Comme je déteste être à court d’idées de lectures, j’essaie le plus possible de prendre en note les titres dont j’entends parler ou qui me sont recommandés. Au bonheur des ogres de Daniel Pennac se trouvait dans ma liste de lectures futures depuis plus d’un an. Il s’agissait de l’un des romans préférés d’une de mes professeurs de français au cégep. Je ne savais rien ni de l’histoire ni de l’auteur, mais j’avais tout de même en tête de lire ce livre, et ce moment est finalement venu.
Représentant officiel du magasin et de la famille
Le roman a pour principal héros Benjamin Malaussène, qui mène une vie en apparence assez normale. Pourtant, elle contient tout de même certaines particularités. D’abord, le dénommé Benjamin travaille dans un grand magasin parisien où il occupe théoriquement la fonction de contrôleur technique. Dans les faits, il est plutôt bouc émissaire. Lorsqu’un client est mécontent de son achat, Benjamin est inévitablement le coupable. L’engueulade habituelle qui lui est servie par son supérieur et les larmes qu’il réussit facilement à faire couler amènent presque immanquablement la culpabilité du client, qui retire aussitôt la plainte qu’il venait pourtant de déposer de pied ferme. En des mots plus simples, Benjamin Malaussène n’a qu’une seule tâche : se faire crier dessus six jours par semaine, plusieurs fois par jour.
« Le reste marche comme sur des roulettes. Sincèrement ému par mon émotion, M. Muscle se dégonfle d’un seul coup. Impressionnant. On croirait presque voir la forme de son cœur. Lehmann en profite aussitôt pour me charger méchamment. Je lui présente ma démission en sanglotant. »
Dans sa vie personnelle, l’aîné Ben est ce qu’il appelle le « frère de famille ». Sa mère, éternelle absente, a eu plusieurs enfants de pères éparpillés. Benjamin est donc celui qui s’occupe de la joyeuse tribu Malaussène. Tous les frangins vivent très heureux ensemble, dans une harmonie un peu complexe, mais qui fonctionne bien. Les frères et sœurs de Benjamin, bien qu’ils jouent tous un rôle important à un moment quelconque de l’histoire, sont peu développés. Ils n’ont tous qu’une seule chose qui les caractérise.
Explosion puis implosion
Benjamin joue sans problème le rôle, assez bien payé, du bouc émissaire, jusqu’au jour où des bombes se mettent à sauter dans le magasin. Chaque bombe fait un mort. Benjamin fait déjà un coupable tout désigné, mais cette possible culpabilité est exacerbée par le fait qu’il est présent lors de chacune des déflagrations. La police se met donc à enquêter, et Benjamin fait pareil de son côté, car il sait que s’il ne coince pas le vrai coupable, c’est lui qui aura les accusations sur le dos.
Il fait donc ses propres recherches et il raconte ses déductions à ses jeunes frères et sœurs, avant qu’ils aillent dormir. Certains chapitres commencent sans qu’on sache s’il s’agit de la réalité ou de la version plus abracadabrante livrée par Benjamin. Ce peut parfois être un peu mélangeant, mais au final, on s’y retrouve bien.
Les histoires racontées par Benjamin Malaussène sont farfelues, mais l’écriture de Daniel Pennac, l’auteur, l’est tout autant. Cette façon fantaisiste de décrire l’action caractérise beaucoup le roman.
« Du coup, les quatre flics dispersés dans l’assistance me sautent aux yeux comme des morpions sur une feuille blanche. Rien ne les distingue pourtant des autres mâles de l’assemblée. Flics, vendeurs et cols blancs, même combat pour la gourmette et le pli du futal. C’est le regard qui change. Ces quatre-là regardent les autres, et les autres regardent devant eux, pathétiquement, comme si la promesse d’une aube sans explosif pouvait sortir de la tribune syndicale. Les flics, eux, cherchent un tueur. […] Qui, dans l’assistance, en a chié au point de vouloir faire sauter la baraque? »
Ce roman est en fait le premier d’une saga mettant en vedette la famille Malaussène. Bien que j’ai somme toute apprécié cette lecture un peu bizarroïde, je ne peux pas dire que j’aie particulièrement envie de lire les autres livres. Chacun des livres comporte vraiment sa propre histoire, sa propre petite enquête dans laquelle la famille est plongée, mais chacune d’elles est indépendante. J’ai donc terminé ce premier tome, satisfaite d’avoir appris le dénouement, et non pas dans l’urgence de lire la suite.
Êtes-vous du genre à essayer les lectures qui vous sont recommandées, ou ces titres restent éternellement dans une liste, sans jamais être lus?