« Just so. I am what I am. To look for ‘reasons’ is beside the point. »
Lors d’un récent voyage aux États-Unis, principalement à San Francisco, je me suis acheté le livre de Joan Didion Play it as it lays. Dans chaque nouvelle ville que je visite, je me dois de découvrir une et souvent plusieurs librairies. À San Francisco, je me suis arrêtée à la populaire City Lights Booksellers & Publishers, célèbre pour avoir publié la littérature beatnick. Cette librairie est probablement l’une des plus belles librairies que j’ai visitée jusqu’à maintenant. Sur ces trois étages de bonheur, il y a place pour un peu de tout. Construite en hauteur, mais très étroite, ces planchers qui craquent, le grand escalier qui mène vers un ouvrage magnifique des lettres de Sylvia Plath, la librairie City Lights cache un véritable paradis. Pendant ma visite, je voulais ramener avec moi quelque chose de typique de San Francisco. Outre mes livres sur le mouvement beat, j’ai décidé de prendre un roman de Joan Didion pour découvrir sa terre natale, la Californie, à travers les yeux de ses personnages et de sa plume encore inconnue.
Hollywood déchue
Dans ce livre de Joan Didion, c’est l’histoire de Maria, début trentaine, qui est confinée dans un hôpital psychiatrique. Play it as it lays est un récit fragmenté du point de vue de la jeune femme, où on apprend le comment et le pourquoi qui la mènent dans cet hôpital. L’histoire prend forme à travers une carrière d’actrice déchue, un divorce pénible avec un réalisateur populaire, une relation fragile entre mère et fille, et des décisions constamment imposées malgré les désirs du personnage de Maria. On découvre et partage le quotidien d’une femme perdue à travers la vie, dans une vie rythmée par la popularité d’Hollywood et la santé mentale extrêmement taboue à l’époque où l’histoire a lieu.
« Maria drove the freeway. She dressed every morning with a greater sense of purpose than she had felt in some time, a cotton skirt, a jersey, sandals she could kick off when she wanted the touch of the accelerator, and she dressed very fast, running a brush through her hair once or twice and tying it back with a ribbon, for it was essential (to pause was to throw herself into unspeakable peril) that she be on the freeway by ten o’clock. Not somewhere on Hollywood Boulevard, not on her way to the freeway, but actually on the freeway. If she was not she lost the day’s rhythm, its precariously imposed momentum. »
Joan Didion à travers Maria
Publié en 1970, ce livre est composé de très petits chapitres, sa lecture est donc rapide et facile. J’ai mentionné Sylvia Plath plus haut; en effet, ce livre me rappelle le livre La cloche de détresse, car dans ces deux histoires il est question de femmes qui, sous la pression du talent, de l’art et des autres, succombent dans un cercle vicieux où la dépression devient leur pire ennemi. C’est un monde où le chacune pour soi règne. Tout est question d’apparence; les sentiments intérieurs et les appels à l’aide n’ont pas leur place dans un monde basé sur la superficialité, comme on le retrouve dans ces deux œuvres. L’histoire est à propos de ce que Maria voit et ressent dans une simplicité étonnante. Le lecteur partage son quotidien et ses démons. Dans le personnage de Maria, l’autrice Joan Didion s’expose partiellement, comme elle le mentionne dans le documentaire : Joan Didion The Center Will Not Hold (2017). Elle vient à bout de la perte de sens, un peu comme tout le monde à cette époque – et probablement encore à ce jour -à Hollywood.
De la simplicité avant tout
Dans une écriture raffinée et directe, Joan Didion développe des émotions sincères qui définissent parfaitement les actions des personnages. L’histoire s’éloigne du style d’écriture qui est plutôt formel en offrant une histoire brute, dont une chaleur remarquable s’en extirpe étonnamment. Le personnage de Maria est un personnage très fort auquel on s’attache dès les premières pages. C’est à travers la vie difficile de Maria qu’on peut mieux comprendre ce que c’est que d’être humain. Fixer un point au loin, avoir envie de ne rien faire, conduire dans le désert et louer une chambre dans le premier hôtel croisé sont des parcelles de la vie de Maria.
La couverture est d’autant plus particulière, car bien que l’image soit originale et très belle, cette couverture dévoile une importante signification autant pour l’histoire du livre que pour l’autrice. La première de couverture dévoile un serpent noir. Les serpents sont quelque chose que Joan Didion a toujours eu en tête; c’est pour ça qu’elle les intègre à ses œuvres. “Killing a snake is the same as having a snake ” , comme elle le mentionne dans le documentaire, ce qui est une image pour dire que tuer quelque chose, c’est tout d’abord confronter cette chose. Le serpent devient donc ainsi un symbole puissant dans l’histoire de Maria.
Où les émotions s’échappent
Ce livre m’a beaucoup touchée, car il déplore quelque chose de vrai et pas du tout banal. Il n’a rien de superflu dans l’histoire que construit Joan Didion. Elle y expose des sentiments auxquels n’importe qui lisant ce roman peut s’identifier. Je n’aurais pas pu personnellement choisir une meilleure oeuvre de Didion pour m’introduire à son écriture. Je suis impatiente d’en lire davantage et de goûter aux essais qu’elle a écrits. Je vous conseille de lire ce roman, car il est doux dans sa rigidité. Je vous conseille également d’écouter le documentaire que j’ai mentionné plus haut pour découvrir qui est Joan Didion et comprendre dans quel milieu elle a écrit ses livres.
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