Littérature québécoise
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Juicy: un bonbon sûrette qui chatouille le palais

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Quand ça pétille comme ça dans le soleil californien, pas le choix de se sucrer les lèvres dans le mousseux et de se laisser prendre par la légèreté satinée des mots de Mélodie Nelson. Dans un cocktail d’expressions franchouillardes et de trash rose nanane, elle raconte le parcours d’Alexis, une Miss Teen America qui tombe amoureuse d’un has been à la coiffure douteuse, qui se fait prendre à la frontière mexicaine avec du crystal meth, qui investit le monde de la porno et qui n’oublie jamais, jamais de s’occuper de la garde-robe de son chihuahua. 

Cherrylicious, c’est le nom du chien, accompagne Alexis dans les succès et les revers de fortune, les péripéties amoureuses et la lente prise de conscience que sa mère ne l’aime peut-être pas. La narratrice se glisse dans un roman d’apprentissage qui court-circuite le classique pour s’enrouler dans l’excès, celui des amours qui font mal et des belles choses qui consolent. Alexis est un personnage volontairement caricatural, mais la prose de Nelson est si vivifiante qu’elle lui donne des nuances presque sans en avoir l’air. C’est caustique mais ça ne se prend pas au sérieux; ça manie le superficiel comme si ça l’avait inventé. Ce passage grinçant, par exemple:

« Je suis ici pour promouvoir une nouvelle collection de vernis aux noms inspirés par le Mexique, comme Factory, et Juárez, et pour faire la tournée des centres pour femmes violentées par des amants qui organisent des combats de coqs. » (p. 21)

Attendrissante, joliment superficielle, déterminée, Alexis entraîne la lectrice dans une succession étourdissante de marques et de noms de célébrités, mais aussi de rebondissements dignes d’une comédie romantique fin des années quatre-vingt-dix trempée dans le pornographique. Ses erreurs et ses jalousies sont aussi drôles que crève-coeurs; ses brèves remises en questions ont quelque chose de touchant. Et quand elle cherche, à la fin du livre, une porte de sortie à la vie trop étroite dans laquelle elle se retrouve, on se surprend de l’émotion qui s’enroule tout doucement autour de la fantaisie:

« Je veux me trouver une maison en bois, une maison typiquement canadienne, une maison en bois dans la forêt, près d’un étang, où je laverai le même jean Rock & Republic, la même petite culotte Bordelle, les mêmes chandails en cachemire, chaque jour ce sera pareil, je ne sortirai que pour laver mes vêtements et une nappe à carreaux rouges et blancs. Cherrylicious fera caca à deux kilomètres de la maison et reviendra après pour des câlins et pour manger la carcasse d’un écureuil délaissé par une meute de loups. Je ne veux plus sortir dehors et être obligée d’être jolie, je serai toujours la plus belle, parce que ma structure faciale est inimitable, mais je ne serai plus obligée d’être jolie et de m’appliquer des faux cils, sauf si je veux jouer à la Dolly Parton en vacances dans un pays de bûcherons forts et beaux et serviables. Tous mes voisins m’offriront du lait et du sucre et de la lasagne quand ils sauront que je viens d’emménager. » (p. 175)

Aussi vif et irrésistible qu’un bonbon sûrette qui chatouille le palais.

Avez-vous lu Juicy? Partagez-vous mon expérience de lecture?

Mélodie Nelson, Juicy, Éditions de Ta Mère (2017), 178 pages.

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