Une couverture presqu’entièrement noire, un bouquet de safran qui sèche sur celle-ci et un titre qui intrigue, L’étrange odeur du safran, de Miléna Babin, est sans aucun doute un ouvrage qui capte le regard lorsqu’on l’aperçoit en librairie.
Il en va de même lors de sa lecture, alors qu’on se retrouve plongé au cœur d’une histoire qui bifurque, qui tournoie, qui nous amène à rencontrer, à survoler les personnages qui feront vivre le récit.
Car les personnages et les histoires sont légions dans l’ouvrage de Babin.
Désirant s’enfuir de son oncle et de son frère, Nil, une jeune femme à la moralité douteuse débarque au Bic au volant d’une camionnette miteuse et avec pour compagnon, un renard du nom de Lavande. Elle vient rapidement troubler la vie d’un restaurateur séropositif avec ses façons originales de gérer les choses, mais aussi puisque les membres de sa famille qu’elle tentait de fuir sont maintenant à ses trousses. Jacob, le restaurateur, lui, ne souhaite qu’une chose: voler la totalité de la culture de safran, l’épice la plus couteuse du monde, d’un agriculteur de la région dans le but de la vendre pour acheter des médicaments pour l’aider à vivre avec le sida.
S’entremêleront alors à la fuite de Nil des passages sur la vie des protagonistes qui l’entourent, la disparition trouble d’une jeune fille, aussi amante secrète du restaurateur, des tensions dans l’entourage de celui-ci et un survol de l’étrange cérémonie que prend la cueillette du safran pour une famille en Inde.
C’est alors que l’on se dirige dans un pot-pourri sans réponses, passant par mille détours, où l’on croise des personnages sans réellement savoir le fond de leur histoire. Et c’est comme ça que se termine ce livre, également, comme une parenthèse inachevée, comme si nous n’avions été, que pour un temps, les témoins d’existences diverses et que soudainement notre regard se voilait jusqu’à les perdre complètement de vue. La suite de leur histoire nous restera inconnue et peut-être est-ce bien ainsi.
On découvre, ou effleure plutôt, leurs secrets au fil des pages. On comprend des vérités qui se taisent dans un village aussi petit, vérités qui ne traverseront jamais les pages, qui ne se tailleront jamais un chemin entre les protagonistes. Ce que l’auteure veut bien nous donner, nous lancer à travers les pages ne sera que pour nous, ses personnages évolueront sans ces vérités. On se demande parfois où peut bien nous mener cette lecture aux détours aussi nombreux et qui ne semblent mener nulle part.
Mais quelque chose nous amène à poursuivre.
Serait-ce l’écriture fluide et enveloppante qui finit immanquablement par nous plonger dans cet univers du Bic en 1988? Quoi qu’il en soit, il existe en effet dans cet ouvrage à la reliure magnifique une atmosphère particulière où l’incongru rejoint le banal.
L’étrange odeur du safran reste pour moi un mystère. Un mystère envoûtant, qui enveloppe celui qui le lit. Les liens entre les histoires et les personnages semblent parfois sortis tout droit du vide, mais il m’apparaît que cette aura qui enveloppe le livre va parfaitement avec ce qu’il contient. Il semble détenir un secret, quelque chose de dur à cacher, chaque personnage évolue avec, en son sein, quelque chose de plus grand, de plus effrayant que lui.
Et s’il nous laisse avec une envie d’en savoir plus, d’arriver à démêler les fils qui mènent les quêtes des protagonistes, on referme tout de même ce roman avec l’assurance d’avoir passé un bon moment.
Le Fil rouge tient à remercier les éditions XYZ pour le service de presse.
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