais qu’une fois devenus cette personne, vous ne vous en rendriez même pas compte? Vous passeriez chaque matin devant votre miroir, insouciants de votre reflet qui change sous vos yeux.
Et si je vous disais que des gens blessés, meurtris, il y en a partout? Qu’il faut, encore et toujours, faire le choix conscient d’être bon, gentil, de porter attention, d’écouter et d’aimer. Un simple geste pourrait tout changer. Parce qu’il ne faut pas l’oublier, les gens heureux ne sont pas méchants.
Et vous, avez-vous déjà lu un livre si bouleversant qu’il a changé votre perception des gens qui vous entourent?
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