D’abord, mettons-nous tout de suite d’accord : si vous passez une nuit blanche à lire ce livre, je n’en serai aucunement responsable! Car, oui, Rang de la croix, de Katia Gagnon, fait partie de ces romans qu’il est impossible de lâcher une fois qu’on les a commencés, et qu’il est aussi difficile de décrire sans trop en dire…
Au centre, une maison
Au bout du rang de la Croix se dresse une sombre demeure érigée en 1934, une des plus anciennes du Témiscouata. Imposante, elle domine le paysage. Entre ses murs, de nombreux occupants se sont succédé au fil du temps, leur passage dans la maison bouleversant à jamais leur existence. La figure de la maison est une source infinie d’inspiration dans la littérature, et l’autrice joue ici avec force sur le mystère du lieu. À rebours, Katia Gagnon nous entraîne d’une main de maître dans les recoins de cette demeure, à la rencontre de ceux, et surtout de celles, qui l’ont habitée de générations en générations, poursuivis par leurs secrets et leurs cauchemars.
1994. Pierre, préposé en CHSLD à Montréal, déménage au Témiscouata pour travailler dans la vieille maison reconvertie. Il y rencontre Thérèse, ancienne détenue affaiblie par la maladie d’Alzheimer, qui a un jour commis un geste irréparable.
1974. Michèle rêve d’enfants, de terre à cultiver et de liberté. La demeure, dégradée par le temps, attire son compagnon. Il veut en faire l’endroit où leurs enfants s’épanouiront, et ce, malgré les avertissements des voisins.
1964. Marjolaine a vécu toute son enfance dans la maison du rang de la Croix avant de la quitter dans la douleur. Elle se fait religieuse, mais rompt ses vœux solennels pour revenir à la maison et y retrouver sa famille déchirée.
1934. Enfin, c’est l’histoire d’Élizabeth, porteuse d’un secret et poursuivie par les ouï-dire, qui défrichera la terre et sera la première habitante de la maison.
Mystères et fantômes
L’autrice, avec une écriture presque journalistique quand vient le temps de décrire les faits historiques, la vie religieuse ou le travail en CHSLD, nous dévoile un à un les liens qui sont tissés entre les différents récits. Le drame est annoncé et le suspense est savamment distillé pour laisser planer le mystère sur l’histoire tant que le récit originel n’est pas dévoilé. Tout ne nous est cependant pas divulgué… à nous, lecteurs, de conclure le récit avec nos propres hypothèses. Bien que cela m’ait surprise au premier abord, quelques éléments fantastiques sont égrainés ici et là. Sans faire tomber le récit dans l’horreur, ils ajoutent une dimension inquiétante aux événements sordides qui nous sont contés. Juste assez pour nous faire frissonner, et ça marche!
Et vous, quel roman vous a fait passer une nuit blanche récemment?
Merci aux Éditions du Boréal pour la découverte!