Dans un monde aux accents moyenâgeux, il était une fois une princesse. Tilda doit succéder à son père à la tête du royaume, mais elle est écartée du trône par sa mère, qui y place son jeune frère. Accompagnée du chevalier Tankred et de Bertil, pupille du chevalier et aussi ami d’enfance de Tilda, la jeune princesse en exil va se lancer dans une véritable épopée pour reconquérir le pouvoir. Un début de scénario classique, auquel il ne faut pourtant pas se fier, parce que L’âge d’or tome 1, une bande dessinée de Cyril Pedrosa et Roxanne Moreil, est un vrai bijou.
Un visuel époustouflant
Commençons par le visuel, puisque c’est lui qui a (entièrement) guidé mon choix alors que j’hésitais à acheter ce premier volume. Les pages de Cyril Pedrosa sont magnifiques. L’œil s’y promène, se laissant porter par les couleurs chatoyantes, vibrantes, qui nous offrent un panel d’ambiances grandioses. À chaque lieu sa couleur, à chaque action ses teintes. Ayant un faible pour l’art médiéval, j’ai aussi été subjuguée par les textures et les traits, qui semblent empruntés aux enluminures et aux tapisseries de l’époque. Certaines pages s’inspirent des narrations visuelles médiévales: dans une même case, un personnage se déplace dans des temporalités et des lieux différents. Quant aux éblouissantes pages doubles, elles m’ont renvoyée aux fresques de la vie quotidienne du maître flamand Pieter Bruegel et à la tapisserie de Bayeux.

L’âge d’or, une fable utopique
L’histoire s’ouvre sur trois serfs affamés qui discutent des inégalités entre seigneurs et sujets. Au fil de son périple, Tilda découvrira un peuple ravagé par la faim et un royaume où gronde la révolte. Partout, les moins puissants se soulèvent contre les seigneurs. Leurs revendications sont soutenues par une curieuse légende, racontée dans un ouvrage perdu, L’âge d’or. Ses pages narrent, dit-on, ce temps où les hommes vivaient en harmonie, libres et égaux. Ce contexte politique et social, très moderne, sert de toile de fond aux aventures des protagonistes. Tilda, idéaliste qui souhaitait reprendre le pouvoir pour aider le peuple, se laissera d’ailleurs emporter par ce pouvoir, jusqu’au point de rupture avec Bertil, qui se détournera de la quête de Tilda et du camp des puissants pour soutenir le peuple.

Une communauté idéale érigée par des femmes
Alors qu’au Moyen Âge les communautés de femmes étaient essentiellement religieuses, celle qui accueille Tilda et ses compagnons au cours de leur quête est extrêmement actuelle et féministe. Composée d’un petit nombre de femmes qui vivent en secret au cœur de la forêt, cette communauté vit en parfaite autarcie. Elles ont construit leur refuge de leurs mains, cultivent la terre et apprennent à se défendre seules. Leurs règles sont simples: aucun homme ne doit entrer en contact avec les femmes qui y vivent et il n’y a de place pour aucune forme de domination. Les préceptes de L’âge d’or semblent ici être appliqués, sous une certaine forme. Grâce à ces femmes, savantes et autonomes, Tilda sera amenée à repenser le système monarchique dont elle est le produit, tout comme Bertil, dont la conscience sociale s’éveillera après son passage dans la communauté. C’est aussi chez elles, dans les pages d’un vieux manuscrit, que le meneur de la révolte trouvera une partie des réponses à ses questions.
L’âge d’or est une série qu’on prévoit publier en deux tomes, et je n’ai qu’une chose à dire: vivement la suite! Et vous, vous laisserez-vous tenter par cette bande dessinée résolument moderne?